15 juillet 2017

[Dominicains d'Avrillé - Le Sel de la Terre] Le problème de la reconnaissance canonique (éditorial)

SOURCE - Dominicains d'Avrillé - Le Sel de la Terre (n°101) - été 2017

Retour sur l’Église conciliaire 
Sur l'Eglise conciliare, son existence et sa nature, plusieurs études sont parues dans Le Sel de la terre 1. 
     
Dans Le Sel de la terre 59, l’Église conciliaire était décrite comme la société des baptisés qui se soumettent aux directives du pape et des évêques actuels dans leur volonté de promouvoir l’œcuménisme conciliaire, et qui, par conséquent, admettent l’enseignement du concile Vatican II, pratiquent la liturgie nouvelle et se soumettent au nouveau droit canon 2. 
     
Dans Le Sel de la terre 97, l’Église conciliaire était montrée comme une transition entre l’Église catholique et la Contre-Église. La conclusion de l’article donnait en exemple de cette transition le Hellfest, la fête de l’Enfer : au cœur de la Vendée, plus de cent mille jeunes viennent depuis quelques années au cours de l’été fêter le démon. Entre leurs grands parents catholiques qui fêtaient la Fête-Dieu et ces petits-enfants démoniaques, une seule génération conciliaire a suffi pour faire la transition.
     
Signalons encore : le « Petit catéchisme du concile Vatican II » paru dans Le Sel de la terre 93 (printemps 2015), qui montre comment l’enseignement du Concile a été influencé par les idées maçonniques ; les avertissements de la Contre-Église (voir Le Sel de la terre 92, été 2015, p. 134-138) et les « nouvelles de Rome » parues dans Le Sel de la terre 89, 91 et 94, où l’on voit que l’Église conciliaire travaille, de concert avec la franc-maçonnerie, à l’établissement d’un mondialisme laïque.
     
De ces diverses études, on peut tirer la conclusion suivante : l’Église conciliaire est un instrument entre les mains de la franc-maçonnerie pour contraindre les catholiques à travailler, volens nolens, à l’établissement du mondialisme, c’est-à-dire à la construction du « Temple » maçonnique.
     
Mgr Lefebvre l’avait déjà bien vu et clairement annoncé dans son « testament spirituel»:
L’instauration de cette « Église conciliaire » imbue des principes de 89, des principes maçonniques vis-à-vis de la religion et des religions, vis-à-vis de la société civile, est une imposture inspirée par l’Enfer pour la destruction de la religion catholique, de son magistère, de son sacerdoce et du sacrifice de Notre Seigneur 1. 
Et il en tirait la juste conclusion : 
C’est donc un devoir strict pour tout prêtre voulant demeurer catholique de se séparer de cette Église conciliaire, tant qu’elle ne retrouvera pas la tradition du Magistère de l’Église et de la foi catholique 2. 
Peut-on accepter une reconnaissance canonique ? 
Lorsque Mgr Lefebvre a fondé la Fraternité Saint-Pie X (en 1970), il a obtenu de l’évêque de Fribourg, Mgr Charrière, une érection canonique à titre de pieuse union. L’œuvre de Mgr Lefebvre est restée canoniquement reconnue par Rome pendant cinq ans. 
     
Cependant, le 21 novembre 1974, suite à une visite canonique d’Écône par deux envoyés de Rome, Mgr Lefebvre fit une déclaration qui montra son refus de « la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues ». 
     
Dès lors, la ligne de démarcation entre les deux « Églises » était faite. Peu après, la « Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante » reçut l’appellation d’Église conciliaire par Mgr Benelli 3. Ce nom lui est resté. 
     
La « suppression » canonique de la Fraternité Saint-Pie X fut effectuée par Mgr Mamie le 6 mai 1975. Mgr Lefebvre disait qu’elle était « irrégulière et en tout cas injuste 4 ». 
     
Cette « suppression » fut donc regardée comme nulle par Mgr Lefebvre et tous ceux qui suivent les règles de l’Église catholique, tandis qu’elle fut reconnue comme valide par les représentants de l’Église conciliaire. 
    
