6 mars 2018

[Paix Liturgique] À Hambourg, portes ouvertes aux réfugiés mais pas aux fidèles Summorum Pontificum

SOURCE - Paix Liturgique - n°634 - 6 mars 2018

Avertissement : nos réflexions de la semaine ne sont inspirées que par ce qui se passe sur les bords de l’Elbe et toute ressemblance avec ce qui se passerait sur les bords de la Marne, de la Charente, de l’Allier ou de la Seine, ne serait bien entendu que fortuite...
*** 
À Hambourg, agglomération de près de deux millions d’habitants, la proportion de catholiques est à peu près stable depuis la refondation du diocèse en 1994, dans le cadre de la réorganisation de l'Église après la réunification de l’Allemagne : environ 10%. Il faut dire qu’un catholique sur cinq est issu de l’immigration, en particulier polonaise. De ces 200 000 catholiques, au grand maximum un sur dix assiste au moins une fois par mois à la messe dominicale, soit à peine 20 000 personnes. 

Depuis 2015, l’archevêque est Mgr Stefan Hesse, jeune (52 ans), disciple de Hans Urs von Balthasar et plutôt « classique ». Responsable de la pastorale des migrants pour la Conférence épiscopale allemande, Mgr Hesse ouvre volontiers les portes de ses églises aux réfugiés et aux non baptisés... mais plus difficilement aux fidèles traditionnels de son diocèse ! 
Une chapelle excentrée
Des nombreux clochers qui animent le panorama de la ville, de tradition protestante, bien peu signalent des lieux de culte catholiques. Le centre-ville ne compte en effet que trois églises catholiques, les autres se trouvant disséminées sur le vaste territoire de l’agglomération. Pour trouver l’église qui accueille chaque dimanche la forme extraordinaire du rite romain, il faut se rendre dans le quartier d’Osdorf, à l’ouest de la ville. Dédiée à saint Conrad de Parzham, franciscain bavarois du XIXème siècle, cette grosse chapelle n’attire guère plus d’une trentaine de fidèles pour ce qui est la seule messe dominicale hebdomadaire de la ville célébrée en accord avec le motu proprio Summorum Pontificum. 
Un horaire peu catholique
Il faut dire qu’outre le caractère excentré de l’église, l’horaire de la célébration ne facilite guère l’assistance à la messe : 15 heures ! Tout sauf un horaire familial... Ce qui fait que, de dimanche en dimanche, l’assemblée change en fonction de ceux qui ont pu s’organiser pour participer (au total, la communauté rassemble une centaine d’âmes). 
Un célébrant sous pression
Pourtant, la messe est chantée et le célébrant peut compter sur une équipe de servants de messe pour l’aider à préparer l’autel chaque dimanche ainsi que sur quelques bonnes volontés pour offrir un thé à l’issue de la célébration. Bien que le célébrant soit un prêtre diocésain, il n’a ni le choix du lieu ni celui de l’horaire puisqu’il est tenu, le dimanche matin, de célébrer la forme ordinaire dans une autre église. Une obligation qui ne lui pèserait guère s’il ne devait, lorsqu’il célèbre la forme ordinaire, s’adapter au contexte qui lui est imposé par son curé et l’équipe liturgique, à commencer par les servantes d’autel et les laïcs donnant la communion. Toute tentative visible de sa part de célébrer la forme ordinaire en accord avec la présentation générale du missel romain, sans même parler de l’enrichir par son expérience de la forme extraordinaire, provoque invariablement protestations et remontrances. 
Et pourtant...
Et, pourtant, de cette communauté ignorée et marginalisée, sont nées deux vocations sacerdotales, l'une traditionnelle (Fraternité Saint-Pierre) et l'autre diocésaine, preuve que la communauté ne cultive pas de rancœur envers l'ordinaire diocésain. Pas de quoi cependant susciter la bienveillance de l’archevêque : ces « réfugiés de l’intérieur » l'intéressent bien moins que les réfugiés non-chrétiens venus des confins de l'Arabie ou de l'Anatolie... 
LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
À Hambourg, la FSSPX dispose d'une chapelle qui fait le plein chaque dimanche et s'apprêtre à y ouvrir un prieuré pour répondre aux besoins des fidèles.

1) Notre rencontre avec la communauté Summorum Pontificum de Hambourg nous rappelle combien de persévérance, d’amour et de zèle il a fallu déployer pour préserver et transmettre la liturgie traditionnelle de 1969, date de sa suppression de fait, à 2007, date de sa restauration officielle. Aujourd’hui, dans le confort de nos chapelles Ecclesia Dei ou de nos paroisses personnelles, nous avons facilement tendance à oublier la somme de sacrifices consentis par nos aînés, prêtres et laïcs, pour maintenir allumée la bougie de la tradition en pleine tempête postconciliaire. Or, en France aussi nous avons nos Hambourg : des lieux où, envers et contre tout, un prêtre diocésain, limité à une messe mensuelle dans une église dépourvue de tout objet et parement liturgique – voire de chauffage! –, tient bon grâce à une poignée de fidèles désireux de se nourrir, et de nourrir leurs familles, au lait spirituel de la forme extraordinaire. 

2) Bien sûr, même en tenant compte des conditions hostiles, une centaine d'âmes sur 20 000 pratiquants, cela ne pèse pas lourd. Et nous entendons déjà quelques voix s’élever pour dire que nous faisons beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Au-delà du fait que le bon pasteur, comme l’illustre avec insistance le pape François, n’hésite jamais à courir après la brebis dispersée, il est évident que le potentiel de catholiques demandeurs de la forme extraordinaire à Hambourg dépasse largement la capacité de l’église Saint-Conrad-de-Parzham. Ainsi, la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) fait-elle le plein chaque dimanche à 10h30 en sa chapelle d’Alsterdorf, un autre quartier de la ville. Desservie pour l’instant par les prêtres de son prieuré de Berlin, cette chapelle devrait bientôt disposer d’un prieuré flambant neuf – les permis ont été déposés – afin de pouvoir disposer de prêtres à demeure et de répondre ainsi aux besoins des familles locales.

3) Le sondage réalisé en février 2010 par Harris Interactive sur la réception du motu proprio Summorum Pontificum en Allemagne avait révélé que deux pratiquants allemands sur cinq assisteraient volontiers à la forme extraordinaire du rite romain pour peu que celle-ci soit célébrée dans leur paroisse. Pour vérifier une telle intention, il conviendrait évidemment que les paroisses s’ouvrent au motu proprio, ce qui, à Hambourg, n’est pas encore le cas.