15 septembre 2013

[Lettre à Nos Frères Prêtres] Le catéchisme de la doctrine chrétienne - L’oeuvre d’un saint pape

SOURCE - FSSPX - Lettre à Nos Frères Prêtres n°58 et 59 - septembre 2013

Tel un artiste s’exerçant toute une vie, saint Pie X a composé le Catéchisme de la Doctrine chrétienne au soir de son pontificat. Ce résumé de la doctrine en 433 questions-réponses est un chef d’oeuvre à l’usage de tous les fidèles. C’est aussi le testament de celui qui a incarné le rôle du catéchiste et dont l’oeuvre catéchétique est immense.
Son auteur
L’enfance de Joseph Sarto révèle une âme assidue à l’étude de la religion et passionnée. Collégien, il organise déjà pour les enfants du village des « catéchismes en plein air », des leçons accompagnées de chants et de prières.

Ordonné prêtre, il enseigne le catéchisme aux jeunes comme aux adultes, à l’école, à la paroisse, à l’église. C’est là, à Tombolo, qu’il fait l’expérience de cet enseignement et en perçoit toute la portée. « Je vous prie et je vous conjure de venir au catéchisme », dira-t-il à ses fidèles de Salzano.

« Plutôt que de manquer le catéchisme, manquez les Vêpres ! » Avec un jeune confrère, il organisera devant les fidèles le « catéchisme dialogué », l’un jouant le rôle de l’ignorant, l’autre celui du professeur.
Son épiscopat à Mantoue sera marqué par sa sollicitude constante pour l’enseignement de la doctrine chrétienne : « C’est ce que j’ai vivement recommandé dans toutes les paroisses lors de ma première visite pastorale », écrira-t-il, « et c’est le sujet sur lequel j’insisterai plus que sur tout autre lors de ma deuxième visite ».

Inlassablement, dans ses Lettres Pastorales ou catéchétiques et durant les Synodes diocésains, il encourage son clergé et le forme à la pédagogie, à la pastorale. Peu à peu, il transforme les églises du diocèse en de grandes écoles où les fidèles viennent apprendre la doctrine chrétienne. Avec un tel évêque, nul prêtre ne peut se dérober à sa charge!

Patriarche de Venise, il rappelle avec vigueur et avec zèle le primat de l’enseignement, se faisant l’écho du Christ « Allez, enseignez toutes les nations » ; persuadé qu’il est que « du catéchisme dépend le triomphe de la foi ! » De telles directives annonçaient déjà combien l’enseignement du catéchisme serait l’une des préoccupations majeures de son pontificat.
Revêtu de l’autorité du Pontife Romain, Pie X promulgue l’encyclique Acerbo Nimis le 15 avril 1905, le code du catéchisme pourrait-on dire. Il ne se contente pas de dénoncer l’ignorance religieuse comme la cause principale de tous les maux. Avec force, il exhorte les Pasteurs d’âmes à ce devoir d’enseignement, leur rappelant qu’il n’existe pas de devoir plus grave pour le prêtre. Et il développe le point de vue théologique, moral, juridique et pastoral de la catéchèse. Il veille avec soin à ce que ces directives soient appliquées, comme le témoigne le bref de louange adressé aux Frères des Écoles Chrétiennes en 1907 pour leur Manuel du Catéchiste. Lui-même montre l’exemple. Les après-midi de fête, on accueille la foule au Vatican, car le pape explique le catéchisme.
Sa réalisation
L’oeuvre immense de saint Pie X au sujet de l’instruction religieuse trouve son achèvement dans la réalisation du Catéchisme de la Doctrine chrétienne.

La réalisation d’un catéchisme unique, adapté à tous les âges et à toutes les intelligences, est pour saint Pie X une préoccupation bien ancienne. Déjà, en 1889, Mgr Sarto rappelait au premier congrès catéchétique de Plaisance le voeu des Pères du concile Vatican I de consolider l’unité de foi (scellée autour du Credo) par un catéchisme unique et universel ; et il proposait alors de soumettre au Saint-Siège la réalisation d’un catéchisme facile et populaire, qui soit rédigé en questionsréponses brèves, traduit dans toutes les langues et imposé dans toute l’Église. Il déplorait les carences des catéchismes existants, quant à l’exactitude doctrinale surtout et quant à la forme.
Devenu pape, il publia d’abord, en juin 1905, un premier catéchisme, le Compendium connu sous le nom de Grand Catéchisme de saint Pie X, l’imposa dans la Province romaine et encouragea les évêques à l’adopter dans les autres diocèses de l’Italie. Ce formulaire dérivé de plusieurs catéchismes déjà répandus en Italie du Nord fut reçu avec beaucoup d’enthousiasme. C’était un premier pas vers l’unification catéchétique.

