18 septembre 2013

[Paix Liturgique] "Loin d'être un plaisir de dandy, la messe traditionnelle est faite pour les pauvres qui occupent le coeur du pape"

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°405 - 18 septembre 2013

Rencontre avec Guillaume Ferluc, secrétaire du Cœtus Internationalis Summorum Pontificum, promoteur du pèlerinage du peuple Summorum Pontificum à Rome

Après le succès de l’an dernier, le peuple Summorum Pontificum est en pleine phase de mobilisation pour un nouveau pèlerinage à Rome, du 24 au 27 octobre prochain. Nous vous proposons cette semaine des morceaux choisis d’un entretien donné par le coordinateur du pèlerinage, Guillaume Ferluc (par ailleurs collaborateur de Paix Liturgique), au magazine américain The Remnant. Nous les complétons par un vade-mecum du pèlerin.

I – ENTRETIEN AVEC LE COORDINATEUR DU PÈLERINAGE UNA CUM PAPA NOSTRO

1) Où en sont les préparatifs du pèlerinage ?

Nous sommes en train de finaliser le programme. Jeudi 24 octobre, il y aura les Vêpres pontificales en l’église de la Trinité-des-Pèlerins. Vendredi 25, la journée commencera par le chapelet, puis des visites libres jusqu’au Chemin de Croix dont le départ est fixé à 16h45 à proximité de l’Arc de Titus, au Palatin. À l’issue de celui-ci, à 19 heures, aura lieu une Messe pontificale célébrée par Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), chantée par la Schola Sainte-Cécile en la Trinité-des-Pèlerins.

Samedi 26 octobre, le cardinal Castrillón Hoyos célèbrera la messe à 11 heures en la basilique Saint-Pierre, à l’issue de la procession qui suivra l’Adoration eucharistique prévue à 9 heures à Santa Maria in Vallicella (la ‘Chiesa Nuova’ de saint Philippe Néri). La présence du cardinal Castrillón Hoyos, le jour anniversaire de son ordination sacerdotale, est une grande joie et un honneur pour tout le peuple Summorum Pontificum. En qualité de président de la Commission Ecclesia Dei, le cardinal n’a pas ménagé ses efforts pour la défense des droits des fidèles comme des prêtres liés à la liturgie traditionnelle, et a accompagné avec enthousiasme la promulgation du Motu Proprio voulu par le pape Benoît XVI. Nous aurons ce jour-là une belle occasion de le remercier. Il y aura sans doute une rencontre pour les laïcs dans l’après-midi du 26, sur le thème du Motu Proprio comme instrument au service de l’Église. Le pèlerinage se conclura dimanche 27 octobre par la célébration de la solennité du Christ-Roi par Mgr Rifan, ordinaire de l’Administration apostolique Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos (Brésil), en la basilique de la Minerve, à 9h30.

Nous terminerons ainsi le pèlerinage en syntonie avec l’Année de la Foi dont la clôture se fera fin novembre, lors de la fête du Christ-Roi selon le calendrier révisé. Enfin, je voudrais signaler un autre événement, vendredi 25 octobre en fin de matinée, mais qui ne concernera que les prêtres et religieux participant au pèlerinage : une rencontre avec Mgr Fisichella, le responsable de la nouvelle évangélisation pour le Saint-Siège.

2) Comment se passe l’organisation par rapport à l’an dernier ?

Pour commencer, je tiens à dire qu’il y a une grande obligeance envers le Cœtus Internationalis Summorum Pontificum cette année, aussi bien de la part des pèlerins que des ecclésiastiques ou des communautés Ecclesia Dei. L’an passé, les gens avaient l’impression que nous venions de nulle part avec la prétention d’incarner une réalité nouvelle : ainsi, un certain nombre de membres de la famille traditionnelle étaient restés perplexes sur notre initiative, probablement aussi parce que nous n’avions pas su communiquer efficacement. En outre, nous avions eu peu de temps pour préparer le pèlerinage.

Cette année, nous rencontrons une plus grande ouverture, en particulier chez tous ceux qui considèrent qu’il est important de témoigner visiblement notre foi catholique, apostolique et romaine ; romaine, au sens de la manifester ad Petri Sedem, cum Petro et sub Petro.

3) Un mot sur Mgr Rifan qui célèbrera la messe de clôture, le jour du Christ-Roi ?

Pour accompagner notre pratique religieuse, pour pouvoir aller à la messe traditionnelle dans nos paroisses, il nous faut des prêtres, donc des séminaires pour les former et des évêques pour les ordonner. Mgr Rifan est à ce jour le seul évêque au monde dont la mission pastorale est précisément celle-ci : il nous semblait donc important de l’avoir parmi nous !

