27 juillet 2013

[Abbé Christian Bouchacourt, fsspx] Sans la foi...


SOURCE - Abbé Christian Bouchacourt - Iesus Christus N° 142 - publication récente

Peu avant de s’élever au Ciel, Notre Seigneur confia une mission à ses apôtres: « allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit (…) Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné ».(1) Cet ultime commandement contient tout l’élan missionnaire de l’Eglise depuis sa fondation et trouve son écho dans ces paroles de saint Paul : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent ».(2) C’est ainsi que depuis deux mille ans des hommes et des femmes quittent tout et partent jusqu’aux extrémités de la terre pour transmettre la foi tandis que d’autres, encore aujourd’hui, pour la défendre et y être fidèles versent leur sang avec le courage des martyrs.

Cette foi n’est pas un sentiment qui sommeille au tréfonds de l’âme et s’éveille avec la conscience, mais un don de Dieu, une des trois vertus théologales, qui « nait de la prédication ».(3) Au service de Dieu, le prédicateur par ses paroles, en effet, prédispose les intelligences et les volontés au don de la foi. Où puise t-il la matière de son enseignement ? Dans l’Ecriture Sainte et dans le Magistère de l’Eglise. A ceux qui prêchent la sainte doctrine dans son intégrité, Notre Seigneur promet d’accorder des grâces spéciales pour toucher les cœurs.

Cette vertu de foi est le trésor le plus précieux que nous ayons reçu. Il nous faut la conserver, la développer, la manifester, la protéger, en vivre et la transmettre comme l’ont fait ceux qui nous ont précédés. D’elle, nous aurons à rendre compte lorsque nous paraîtrons devant le tribunal divin à l’heure de notre mort. De sa qualité et des œuvres qui en découlent dépendent notre union à Dieu ici-bas et notre éternité future. Relisons le court dialogue qui se noua entre le prêtre et nos parrains et marraines le jour de notre baptême : « Que désirez-vous ? » « La foi » « Que vous procure la foi ? » « La vie éternelle ». L’enjeu est donc capital ! Aussi, pour préserver ou défendre cette foi reçue, nous devons être prêts à tous les sacrifices, même à celui de notre vie si les circonstances l’exigeaient.

La foi c’est aussi un tout. On ne peut faire un choix entre les vérités qui la constituent, retenant celles qui nous plaisent et en refusant celles qui ne nous conviennent pas ou nous dérangent. Celui qui fait une telle sélection perd la foi catholique, comme le dit clairement saint Thomas d’Aquin, car il adhère à sa propre volonté (4) et non à Dieu. Il est dans l’erreur et s’il persévère avec opiniâtreté dans celle-ci, il se met hors de l’Eglise mettant en péril, par le fait même, son salut éternel. C’est ce choix orgueilleux que firent par exemple des hérésiarques comme Luther et Calvin.

Cette foi ne procède pas de la science mais de la Révélation ; elle n’est pas une question de philosophie, mais une doctrine de l’Evangile. Elle n’est nullement un code de morale mais une invitation à suivre une personne : Jésus-Christ, qui nous demande de mettre en pratique son enseignement et d’utiliser les moyens qu’il a institués, c'est-à-dire les sacrements, la prière et la pratique de la vertu pour nourrir et fortifier nos âmes. De cette foi découlera un agir ; « Justus ex fide vivit »(5) Le juste vit de sa foi. « Si elle n’a pas les œuvres elle est tout à fait morte ».(6) Elle doit donc imprégner les paroles, les actions et la vie du fidèle. Cette foi vécue a donné le jour à une civilisation : la Chrétienté, réalisation visible du Règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la société. Elle a ressuscité l’homme déchu et diffusé le sang du Christ dans tous les recoins de la société.

Les adversaires de l’Eglise n’ont cessé d’attaquer ce magnifique édifice social et religieux tout au long de l’histoire. Cette lutte a atteint son apogée avec la Révolution française, au XVIIIe siècle, puis avec le communisme et le laïcisme qui en sont les fruits amers. L’Eglise résista vaillamment, engendrant en son sein des générations de saints admirables attestant ces mots fameux de Tertullien, « le sang des martyrs est semence de chrétiens ». La foi continua de se répandre envers et contre tous.