Cependant, depuis quelque temps, on parle de plus en plus d’une « reconnaissance canonique » de la Fraternité Saint-Pie X par les autorités actuelles du Vatican. Une telle reconnaissance peut-elle être acceptée ? 
    
En soi, la régularité canonique dans l’Église catholique est une chose bonne, et même nécessaire. Mgr Lefebvre a demandé cette régularité en 1970 et l’a obtenue. 
     
Mais, aujourd’hui, si une reconnaissance canonique était accordée, elle le serait dans le cadre du nouveau Code de droit canon. C’est dans ce cadre que la juridiction pour les mariages a été récemment accordée par le pape à la Fraternité Saint-Pie X 5. Pour cette seule raison, il faudrait refuser une telle reconnaissance 6. 
     
Ajoutons qu’une telle reconnaissance, dans les circonstances actuelles, aurait d’autres inconvénients. En voici quelques-uns : 
  • Elle nous ferait entrer dans le pluralisme conciliaire, la Tradition étant reconnue à l’égal des charismatiques, des Focolari, de l’Opus Dei, etc. C’est la vérité mise au niveau de l’erreur, au moins dans l’opinion publique. 
  • Elle amènerait dans nos chapelles des fidèles décidés à rester conciliaires, modernistes et libéraux, avec toutes les conséquences, car l’affaiblissement de la foi entraîne les mauvaises mœurs. 
  • Elle ferait nécessairement diminuer les attaques contre les erreurs professées par les autorités sous lesquelles on se trouverait directement. Il est d’ailleurs facile de constater que les autorités supérieures de la Fraternité Saint-Pie X ont déjà diminué leurs critiques des erreurs actuelles de Rome (année Luther, Amoris Lætitia, etc.) 
  • Enfin une telle reconnaissance mettrait directement sous l’autorité de supérieurs eux-mêmes soumis à l’influence de la franc-maçonnerie. La Providence a permis que Mgr Lefebvre et ceux qui l’ont suivi soient exempts de cette influence de la maçonnerie : ce serait une grave imprudence de s’y soumettre volontairement. La franc-maçonnerie est née il y a juste trois siècles (24 juin 1717). Arrivera-t-elle, après avoir détruit tous les États chrétiens (œuvre des révolutions du 18e au 20e siècle), puis asservi l’Église (plan de la Haute Vente, réalisé par le concile Vatican II), à étendre son influence sur l’œuvre de Mgr Lefebvre ? Ce serait son triomphe apparent sur la terre.
Par conséquent, la solution canonique ne peut être envisageable qu’avec une Rome convertie doctrinalement, et ayant prouvé sa conversion en œuvrant au règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et en luttant contre les adversaires de ce règne.
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  1. Mgr Marcel LEFEBVRE, Itinéraire spirituel à la suite de saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique, 2e éd., Tradiffusion, Bulle, 1991, p. 23-24.
  2. Mgr Marcel LEFEBVRE, Itinéraire spirituel, p. 31.
  3. Mgr Giovanni Benelli, 1921-1982, substitut à la secrétairerie d’État, créé archevêque de Florence et cardinal en 1977 par Paul VI, écrivit dans une lettre du 25 juin 1976 adressée à Mgr Lefebvre de la part du pape : « [Si les séminaristes d’Écône] sont de bonne volonté et sérieusement préparés à un ministère presbytéral dans la fidélité véritable à l’Église conciliaire, on se chargera de trouver ensuite la meilleure solution pour eux. »
  4. Mgr Bernard TISSIER DE MALLERAIS, Marcel Lefebvre, Étampes, Clovis, 2002, p. 510.
  5. Voir plus loin, dans ce numéro du Sel de la terre, le dossier sur cette question.
  6. « Nous ne pouvons pas nous contenter d’une discipline particulière pour la Fraternité ; nous refusons ce nouveau Code parce qu’il est contraire au bien commun de toute l’Église, que nous voulons défendre » Abbé Jean-Michel GLEIZE, Courrier de Rome n° 499 de mai 2017.