Nous avons en outre reçu d’excellents témoignages des JMJ de Rio pendant lesquelles Mgr Rifan était chargé de la catéchèse pour les jeunes de Juventutem, groupe dont l’apostolat repose sur la liturgie traditionnelle. L’église était pleine, les célébrations très dignes et les prédications ont été appréciées.

Qui aurait pu imaginer jusqu’à une date récente que des centaines de jeunes pourraient suivre au Brésil trois jours de prédications et de messes, et se confesser avec des prêtres liés à la tradition de l’Église ? Tout cela avec le soutien officiel de l’Église ? Bien sûr, on objectera qu’il ne s’agissait que d’un évêque sur 300 mais c’est déjà un premier acquis, d’autant plus que le lieu attribué à Juventutem était symbolique : l’ancienne cathédrale de Rio de Janeiro, lieu chargé d’histoire et marqué par la foi des générations passées.

Surtout, les JMJ illustrent bien combien la liturgie traditionnelle attire les jeunes. Pour cette raison, nous n’avons pas le droit de rester à l’abri de nos certitudes mais devons aller à la rencontre de tous ceux qui recherchent plus de sacré et de solennité dans leur vie de foi.

4) À ce sujet, savez-vous que même en la cathédrale d’Helsinki a été instituée une messe régulière selon la forme extraordinaire, à laquelle participent en moyenne 80 fidèles, soit un nombre important dans un pays qui ne comptent pas plus de 0,3 % de catholiques ?

Non, mais cela ne m’étonne pas. Une autre illustration de la croissance de la liturgie traditionnelle nous est donnée par le nombre toujours plus fourni de nouveaux prêtres qui, chaque année, choisissent de célébrer leur première messe selon la forme extraordinaire du rite romain. Je ne parle pas des prêtres des instituts Ecclesia Dei mais des prêtres issus des séminaires diocésains. C’est le choix qu’a fait, par exemple, et pour la première fois en Croatie depuis la réforme liturgique, un prêtre des environs de Zagreb. De nombreux jeunes prêtres trouvent ainsi le moyen d’affirmer leur appartenance à ce que nous pourrions appeler "la génération Benoît XVI", comme on a pu parler d’une "génération Jean-Paul II".

Cette génération Benoît XVI, on pourrait presque en fait l’appeler "la génération Summorum Pontificum" car elle continue à se développer sous le pontificat du Pape François ! À partir de l’an prochain, la plupart des séminaristes qui seront ordonnés, seront en effet entrés au séminaire après la promulgation deSummorum Pontificum, et je suis convaincu que l’on observera un nouveau développement de la liturgie traditionnelle. Évidemment, nous espérons que ces prêtres pourront faire valoir dans leurs paroisses leur droit à célébrer selon le missel du Bienheureux Jean XXIII.

N’oublions pas aussi le choix admirable fait par tant de prêtres issus des communautés Ecclesia Dei, de célébrer leur première messe dans leur paroisse ou leur diocèse d’origine. Je pense par exemple à un prêtre italien venu le 23 juin dernier du séminaire américain de la Fraternité Saint-Pierre, pour célébrer sa première messe en la cathédrale de Velletri, près de Rome, où la liturgie traditionnelle n’avait plus retenti depuis quarante ans.

5) Voyez-vous dans le pontificat qui vient de s’ouvrir un nouveau défi pour le monde traditionnel ?

Nous sommes convaincus que l’histoire de l’Église ne s’est pas arrêtée en 1962, pas plus qu’elle ne s’est achevée avec le pontificat de Benoît XVI. Le nouveau pontificat du pape François semble devoir nous inviter à une réflexion sur le fait que la liturgie et la tradition de l’Église ne sont pas du ressort d’un groupe restreint, voire d’une élite comme semblaient le croire – ou le désirer – certains.

Attentif aux paroles du pape François, j’aurais même tendance à soutenir que la liturgie traditionnelle, à travers toute sa splendeur qui nous manifeste la présence de Dieu, est en fait une liturgie qui nous porte à l’humilité. Dans la liturgie traditionnelle, l’actuosa participatio des fidèles est une participation humble, faite de silence, d’adoration, d’agenouillement, de supplication, d’action de grâces, autant d’attitudes qui ressemblent à celle de la personne qui souffre, de l’homme en difficulté qui demande de l’aide.

