28 mars 2013

[Mgr Williamson] Lettre ouverte aux prêtres de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X

Mgr Williamson au monastère de
Santa Cruz, jeudi saint 2013
SOURCE - Mgr Williamson - 28 mars 2013

Chers révérends Pères,

La récente publication de la Déclaration doctrinale, adressée par le Conseil général de la Fraternité Saint-Pie X aux autorités de l'Eglise de Rome le 15 avril de l'année dernière, confirme nos pires craintes. Nous avons attendu presque un an pour savoir ce qu'elle contient. Cela prouve une fois pour toutes que les Supérieurs actuels de la Fraternité Saint-Pie X veulent conduire celle-ci loin de l'orientation définie pour elle par Mgr Lefebvre, et vers les idées et les idéaux du Concile Vatican II.

Si occupés que vous soyez par votre ministère quotidien, cela doit vous préoccuper parce que cela signifie que les âmes confiées à vos soins, sont amenées, par votre intermédiaire, sous l'autorité de supérieurs désirant les conduire, ainsi que vous-mêmes, vers et même au coeur de l'apostasie des temps modernes. Nous rappelons que ce sont les supérieurs qui font les sujets et que cela ne fonctionne pas dans le sens contraire. N'avons-nous pas observé de bons prêtres de la fraternité, l'un après l'autre abandonner la combat de la foi comme nous savons que Mgr Lefebvre l'a mené et se mettre à suivre au contraire le courant, le courant très fort et très différent qui vient depuis maintenant quelques années de la tête de la Fraternité Saint Pie X ?

Une analyse détaillée confirme le danger de chacun des dix paragraphes de la Déclaration, comme il est indiqué brièvement ci-dessous :

I. La fidélité promise à « l'Église catholique » et au « Pontife romain » peut facilement être mal orientée aujourd'hui vers l'Église conciliaire en tant que telle, et envers les pontifes conciliaires. Des distinctions sont nécessaires pour éviter toute confusion.

II. L'acceptation des enseignements du Magistère, conformément à Lumen Gentium n ° 25 peut être facilement comprise, particulièrement lorsqu'elle est en relation avec la Profession de foi de Rome de 1989 mentionnée en note de la Déclaration, comme exigeant l'acceptation des doctrines de Vatican II.

III. L'acceptation de l'enseignement du Concile Vatican II sur le Collège des Évêques tel qu'il figure dans Lumen Gentium, chapitre III, est, en dépit de la "Praevia Nota", une étape importante vers l'acceptation de la collégialité conciliaire et la démocratisation de l'Eglise.

III, 2. La reconnaissance du Magistère comme seul interprète authentique de la Révélation fait courir à la Tradition un risque grave de la soumettre au Concile, surtout quand toute interprétation de rupture entre les deux est automatiquement rejetée (cf. III, 5).

III, 3 La définition de la Tradition comme "transmission vivante de la Révélation" est hautement ambiguë, et son ambiguïté ne fait qu'être confirmée par des mots vagues sur l'Église, et par la citation tout aussi ambiguë de Dei Verbum n°8, qui suit.

III, 4 La proposition affirmant que Vatican II "éclaire" la tradition en "l'approfondissant" et en la rendant plus "explicite", est tout à fait hégélienne (depuis quand les contraires s'expliquent-ils et ne s'excluent-ils pas l'un l'autre ?), et elle risque de falsifier la Tradition en la déformant pour qu'elle s'adapte aux multiples erreurs du Concile.

III, 5 L'affirmation selon laquelle les nouveautés de Vatican II doivent être interprétées à la lumière de la Tradition, mais qu'aucune interprétation impliquant une rupture entre les deux n'est acceptable, est de la folie ([cela revient à dire:] Toutes les chemises doivent être bleues, mais toute chemise qui n'est pas une chemise bleue doit être tenue pour bleue !). Cette folie n'est autre que "l'herméneutique de la continuité" de Benoît XVI.

III, 6 Donner crédit aux nouveautés de Vatican II en les présentant comme étant un sujet légitime de débat théologique est gravement sous-estimer leur nocivité. Elles ne sont bonnes qu'à être condamnées.

III, 7 Le jugement selon lequel les rites sacramentels nouveaux ont été promulgués légitimement est gravement trompeur. Le Novus Ordo Missae, particulièrement, est bien trop dangereux pour le bien commun de l'Église pour qu'il soit une vraie loi.

III, 8 La "promesse de respecter" comme loi de l'Église le Nouveau Code de Droit Canonique est la promesse de respecter un certain nombre de supposées lois directement contraires à la doctrine de l'Église.

Révérends Pères, celui qui étudie ces dix paragraphes dans le texte original ne peut que conclure que leur auteur ou les auteurs ont renoncé à la lutte de Mgr Lefebvre pour la Tradition, et qu'ils se sont ralliés, en esprit, à Vatican II. Voulez-vous vous-même et votre troupeau être façonnés par ces Supérieurs?

Qu'il ne soit pas dit non plus que les deux premiers et les trois derniers des dix paragraphes sont largement tirés du propre protocole de Mgr Lefebvre du 5 mai 1988, de sorte que la Déclaration lui est fidèle. Il est bien connu que le 6 mai, il a rejeté ce protocole parce qu'il a reconnu lui-même qu'il faisait trop de concessions pour que la Fraternité soit en mesure de continuer à défendre la Tradition.

Une autre erreur est de dire que le danger est passé parce que la Déclaration a été "retirée" par le Supérieur général. La Déclaration est le fruit empoisonné de ce qui est devenu un état d'esprit libéral au sommet de la Fraternité, et cet état d'esprit n'a pas été reconnu, et encore moins rétracté.

Une troisième idée fausse est de dire que, puisque aucun accord n'a été signé avec les apostats de Rome, alors il n'y a plus de problème. Le problème est moins l'accord que le désir de tout accord qui accorde une reconnaissance officielle à la Fraternité, et ce désir est toujours bien là. A la suite du monde moderne et de l'Eglise conciliaire, les supérieurs de la Fraternité semblent avoir perdu leur attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique.

Révérends Pères, "ce qui ne peut être guéri doit être enduré." Les dirigeants aveugles sont un châtiment de Dieu. Cependant, le moins que vous puissiez faire vis-à-vis de cette déclaration désastreuse est de l'étudier par vous-mêmes avec tout ce qui l'a précédée, sinon vous perdrez votre Fraternité sans vous en rendre compte, tout comme la masse des catholiques ont perdu leur Eglise avec Vatican II, et ne l'ont pas compris. Puis, après avoir clairement vu la catastrophe dans votre esprit, vous devez dire la vérité à votre troupeau de la Fraternité, à savoir le danger dans lequel vos supérieurs mettent leur foi et par là leur salut éternel.

A nous tous, membres de cette Fraternité que Mgr Lefebvre a faite forteresse mondiale de la foi, le Seigneur est en train de poser la question de Jean, VI, 67: "Voulez-vous aussi me quitter ?"

A tous et à chacun j'envoie volontiers ma bénédiction épiscopale. Votre serviteur dans le Christ,

+ Richard Williamson, Nova Friburgo, Jeudi Saint, 2013