Alors est arrivé le concile Vatican II. Les hommes d’Eglise se sont mis à douter. Le modernisme dénoncé par Saint Pie X redressa la tête de manière insolente. Les condamnés d’hier, les Pères Congar, Rahner, Teilhard de Chardin, de Lubac, devinrent les maîtres à penser. La fidélité à Dieu passa au second plan afin de privilégier une réconciliation avec le Monde. Pour y parvenir, il fallait en terminer avec les condamnations et préparer un arrangement avec lui. Une naïveté mortifère guida cette nouvelle ère. L’humanité serait arrivée à suffisamment de maturité pour parvenir à ne plus se laisser tromper. Jean XXIII exprima cette utopie gravissime de conséquences lors du discours inaugural qu’il prononça à l’ouverture du concile : « Certes il ne manque pas de doctrines et d’opinions fausses, de dangers dont il faut se mettre en garde et que l’on doit écarter, mais tout cela est si manifestement opposé aux principes d’honnêteté et porte des fruits si amers, qu’aujourd’hui les hommes semblent les condamner d’eux-mêmes… » (7)

Un pacifisme mortifère s’instaura alors dans l’Eglise. Il ne fallait plus chercher à convertir l’autre mais à le comprendre. On supprima toutes les aspérités qui pouvaient empêcher ce compromis tant désiré avec ceux qui ne partageaient pas notre foi. L’unité du genre humain fut privilégiée à l’intégrité de la foi, à sa défense et à sa transmission. A dessein, la formation dans les séminaires fut modifiée de fond en comble, ainsi que la liturgie, le catéchisme, les sacrements, le droit canonique, les concordats avec les états, etc…Si aucun dogme de la foi n’est explicitement nié dans les textes du concile, un grand nombre sont remis en cause en raison de l’esprit relativiste, naturaliste et moderniste qui les imprègne. De plus les affirmations conciliaires sur la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité s’opposent de façon notoire à l’enseignement traditionnel des Papes. Les conséquences de ce brigandage de la foi sont dramatiques comme en témoigne un récent sondage fait en France, révélant par exemple que seulement 10% des catholiques croient en la résurrection des morts à la fin des temps, 42% nient la résurrection du Christ, 63% disent ne pas croire en la Sainte Trinité, 67% ne croient pas en l’existence du diable. Moins de la moitié des catholiques croient en la Présence Réelle et un nombre infime en l’existence du purgatoire et de l’enfer !

La foi, comme jamais, est en péril ! C’est pour tenter de la sauver, que Mgr Lefebvre fonda la Fraternité Saint Pie X. dans le seul but de transmettre la foi de toujours, celle qui a formé des générations de saints. Ainsi le combat de la foi était sauvé et pouvait continuer. Mais sans prêtres, il était perdu d’avance. Aussi ouvrit-il des séminaires puis des prieurés et des écoles sur tous les continents. Ne « voulant pas laisser les fidèles de la Tradition et ses séminaristes orphelins », ne voyant aucun évêque disposé à prendre sa relève, il sacra 4 évêques. Ce fut « l’opération survie » selon ses propres mots devenus célèbres, prononcés le jour des consécrations épiscopales, le 30 juin 1988, il y a 25 ans.

Vous-mêmes, chers fidèles, vous avez quitté vos paroisses pour recevoir et garder la foi de toujours. Vous, chers parents, faites des sacrifices édifiants pour mettre vos enfants dans des écoles afin qu’ils reçoivent un enseignement catholique. Vous participez à ce combat. Cette fidélité est difficile. Elle exige des renoncements sociaux, matériels, familiaux parfois héroïques. Combien de familles se sont divisées, combien d’amitiés se sont rompues pour garder la foi de nos pères, celle des martyrs et des saints qui nous ont précédés. Le Christ l’avait annoncé : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais le glaive. Car je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère ; on aura pour ennemi les gens de sa famille ».(8) Dieu récompense et bénit déjà tous ces sacrifices douloureux mais consentis et offerts par amour envers Notre Seigneur et son Eglise. Les vocations continuent d’affluer dans nos séminaires, de nouvelles écoles et prieurés sont fondés, des foyers exemplaires s’unissent devant Dieu. Nous trouvons là de vrais motifs d’espérance et de consolation.

