18 décembre 2013

[Paix Liturgique] A Paris, la Forme Extraordinaire rassemble

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 418 - 18 décembre 2013

En 2013, trois événements parisiens ont manifesté, de diverses manières, la beauté, la dignité et l’éternelle jeunesse de la forme extraordinaire du rite romain. Ces trois événements sont l’occasion de faire un point sur la situation de l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum dans la capitale.

I – DE SAINT-EUGÈNE À SAINT-SULPICE

Les trois événements qui ont marqué la vie liturgique traditionnelle en 2013 à Paris – exception faite de la reprise, en mars dernier, de la chapelle Notre-Dame de Consolation par la Fraternité Saint-Pie X (voir notrelettre 378) – sont le pèlerinage de la paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Notre-Dame, le 29 mai, dont nous avons rendu compte dans notre lettre 392 ; la célébration de la fête du Christ-Roi, le 27 octobre, en l’église Saint-François-Xavier ; et, le 16 novembre, la splendide messe des 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre, célébrée au maître-autel de l’église Saint-Sulpice.

Ce qu’a démontré le pèlerinage de la paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Notre-Dame, c’est la vitalité pérenne d’une paroisse Summorum Pontificum avant l’heure. En effet, les deux formes liturgiques romaines ont appris à cohabiter en l’église Saint-Eugène bien avant la promulgation du Motu Proprio de Benoît XVI et, de fait, Saint-Eugène-Sainte-Cécile est l’une des rares paroisses parisiennes où les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle se voient offrir une vraie vie paroissiale. C’est aussi l’une des paroisses de la capitale les plus fécondes, et même la plus féconde, en vocations sacerdotales.

La célébration de la fête du Christ-Roi en l’église Saint-François-Xavier par l’abbé de Tanoüarn, directeur du Centre Saint-Paul, est un parfait exemple d’enrichissement mutuel puisque la cérémonie s’inscrivait dans le cadre de l’initiative prise par l’association Écouter avec l’Église du Père Michel Viot (voir notrelettre 414) qui entendait célébrer la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ in utroque usu, soit le dernier dimanche d’octobre (selon le calendrier traditionnel) et à la veille de l’Avent (selon le calendrier moderne).

Enfin, la messe solennelle d’action de grâces pour les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre a démontré, si besoin était, que les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain n’ont pas de difficulté à remplir, de leur présence mais aussi de leurs prières et de leurs chants, l’une des plus grandes églises parisiennes. 1500 personnes ont en effet participé à cette cérémonie, le 16 novembre dernier en l'église Saint-Sulpice.

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1) Alors que le développement de la forme extraordinaire est bloqué à Paris comme nous avons souvent eu l’occasion de l’écrire (voir nos lettres 208, 220 et 342 notamment) et que la Fraternité Saint-Pie X s’y porte bien, les fidèles répondent présents à chaque fois qu’un événement extraordinaire est proposé. En 2011, dans notre lettre 290, nous faisions le décompte suivant : 1000 à 1200 personnes assistaient aux messes dominicales officiellement autorisées (Saint-Germain-l'Auxerrois, Saint-Eugène, Notre-Dame-du-Travail, Notre-Dame-du-Lys, Sainte-Jeanne de Chantal, Sainte-Odile) ; 450 personnes dans les chapelles privées (Centre Saint-Paul, Notre-Dame-de-la Purification) ; 4000 personnes environ dans les lieux de culte de la FSSPX. Soit près de 6000 fidèles hebdomadaires, représentant environ 5 % des pratiquants parisiens. Ce qui ne répond pas à toute la demande, du moins pas à la demande interne aux paroisses. Le sondage réalisé par Harris Interactive pour le compte de Paix liturgique fin janvier 2010 faisait apparaître que 70,5 % des pratiquants hebdomadaires assisteraient au moins de temps en temps à la forme extraordinaire du rite romain si celle-ci leur était proposée dans leur paroisse. Un pratiquant parisien hebdomadaire sur quatre (24 %) se déclarait même prêt à choisir la forme extraordinaire si celle-ci était célébrée dans SA paroisse.

À Paris comme ailleurs, la liturgie traditionnelle n’est donc pas une affaire de marginaux, ni le ‘‘hobby’’ d’une élite, mais l’aliment désiré par de nombreux catholiques ordinaires, et ordinairement silencieux, pour nourrir leur foi et leur prière.