Saint Pie X pourtant n’en resta pas là. Analysant les observations qu’il avait reçues de plusieurs évêques, il jugea qu’une amélioration s’imposait. Il voulait notamment rendre le texte plus accessible aux enfants qui, grâce au décret Quam singulari de 1910, pouvaient faire leur première Communion plus tôt qu’autrefois.

Dès 1909, le pape décida de remanier le Compendium et de l’abréger. Il confia ce travail à un petit nombre de spécialistes qu’il réunit en commission : le Père Pietro Benedetti, missionnaire du Sacré-Coeur, secrétaire responsable, le Père Giuseppe d’Isengard, l’un des plus hauts représentants de la catéchistique, et Mgr Giovanni Mercati.

Sous le contrôle constant et direct du Pape, la commission élabora en trois ans une dizaine de versions. La cinquième rédaction fut envoyée « sub secreto pontificio » et examinée par une cinquantaine d’experts, cardinaux, archevêques, évêques et catéchistes ainsi qu’à différentes commissions romaines, dont la commission anti-moderniste. Il est admirable de voir l’intérêt que saint Pie X a porté aux moindres détails, annotant les différentes versions avant d’approuver l’impression définitive, et confiant la révision linguistique à un homme de lettres, Giulio Salvadori.

C’est ainsi que, le 18 octobre 1912, Pie X promulguait le Catéchisme de la Doctrine chrétienne et les Premiers éléments de la Doctrine chrétienne.
Sa nature
Le Catéchisme de la Doctrine chrétienne est une synthèse de la Foi, c’est-à-dire une expression concise, claire, simple, précise et fidèle de l’ensemble doctrinal du Catholicisme. Il condense la théologie dogmatique, morale et sacramentelle sous forme didactique. Ces formules brèves renferment le suc des vérités de foi (substance de la foi et de la morale). Elles doivent être apprises par coeur par les enfants, nourrir l’intelligence des adolescents et servir aux adultes qui veulent raviver dans leur âme les connaissances fondamentales sur lesquelles repose la vie spirituelle et morale du chrétien. En tant que tel, ce catéchisme sert aux petits et aux grands, aux savants comme aux illettrés.

Le Catéchisme de la Doctrine chrétienne est introduit par la Lettre de promulgation de S. S. Pie X. Suivent les Premières prières et formules à savoir par coeur, ainsi que le chapitre introductif : Premières notions de la Foi chrétienne. Les 27 premières questions qui composent ce chapitre sont essentielles et résument l’ensemble de ce qu’il faut croire pour être sauvé. On procède ici par ordre de priorité. La question 27 manifeste le plan du catéchisme.

Le corps du Catéchisme est composé de 406 questions-réponses brèves ordonnées selon une répartition tripartite : le Credo ou les principales vérités de la Foi chrétienne – La morale chrétienne – Les moyens de la grâce : sacrements et prière.

Suit un recueil de prières : Prières pour tous les jours – Prières du saint sacrifice de la Messe – Prières pour la réception des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.
Enfin, l’ouvrage s’achève par trois appendices : Un bref résumé de l’histoire de la Révélation divine – L’année liturgique et la discipline ecclésiastique – L’instruction aux parents et aux éducateurs chrétiens.

Les Premiers éléments de la Doctrine chrétienne sont une édition réduite du Catéchisme de la Doctrine chrétienne pour l’usage immédiat des enfants qui se préparent à la première Communion et à la Confirmation. Cet abrégé est composé des 180 questions à astérisque extraites du Catéchisme de la Doctrine chrétienne et ordonnées selon un plan plus adapté pour les petits enfants. Dans sa sollicitude, le Pape, après avoir admis les enfants à communier dès leur jeune âge, propose un résumé des premières notions de Foi qu’il faut éveiller dans leur âme.
Ses qualités
Plusieurs qualités majeures font la spécificité et la supériorité de ce catéchisme ; et tout d’abord sa romanité. Le Catéchisme de la Doctrine chrétienne est le seul catéchisme à l’usage des fidèles composé et promulgué par un pape (jusqu’à la crise de l’Église). C’est un catéchisme romain et c’est un monument du Magistère Ordinaire Universel. Comme tel, il possède ce caractère universel que nul autre catéchisme, catéchisme diocésain ou national, ne peut posséder.

