14 septembre 2016

[Paix Liturgique] Les JMJ confirment l'essor de la Forme Extraordinaire à travers le monde

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°561 - 14 septembre 2016

Depuis 2005, les Journées mondiales de la jeunesse permettent de façon officielle aux jeunes pèlerins de participer à ce rendez-vous tout en bénéficiant de la célébration de la liturgie traditionnelle. À Cracovie, en cet été 2016, plus de 800 jeunes, répartis en deux groupes linguistiques – l'un francophone piloté par les Missionnaires de la Miséricorde divine, l'autre anglophone piloté par Juventutem –, ont ainsi pu témoigner de leur attachement à la liturgie latine et grégorienne. Bertalan Kiss, jeune père de famille hongrois et président de la fédération internationale Juventutem depuis le début de l'année, a accepté de nous livrer ses impressions sur cet événement.
I – ENTRETIEN AVEC LE PRÉSIDENT DE JUVENTUTEM
1) Bertalan, c'étaient vos premières JMJ comme président de Juventutem mais aussi comme pèlerin : quel souvenir en gardez-vous ?


Bertalan Kiss : Au départ, j'avais des sentiments partagés sur ce qui, par certains aspects, ressemble plus à un festival qu'à un rendez-vous religieux. Toutefois, dès le premier jour, j'ai trouvé très réconfortant, à l'heure des persécutions des chrétiens au Moyen-Orient et ailleurs, de voir que tant de fidèles pouvaient se retrouver pour adorer en toute liberté et toute sécurité le Dieu unique et véritable. Ensuite, au fil des jours, a mûri l'idée que l'Église avait, tout au long des siècles, su intégrer et « baptiser » tant de rites et coutumes païennes et que cela était encore le cas aujourd'hui. En quelque sorte, les JMJ sont comme la christianisation du phénomène moderne des festivals musicaux de masse.
          
Il est en outre très rassurant de voir, par-delà les rires et les chants, le bruit et les drapeaux agités en tous sens, que dans chaque église on y prie intensément, que les confessionnaux ne désemplissent pas, qu'on y adore le Saint Sacrement avec dévotion. Enfin, en dépit du climat international et de la menace terroriste, je dois dire qu'aucune peur n'était palpable et qu'il faut remercier les organisateurs ainsi que les forces de sécurité polonaises pour leur excellent travail.

2) Quelles ont été les activités de Juventutem tout au long de ces JMJ ?


Bertalan : En raison d'une erreur d'organisation, ou plutôt d'une intervention de la Divine Providence, Juventutem s'est retrouvé avec non pas une mais deux églises situées au centre de Cracovie. Du coup, l'une a été affectée aux pèlerins francophones et l'autre aux anglophones. Chaque jour nous avions donc deux messes pontificales, deux catéchèses et deux lieux pour la célébration des messes privées des prêtres. Et deux églises pleines !
          
Nous avons aussi eu des vêpres pontificales communes aux deux groupes qui nous ont permis de remplir l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, la plus grande des églises historiques de Cracovie par sa capacité.
          
Je voudrais profiter de cet entretien pour remercier et féliciter tous les participants, en particulier nos amis polonais et français qui ont fait preuve d'un grand dévouement et accompli un immense travail. Sans eux, nous n'aurions pas vécu de telles journées.

3) Combien étiez-vous et quels pays étaient représentés ?


Bertalan : Les Francophones étaient sans aucun doute les plus nombreux, prés de 500 ! Ensuite, nous avions des groupes des États-Unis, du Royaume-Uni, de Suède, de Pologne bien sûr, d'Allemagne, de Croatie, de Slovaquie, de Slovénie, du Nigeria, du Portugal, de Malaisie, de Singapour et de mon propre pays bien sûr, la Hongrie... Je pense que plus de 800 jeunes ont participé à nos cérémonies mais ce n'est qu'une estimation car bon nombre d'entre eux ne se sont pas inscrits à travers nous mais par le biais de leur diocèse.

4) Quelles relations avez-vous eues avec les pèlerins liés à la forme ordinaire ?


Bertalan : Aux JMJ, la coutume veut que les pèlerins entrent dans toutes les églises devant lesquelles ils passent. Nous avons donc eu beaucoup de pèlerins n'appartenant pas au monde traditionnel qui ont été en contact avec nos célébrations ou catéchèses. Au moins deux groupes de pèlerins « ordinaires », dont un des États-Unis, sont restés le temps d'une messe, avec le prêtre les accompagnant. Lors de nos déplacements avec le drapeau de Juventutem, de nombreux jeunes le reconnaissaient et nous saluaient avec sympathie.
        
Mon impression est que la présence de la liturgie traditionnelle et des fidèles qui la préfèrent ne heurte personne. Au contraire, à juger de l'accueil qui nous est fait, notre présence est aussi normale que celle de tout autre groupe. Nous ne faisions pas tâche et personne ne nous a montrés du doigt. C'est pour moi une excellente expérience qui confirme la fin d'un long, et injuste, ostracisme.