N’oublions pas que, parmi les plus célèbres des prêtres portés à l’honneur des autels, nombreux sont ceux qui furent de simples curés, que je qualifierais "de campagne" dans la mesure où ils étaient au contact des couches les plus humbles du peuple. Je pense au saint Curé d’Ars, à Don Orione, à Padre Pio... Même si leurs célébrations étaient marquées par la plus grande solennité, celles-ci n’excluaient personne, du paysan à la mère de famille ; des personnes qui n’avaient pas eu besoin d’étudier le latin à la Sorbonne ou dans quelque autre école prestigieuse pour se sentir partie prenante de la liturgie et du culte ainsi rendu à Dieu.

6) Un message pour conclure ?

Je souhaiterais juste rappeler qu’un pèlerinage peut être vu sous différents aspects mais reste avant tout une occasion de pénitence, dans la mesure où cela représente toujours fatigue et sacrifice. Certes, ce n’est pas Compostelle ou Chartres, et il n’y a pas à marcher tant que cela mais cela n’empêche pas d’offrir les efforts consentis pour le pèlerinage en pénitence au Seigneur. En réalité, ce qui nous a incités à répéter le pèlerinage cette année a été le succès, espéré mais inattendu, de l’an dernier, dans le sens où tous ceux qui étaient présents sont repartis heureux d’avoir pris part à une entreprise spirituellement fructueuse. Chacun est rentré chez soi enrichi d’un petit trésor spirituel qui est en soi le résultat le plus important du pèlerinage. Nous voudrions que la même chose se répète cette année.

En outre, en cette Année de la Foi, nous aussi sommes appelés à donner notre contribution à la nouvelle évangélisation par le biais de la toujours jeune liturgie traditionnelle de l’Église, même si certains la considèrent dépassée, si ce n’est morte. Nous voyons notre pèlerinage comme une occasion pour certains de découvrir le monde traditionnel : je ne parle pas que de la liturgie, mais aussi des fidèles qui y sont attachés. Souvent, les critiques adressées au monde traditionnel sont en fait des critiques adressées à nous-mêmes. Nous sommes vus comme des individus plus intéressés par la politique que par la prière et, quand nous prions, on nous suspecte de prier pour tout autre chose que pour notre sanctification. On tente de nous réduire à un groupe social fermé, attentif seulement à ses propres intérêts qui ne seraient en aucun cas spirituels, et autres amabilités...

Pendant longtemps, on a pensé qu’il n’y avait de fidèles traditionnels qu’en France, puis en Europe et, maintenant, on découvre, grâce au Motu Proprio Summorum Pontificum, qu’il s’agit en fait – des Philippines à l’Amérique du Sud, de l’Australie à la Finlande, en passant par Terre-Neuve – d’une réalité universelle. Rien d’étonnant en fait si l’on considère que le missel de saint Pie V a été le missel de l’Église universelle pendant des siècles.

Je dirais donc que venir à Rome pour ce pèlerinage est aussi l’occasion, pour qui ne la connaît pas, de découvrir la liturgie traditionnelle mais aussi de faire connaissance avec ses frères dans le Christ, et nous serons, quant à nous, très heureux de voir des personnes que nous ne voyons pas d’ordinaire le dimanche à la messe. Je dois dire que nous souffrons beaucoup du fait d’être volontiers ghettoïsés. Récemment, le pape François a lancé à tous les catholiques un appel à s’examiner pour savoir si nous sommes fermés et tristes, une attitude en soi guère chrétienne. Il est possible qu’il nous arrive aussi à nous, fidèles traditionnels, d’être ainsi dans notre vie de tous les jours, d’être un peu froids et renfermés mais, souvent, il se trouve que nous avons été poussés à cela car quand nous avons frappé à une porte, combien de fois ne nous l’a-t-on pas claquée à la figure ?

Voici pourquoi nous serons très contents de mieux nous faire connaître, parce que la réalité du peuple Summorum Pontificum est une réalité en lente évolution et d’une moyenne d’âge plutôt basse. La plupart d’entre nous sont nés et ont grandi dans la foi et la pratique religieuse après le Concile, et beaucoup n’ont pas connu la liturgie traditionnelle avant 2007. D’où la surprise de certains, qui ont adhéré au Motu Proprio, de se retrouver aux marges de l’Église ou tout simplement de leur paroisse.

Il serait merveilleux, j’insiste, que ce pèlerinage soit aussi l’occasion d’une rencontre : comme l’an dernier, j’espère que le cardinal Comastri nous ouvrira en grand les portes de Saint-Pierre et que nous amènerons à Rome plus de monde, dont de nombreux nouveaux pèlerins qui, pour beaucoup, assisteront pour la première fois à une célébration "extraordinaire" dans la basilique Saint Pierre de Rome.