5 mars 2013

[Paix Liturgique] Après le scandale des cloches de Notre-Dame, un nouveau scandale autour de la chapelle de Saint-Germain-en-Laye dans le diocèse de Versailles?

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 377 - 5 mars 2013

Dans le cadre des projets de restructuration du centre hospitalier intercommunal de Poissy et Saint-Germain-en-Laye, et du probable regroupement des services de cet hôpital sur un nouveau site à Chambourcy, le devenir des bâtiments de l’hôpital de Saint-Germain alimente bien des controverses. Quel rapport avec l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum qui est l’objet principal de nos lettres, nous direz-vous ? Tout simplement le sort réservé à la chapelle de l’hôpital, toujours ouverte au culte (messe le samedi à 15h30). Mais cette chapelle n'est pas " seulement " une chapelle, c’est une belle église de 250 places ! Or, Saint-Germain-en-Laye est le cadre d’une des plus anciennes et des plus sérieuses demandes d’application du Motu Proprio Summorum Pontificum dans le diocèse de Versailles, insatisfaite jusqu’ici. Le curé de la paroisse et l’évêque de Versailles ayant fait front commun pour estimer que les conditions n’étaient pas réunies pour que la demande de forme extraordinaire du rite romain soit exaucée. Spécialement, en prétextant l’absence d’un lieu de culte disponible pour accueillir cette demande de célébration. Eh bien, voici un lieu tout naturellement désigné : la chapelle de l’hôpital !

Mais, l’expérience voisine de la chapelle de l’hôpital Richaud à Versailles comme celle de la chapelle de l’hôpital Laennec à Paris (sans parler de l’affaire des cloches de Notre-Dame) incitent au pessimisme… et à l’action.

À l’hôpital Richaud (Versailles), abandonné pendant 25 ans, une association de défense du patrimoine a tenté d’obtenir en vain que la chapelle soit restituée au culte lors de la cession des bâtiments à un entrepreneur immobilier. Le diocèse, en particulier, a estimé avoir des problèmes plus pressants que de restituer au culte un édifice chargé d’histoire pour des générations de Versaillais. Il est vrai que cette chapelle se trouve sur le territoire de la paroisse Notre-Dame où s’est constitué un important groupe stable de fidèles désireux de bénéficier de la forme extraordinaire du rite romain : sait-on jamais, quelque fidèle aurait pu avoir l’idée de restituer le lieu à la liturgie traditionnelle...

À l'hôpital Laennec (Diocèse de Paris), le groupe Allianz, pilote d’une opération de spéculation immobilière indécente, a admis l’an dernier avoir laissé détruire “ par erreur ” la sacristie de la chapelle après avoir fait recouvrir d’une chape de béton les tombes du cardinal de La Rochefoucauld et de Turgot. Le silence de l’archevêché a été abyssal. Il est vrai que c’est dans cette chapelle que se dessina la résistance héroïque de Mgr Ducaud-Bourget à l'obligation de célébrer seulement selon la liturgie de Paul VI et à l’injuste injonction du cardinal Marty qui voulait lui interdire la célébration de la messe de saint Pie V, celle-là même dont le pape a rappelé en 2007 qu’elle n’avait jamais été abrogée.

Quant aux cloches de Notre-Dame, dont le sort n’est pas encore réglé, il est là encore évident que les autorités diocésaines préfèrent leur destruction à leur usage au sein d’une communauté liée à la messe traditionnelle (voir notre lettre 367).
I – À SAINT-GERMAIN : UNE LÉGITIME INQUIÉTUDE
Construite vers 1883 par un legs spécifique de bienfaiteurs de l’hôpital, la chapelle Saint-Louis appartient à la commune de Saint-Germain-en-Laye. Classée monument historique en 1997, elle devrait en principe être préservée en cas de projet immobilier. Sauf que les exemples de Richaud et de Laennec, et de bien d’autres hôpitaux du pays, incitent à la vigilance : le classement d’un édifice ne signifie pas qu’il soit à l’abri de sa destruction ou de sa dénaturation.