5) Un mot pour conclure ?


Bertalan : Il y a deux ans, l'un des fondateurs de Juventutem fut reçu en audience privée par le pape Benoît XVI. En cette occasion, le pape émérite lui confia que l'objectif du motu proprio Summorum Pontificum était « d'allumer de petits feux ». Nous devrions relire de temps en temps le texte du motu proprio. Ce document, selon une métaphore que j'emprunte à Fr. Zuhlsdorf, est comme une bicyclette flambant neuve : elle n'ira nulle part sans nous ! Nous devons nous engager pour l'essor de nos communautés mais aussi contribuer à l'essor de nos paroisses et, pourquoi pas, de nos diocèses.
          
Ce grand cadeau que représente la liturgie traditionnelle n'est pas quelque chose que nous devons garder pour nous mais que nous devons partager avec les autres. À condition de le faire sous la conduite du Saint-Esprit, sans détourner le regard de notre Seigneur sous peine de tomber de vélo ! Le bien de l'Église et le salut des âmes, à commencer par la nôtre et celles de nos proches, est notre premier devoir.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Bertalan Kiss a découvert la messe traditionnelle en 2009 grâce au Capitulum Laicorum Sancti Michaelis Archangeli de Budapest. En 2012, il a cofondé le pèlerinage annuel Peregrinatio Fidei qui rassemble les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain en Hongrie. En 2014, après avoir rencontré l'abbé de Malleray et les dirigeants de l'époque de Juventutem lors du pèlerinage du peuple Summorum Pontificum à Rome, il devient le coordinateur de Juventutem Hongrie. Début 2016, il accepte de prendre la succession de l'Anglais George Steven comme président de Juventutem international.
          
2) Dans un entretien donné au réalisateur Loïc Lawin pour la préparation du film Ad Petri Sedem consacré au pèlerinage Populus Summorum Pontificum à Rome, Bertalan Kiss expliquait que sa découverte de la liturgie traditionnelle correspondait avec son retour à la foi à l'âge adulte : « Ma première expérience de recommençant fut la messe traditionnelle. J'ai trouvé le seul endroit où la messe était célébrée à Budapest et j'y suis allé avec ma fiancée. Je me suis senti à la maison. » Ce sont les prémontrés qui célèbrent la forme extraordinaire à Budapest en l'église Saint-Michel de Belváros, avec le concours de laïcs marqués par l'œuvre musicale de Laszlo Dobszay, chef de chœur réputé et grand défenseur de la musique sacrée. Un grand soin y est apporté à la formation liturgique et musicale de toute la communauté.

3) La réaction initiale de Bertalan Kiss quant au style des JMJ correspond à un vrai problème de fond, celui de l'inculturation de la foi et de son expression dans la modernité. On ne prend certes pas des mouches avec du vinaigre, ni des jeunes avec du ringard, mais on pourrait sans doute imaginer des JMJ qui soient moins semblables aux grands festivals de masse modernes (de même que l'on pourrait concevoir des Marches pour la Vie ou des Manifs pour Tous qui ne soient pas des techno-parades...). Le président de Juventutem a cependant tout à fait raison de prendre acte de la réalité et d'y voir la christianisation d'un phénomène païen. Avec lui,réjouissons-nous donc de la place qu’accordent désormais les JMJ à la liturgie traditionnelle et du fait que les jeunes catholiques « extraordinaires » y soient présents de façon organisée et visible.

4) Même si, notamment grâce au dynamisme des Missionnaires de la Miséricorde divine, les Français étaient particulièrement nombreux à ces JMJ de Cracovie, l'origine des jeunes ayant participé aux activités de Juventutem confirme une nouvelle fois l'attrait universel de la forme extraordinaire : États-Unis, Royaume-Uni, Suède, Pologne, Allemagne, Croatie, Slovaquie, Slovénie, Hongrie, Portugal, Nigeria, Malaisie, Singapour...

5) Pour le président de Juventutem international, l'expérience de ces JMJ 2016 marque« la fin d'un long, et injuste, ostracisme ». L'abbé de Malleray, aumônier de Juventutem, rappelle à juste titre – dans un très complet compte rendu de ces journées polonaises intitulé « Extraordinaire normalité » – que c'est dès les JMJ de Cologne, en 2005, que tombèrent les premières barrières. À l'époque, le comité organisateur officiel des JMJ accepta de faire une place à la liturgie traditionnelle dans son programme en confiant la supervision des activités « tridentines » (comme on disait encore à l'époque) à la toute naissante fédération internationale Juventutem. Ce rappel historique est important car il éclaire la référence précise à la jeunesse faite par le Saint-Père Benoît XVI dans sa lettre aux évêques accompagnant le motu proprio pour justifier la nécessité « d’un règlement juridique plus clair, que l’on ne pouvait pas prévoir à l’époque du Motu Proprio de 1988 » : « Entre-temps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement. »