2) Les trois cérémonies extraordinaires que nous recensons aujourd’hui se sont fort bien déroulées. Il est important de le remarquer car certains esprits peu charitables continuent encore de prêter aux « nostalgiques de la messe tridentine » les pires intentions et les pires comportements. Or les faits disent le contraire. Le peuple Summorum Pontificum est un peuple qui ne demande qu’à prier et à fortifier sa foi selon la lex orandi héritée des siècles qui ont fait de la France la fille aînée de l’Église. Et les pasteurs célébrant cette liturgie ont un sens aigu de l’unité de l’Église.

De fait, à Saint-François-Xavier, comme à Saint-Sulpice et à Notre-Dame, les curés ont accueilli volontiers les messes célébrées par des prêtres issus de communautés Ecclesia Dei. Celle de Saint-Sulpice a même été chantée en présence du nouveau Chancelier du diocèse de Paris. Bref, les curés de Paris ont compris qu’ouvrir les portes des églises diocésaines à la messe traditionnelle n’est pas « courir un risque », mais l’un de ces gestes simples qui témoignent de la fraternité chrétienne, concourent à la réconciliation durable entre catholiques et peuvent servir de levain à la nouvelle évangélisation.

3) On pourrait souhaiter plus. Deux des protagonistes de ces célébrations extraordinaires – le Centre Saint-Paul de l’abbé de Tanoüarn, qui rassemble près de 400 fidèles chaque dimanche au cœur du Sentier, et la Fraternité Saint-Pierre – ne devraient-ils pas bénéficier d’un lieu de culte officiel à Paris, comme depuis peu la Communauté Saint-Martin ?

La grâce qui leur a été faite de pouvoir honorer, louer et adorer publiquement le Bon Dieu dans de belles églises parisiennes comme Saint-François-Xavier et Saint-Sulpice, et dans la forme liturgique extraordinaire, sera-t-elle annonciatrice d’une insertion dans l’offre pastorale et liturgique diocésaine ?

4) Outre Saint-Eugène-Sainte-Cécile, les seules églises paroissiales parisiennes où la forme extraordinaire du rite romain a droit de cité dominical et hebdomadaire, c’est-à-dire dans l’esprit du Motu ProprioSummorum Pontificum, sont les paroisses Sainte-Odile, Saint-Germain-l’Auxerrois, Notre-Dame-du-Travail et Sainte-Jeanne-de-Chantal. Ce n’est pas beaucoup et il faudrait peu de choses pour que la situation évolue favorablement.

Prenons le cas de Saint-François-Xavier où existe depuis des années une messe Paul VI grégorienne (c'est-à-dire où sont chantés les Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus) le dimanche à 9 heures. Cette messe rassemble plus d’une centaine de fidèles qui, pour la plupart, si ce n'est la quasi totalité, préféreraient assister purement et simplement à la messe traditionnelle. En outre, dans cette église ont lieu depuis 2009 les « messes du mercredi », aujourd'hui célébrées par l’abbé Le Coq de la Fraternité Saint-Pierre, qui rassemblent depuis une vingtaine d’années les jeunes parisiens attachés à la liturgie traditionnelle.

Eh bien, en faisant passer la messe du dimanche à 9 heures de la forme ordinaire en grégorien à la forme extraordinaire, Monseigneur Chauvet, curé de Saint-François-Xavier, ne poserait aucun problème à la vie de sa paroisse mais changerait grandement la vie de nombreux Parisiens qui se verraient offrir une messe dominicale en plus, dans une église facilement accessible. Il offrirait du même coup à la Fraternité Saint-Pierre – c'est simple, l'abbé Le Coq est là tous les mercredis – les bases pour un véritable apostolat parisien.

5) Souvent critiqués pour notre dureté de jugement à l’encontre des évêques de la région parisienne, nous voyons dans ces trois cérémonies que nous avons relevées avec grande satisfaction, des signes très encourageants. Nous n'oublions pas pour autant le sort de tant de fidèles, notamment ceux des derniers quartiers populaires parisiens, qui demeurent privés de la forme extraordinaire et sont cantonnés aux périphéries de l’archidiocèse (nous pensons en particulier aux paroissiens de Saint-Georges-de-la-Villette).

Au vu du succès tranquille des messes à Notre-Dame, Saint-François-Xavier et Saint-Sulpice, et de la demande latente qui existe dans la capitale, nous n'avons qu'une interrogation : ce Paris ne vaut-il pas une messe extraordinaire (ou deux) de plus ?