En septembre 2012, nous avons été alertés de ce que l’actuel maire de la ville, anticipant la restructuration de l’hôpital et donc l’abandon de la chapelle dudit hôpital, avait proposé au curé de la paroisse, le Père Jean-Marc Bot, et à l’évêque de Versailles, Mgr Éric Aumonier, de confier la chapelle au diocèse pour un euro symbolique, à charge pour celui-ci de l’entretenir. Se retranchant derrière le manque de moyens financiers pour son entretien, les ecclésiastiques ont refusé cette offre sans même se concerter avec les fidèles qui auraient pu, par exemple, pourvoir à cet entretien en montant une association ad hoc.

Dans le journal de Saint-Germain-en-Laye du 21 septembre 2013, l’opposition municipale a d’ailleurs posé publiquement la question du devenir de la chapelle. Interrogé par un paroissien sur une possible démolition de la chapelle, le Père Bot a répondu qu’il n’avait pas “ la religion des bâtiments ”…

N’est-il pas cependant évident que la nouvelle évangélisation, prônée depuis le Bienheureux Jean-Paul II, passe avant tout par le maintien du culte et la multiplication des messes, principales occasions de rencontrer Dieu dans notre société sécularisée, et que cette offre liturgique doit être présente au cœur des villes ? Nous suivrons donc avec attention le sort réservé à la chapelle de l’hôpital de Saint-Germain dans les semaines et les mois qui viennent.


II – PETITE CHRONOLOGIE DU REFUS D'APPLICATION DE SUMMORUM PONTIFICUM À SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
– Septembre 2007 : un groupe représentant près de 300 fidèles de la paroisse Saint-Germain se constitue pour solliciter la mise en œuvre du Motu Proprio par leur curé.

– Le 27 septembre 2007, celui-ci, le Père Jean-Marc Bot, réserve tout d'abord un bon accueil apparent à la demande.

– Le 9 octobre 2007, le curé explique que : « la demande est mal perçue et accueillie froidement par le conseil paroissial, notamment en raison des événements de Port-Marly de 1986/1987 encore présents dans la mémoire des personnes ». Nous sommes pourtant vingt ans après, il ne s'agit pas des mêmes personnes, et il ne s'agit pas non plus de la même commune : l'amalgame devient difficile à faire accepter !

– 30 novembre 2007 : une rencontre entre les demandeurs (40 familles représentées), le curé et des membres du conseil paroissial, permet d’apaiser la situation.

– Mi-février 2008, le Père Bot annonce de but en blanc, à la fin des messes dominicales, « qu’il n’y aura pas de messe selon la forme extraordinaire du rite romain car les prêtres de la paroisse sont trop chargés et ne désirent pas dire cette messe ».

– 17 mai 2008 : pour sortir de l’impasse, avec l’accord du curé, les demandeurs rencontrent l’évêque, Monseigneur Éric Aumonier, qui les invite à revenir vers leur curé, le cadre d’application du Motu Proprio étant paroissial...

– Le 12 octobre 2008, le Père Bot réitère aux demandeurs sa fin de non recevoir. Les demandeurs indiquant qu’il est possible de faire appel à un prêtre extérieur à la paroisse pour satisfaire la demande, le curé précise : « Aucun des six lieux envisagés à Saint-Germain n’est disponible. »

– Les fidèles persistant dans leur démarche, le 16 novembre 2008, le Père Bot leur répond qu’ils peuvent trouver satisfaction à leur demande « dans les environs de Saint-Germain ». Enjoints par l’évêque de trouver une solution paroissiale, les demandeurs sont donc invités par leur curé à aller trouver satisfaction en dehors de la paroisse.