Certes, comme dans tout combat, il y a des blessés et des morts à déplorer. Des divisions et des abandons entre nous se sont manifestés. Ne nous en scandalisons pas : le Christ lui-même en a souffert durant sa Passion ainsi que les apôtres et les premiers chrétiens aux temps de la persécution. Saint Paul en parle souvent et s’en plaint dans ses écrits. Relisons ses lettres, nous en tirerons profit. Prions pour ceux qui ont pris une autre voie que la nôtre et continuons notre route en suppliant Dieu de nous accorder la grâce de la fidélité. Pour l’amour du Ciel n’entrons pas dans des polémiques stériles qui nous font perdre notre temps et nous détournent de l’essentiel. Dieu, à notre dernier jour, nous demandera des comptes de notre âme et de celles qui nous ont été confiées. Nous serons jugés sur notre fidélité et non sur celle des autres.

Cette fidélité, soyons-en bien convaincus, est une grâce de Dieu. Elle se mérite par la prière, la pénitence, une vie sainte et une bonne formation mais non par des incantations et des déclarations de matamore. Rappelons-nous les grandes promesses de saint Pierre de ne pas abandonner le Christ avant sa Passion ! Relisons ces conseils que Mgr Lefebvre donnait à ses séminaristes : « Notre combat est surnaturel, contre les puissances spirituelles du démon et des anges mauvais, un combat de géants ; pas un combat de discussions, de joutes intellectuelles. Vous entrez dans l'histoire de l'Eglise en entrant au séminaire, mais vous menez un combat qui n'est pas sur le plan naturel, ou alors vous êtes complètement hors de la vérité. Notre combat est sur le plan de la grâce divine. Préparez-vous philosophiquement, mais la grâce qui convaincra les âmes, vous ne l'obtiendrez que par la prière, le sacrifice, la mortification, la sainteté vécue . »(9)

Rendons grâce à Dieu pour l’acte héroïque que Mgr Lefebvre a posé il y a 25 ans. Grâce à lui nous avons des prêtres, des prieurés, des écoles. Les fruits de la Messe peuvent continuer à se répandre. Mais ne nous endormons pas ! Cet héritage est le fruit de sacrifices immenses. Il faut non seulement le conserver et le défendre mais aussi le faire prospérer et le transmettre à ceux qui nous suivront. Menons ce combat pour l’amour de Dieu et de l’Eglise. Les épreuves venues de l’intérieur de la FSSPX comme de l’extérieur, ont été nombreuses hier et continueront demain. Elles sont le lot du chrétien ! Soyons persuadés que tout cela n’est pas inutile

Gardons bien allumée dans nos âmes la lumière de la foi. Remercions chaque jour Dieu de nous l’avoir donnée et soyons-en dignes et fiers. « Tout est possible à celui qui croit » (10) disait Notre Seigneur. Il est notre force, notre espérance et notre soutien. Ces paroles de Judas Maccabée gardent aujourd’hui toutes leurs forces : « il arrive facilement qu’une multitude tombe aux mains d’un petit nombre et il est indifférent au Ciel d’opérer le salut au moyen de beaucoup ou de peu d’hommes, car la victoire à la guerre ne tient pas à l’importance de la troupe : c’est du Ciel que vient la force ».(11) Accompagnée de celle qui fut un modèle admirable de fidélité, « forte comme une armée rangée en bataille » (12) la Très Sainte Vierge Marie, tout devient possible.

Courage donc et que Dieu vous bénisse !

Padre Christian Bouchacourt
Superior de Distrito América del Sur
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(1) Mat, XXVIII, 19 & Mc XVI, 16.
(2) Hebreux, XI, 6.
(3) Romain X, 17.
(4) “Somme théologique”, IIa IIæ, Question 5, article 3.
(5) I Co VIII, 1.
(6) Saint Jacques, II, 17.
(7) Jean XXIII: Discours inaugural du concile Vatican II, le 11 octobre 1962.
(8) Evangile selon Saint Mathieu, X, 34-36.
(9) Mgr Lefebvre: Conférence spirituelle, du 9 janvier 1978.
(10) Evangile selon saint Marc, VIII, 23.
(11) 1er livre des Maccabées, III, 18-19.
(12) Cantique des Cantiques, VI, 9