La seconde qualité du Catéchisme de la Doctrine chrétienne est sa précision et sa sûreté doctrinale.

Non seulement les termes utilisés sont pesés, choisis avec justesse, mais le contenu lui-même propose aux fidèles la doctrine commune à toute l’Église. Il n’impose pas comme de foi des opinions théologiques, ni ne réduit à de simples opinions théologiques des arguments de foi. On peut faire ce constat pour un très grand nombre de questions, comme le chapitre sur l’Église, la Communion des saints, la Primauté… Notons ici la sagesse de l’Église qui transmet l’objet de foi nécessaire au salut.

Ce catéchisme est très scolastique : le plan choisi, l’ordre des parties, les divisions s’inspirent des questions de la Somme théologique ; par exemple l’exposition des attributs divins, ou les deux principaux mystères, la Trinité et l’Incarnation rédemptrice, ou encore le schéma adopté pour les sacrements (hylémorphisme)…

Enfin, ce catéchisme est un rempart solide contre les erreurs, surtout le modernisme. « Il explique plus clairement et met davantage en relief les vérités qu’aujourd’hui, pour le plus grand dommage des âmes et de la société, on combat, on déforme ou on oublie le plus » (saint Pie X). Il faut savoir qu’au moment du concile Vatican II, des évêques et des universités ont fortement critiqué ce catéchisme comme inadapté à l’homme contemporain. On lui reprochait d’être imperméable à l’aggiornamento et aux nouveautés théologiques !
Son usage
On a fait remarquer, à juste titre, la difficulté de certaines formules pour les enfants. Par nature, en effet, le catéchisme est riche de termes abstraits et de notions spéculatives ; c’est le propre de la Révélation dont l’objet, Dieu, nous est infiniment supérieur. On surmonte néanmoins cette difficulté en dosant le contenu catéchétique suivant le critère de l’âge et en approfondissant chaque année les notions déjà vues, conformément à la méthode cyclique intuitive recommandée par saint Pie X.

Dans la catéchèse orale, on conçoit trop souvent la formule ou réponse du catéchisme comme un point de départ dans l’exposition de la doctrine, alors que c’est un point d’arrivée, le résumé ou la conclusion de la leçon que le maître a donnée en se servant des outils pédagogiques nécessaires.

Enfin, il faut bien comprendre que le Catéchisme de la Doctrine chrétienne est un formulaire en questions-réponses, une petite somme, et non un manuel ou texte pédagogique à proprement parler.

Le manuel pédagogique est propre à un auditoire spécifique. Suivant l’âge ou le degré de culture intellectuelle, ses explications sont simples ou développées. Saint Pie X a composé son catéchisme pour qu’il serve de référence, qu’il soit la source des manuels pédagogiques. C’est ainsi qu’en 1913, il bénit les Pères Pavanelli et Vigna qui s’étaient efforcés de mettre le Catéchisme de la Doctrine chrétienne à la portée des enfants, et ce de façon progressive dans leurs six livrets Fede mia, vita mia. Autrement dit et pour prendre exemple sur les ouvrages récemment édités, autre les explications très sommaires, comme le 1er degré des Leçons de Doctrine chrétienne, autre les instructions beaucoup plus étendues, telles celles du manuel Explication du Catéchisme de la Doctrine chrétienne. Pourtant, les formules sont les mêmes.

Ainsi compris et utilisé, le Catéchisme de la Doctrine chrétienne assure, durant toute la formation, cette unité et cette uniformité de terminologie qui est si importante dans l’instruction religieuse des enfants. L’apprentissage de formulations différentes au cours de la formation génère une grande confusion ; l’enfant confond et finit par oublier ce qu’il savait déjà. Et l’une des principales intentions du Pontife était d’y remédier.