– Les demandeurs ayant saisi la Commission Ecclesia Dei, le 2 février 2009, le Père Bot résume ainsi sa position par courrier :

1. Aucun prêtre n’est obligé de célébrer selon le rite extraordinaire ;

2. Aucun prêtre de Saint-Germain n’est disposé à le faire de lui-même ;

3. Les prêtres de Saint-Germain ne souhaitent pas faire appel à un prêtre extérieur, ni supprimer une messe existante ;

4. Notre évêque ne propose rien et ne nomme personne pour ce service.

Il est donc inutile de continuer à écrire des lettres : la réponse sera toujours la même !

– En avril 2009, les demandeurs initient dans la paroisse une enquête d’opinion qui emporte l’adhésion de nouvelles familles : plus de 100 familles soutiennent désormais la demande.

– 6 avril 2009 : dans un courriel pacificateur, le curé précise que c’est « désormais Mgr Aumônier, et non le conseil pastoral de la paroisse » qui est l’interlocuteur des demandeurs. Bref, après avoir, à juste titre, défendu la dimension paroissiale de Summorum Pontificum, Mgr Aumonier en refait une affaire épiscopale.

– Depuis 2011, les demandeurs continuent à implorer la charité et la bienveillance de leur évêque et de leur curé en espérant que leur soient concédées, comme le demande la femme de Tyr à Jésus, " au moins quelques miettes ".
III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) On nous accusera de crier avant d’avoir mal, comme des enfants. Nous sommes seulement pragmatiques : neuf fois sur dix, l’Église de France préfère vendre ou abandonner un bâtiment cultuel ou ecclésiastique plutôt que de le voir repris par un institut Ecclesia Dei ou une association de fidèles liées à la liturgie traditionnelle. Dans le cas présent, nous n’espérons qu’une seule chose : être contredits par la décision favorable à la messe traditionnelle des autorités ecclésiastiques. Au fond, le meilleur moyen pour elles de montrer que les demandeurs de la forme extraordinaire les jugent mal, serait de profiter de cette magnifique occasion et de revenir sur leur abandon à son triste sort de cette chapelle de l’hôpital.

2) Outre le caractère indéfendable d’abandonner un lieu de culte en plein centre-ville, en un temps où les papes qui se succèdent sur le trône de Pierre souhaitent engager l’Église dans une ré-évangélisation et donc dans la reconquête spirituelle des vieilles nations chrétiennes, nous nous faisons un devoir de faire le lien entre cette décision d’abandon d’une chapelle et l’existence à Saint-Germain-en-Laye de l’une des demandes les plus fortes et structurées d’application de Summorum Pontificum, qui rassemble plus de 400 personnes maintenant. Le Père Bot n’argue-t-il pas le 12 octobre 2008 qu’il n’y a pas de lieu disponible ? Aujourd’hui, en tout cas, il y en a un : la chapelle de l’hôpital. Tout comme, rappelons-le, la chapelle de l’hôpital Richaud aurait pu être une solution acceptable pour répondre à l’énorme demande des paroissiens de Notre-Dame de Versailles sur le territoire de laquelle se trouvait la chapelle de cette hôpital.

3) À Wisques, près de Saint-Omer, l’abbaye Saint-Paul, fille de Solesmes, vient de confier sa survie aux moines de Fontgombault (autre abbaye née de Solesmes) qui ont accepté " de relever le défi " à condition d’y apporter les usages de leur abbaye, revenue à la liturgie traditionnelle lors de l’indult de 1984. Cet exemple de pragmatisme et d’œcuménisme intra-ecclésial est indéniablement à louer et à saluer : généralement, on préfère la mort à la traditionalisation. À Wisques, parce qu'on privilégie le salut des âmes, on préfère la vie, quand bien même fût-elle traditionnelle. Préférer la vie de l’Église dans toute sa richesse et sa diversité à la sécularisation et à l'enfouissement : prions pour qu'il en aille ainsi aussi dans le diocèse de Versailles.