17 janvier 2013

[Disputationes Theologicae] Plutôt que la Commission Pontificale Ecclesia Dei, c’était donc le servilisme…

SOURCE - Disputationes Theologicae - 17 janvier 2013
Dans notre communication publique du 14 mai 2012 “Disputationes ne se laisse pas bâillonner”, nous nous étions demandé si l’injonction adressée à cette revue libre au nom de la Commission Pontificale Ecclesia Dei provenait réellement de cet Organe romain, dans quelle mesure… Dans le but de vérifier, et cela aussi pour éclairer nos lecteurs, notre directeur a demandé des élucidations directement à cette Commission, par la lettre suivante :
Don Stefano Carusi
18 Place A. Rillié
F- 28290 Courtalain

Courtalain, le 22 octobre 2012

Excellence Révérendissime,

Je me vois obligé d’écrire à la révérendissime Commission Pontificale pour l’informer de certains événements et de certains épisodes déconcertants qui m’ont été présentés comme étant l’application de la volonté de votre Commission. Au cours de ces derniers mois, en effet, j’ai fait l’objet de menaces en tant que Directeur responsable du site Disputationes Theologicae (une revue libre qui n’est pas un organe du Bon Pasteur, comme elle l’a déclaré expressément à plusieurs reprises). Certaines de ces menaces émanaient directement de l’abbé Philippe Laguérie, qui prétendait que la révérendissime Commission l’avait mandaté afin qu’il me signifie les graves punitions qui m’attendaient si je n’obéissais pas à ces censures. Le 13 mai 2012, l’abbé Laguérie m’a écrit en soutenant que Mgr Guido Pozzo avait intimé, par une lettre du 8 mai de la même année, que quelques articles du site soient censurés ; entre-temps, j’ai été expressément menacé d’être muté en Colombie si je ne retirais pas les articles d’opinion sur le rite exclusif et sur la critique constructive du Concile Vatican II. Ces jours-là, j’ai reçu une menace anonyme qui invoquait à mon égard une réduction à l’état laïc dans un bref délai. Suite à ces pressions, j’ai dû être hospitalisé le 14 mai 2012, à l’Hôpital de Châteaudun.

Attendu que, comme Directeur d’une revue libre, dûment inscrite au Tribunal de Camerino, mon œuvre de coordinateur m’impose de me concerter avec le Conseil de Rédaction et avec la loi italienne sur l’édition, je ne vois vraiment pas comment l’abbé Laguérie peut invoquer le droit de censure sur la presse catholique libre, à plus forte raison si les textes ne contiennent rien contre la foi ni contre les mœurs et s’ils expriment un simple point de vue théologique indépendant, comme les canons 212 et 215 du Code de droit canon le soulignent.

Malheureusement, les menaces continuent aujourd’hui et s’intensifient en ce moment délicat pour l’Institut du Bon Pasteur. Non seulement on invoque qu’elles proviennent directement de cette révérendissime Commission, mais on soutient aussi que cette Commission a donné le pouvoir d’exclure du Chapitre du Bon Pasteur – et donc d’élections prochaines éventuelles – tous ceux qui ne se soumettent pas aux ordres et aux censures de l’abbé Laguérie. Celui-ci, en fait, est en train de remanier la composition du Chapitre – nous ne savons pas très bien à quel titre, vu qu’il a donné sa démission de Supérieur Général le 3 juillet dernier et vu que le titre coloré était échu le 8 septembre – en vue d’une réélection, avec des méthodes qui ne semblent pas s’inspirer de la légalité canonique ni du plus élémentaire sens de la justice.

Je me vois donc obligé d’informer cette révérendissime Commission du texte stupéfiant qui m’est parvenu le 11 octobre dernier et que je joins à cette lettre. Non seulement il contient des menaces qui m’y sont manifestées et qui sont irrecevables canoniquement, mais aussi des phrases calomnieuses qui y sont insinuées. J’écris donc à cette révérendissime Commission en l’informant aussi que les membres du Conseil de Rédaction de Disputationes se sont interrogés sur la nécessité de se pourvoir en justice, in primis ecclésiastique.

Je vous prie de croire, Excellence Révérendissime, à l’assurance de mes sentiments respectueux et dévoués. Je remets notre Institut à vos prières et j’invoque Votre bénédiction, en m’inclinant pour baiser l’anneau sacré 
Don Stefano Carusi
Directeur responsable de Disputationes Theologicae
--
S. Ecc.za Rev. ma
Mons. Augustin Di Noia
Pontificia Commissione Ecclesia Dei
Piazza del Sant’Uffizio 11
00193 Roma
En toute simplicité, sans réticences, nous avons préféré l’approfondissement par voie directe aux conjectures précipitées, que celles-ci ait été dictées par la crainte opportuniste (des « ralliés ») ou par la simplification tendancieuse (de la FSSPX).

La Commission a répondu à la question de la sorte :
PONTIFICIA COMMISSIO ECCLESIA DEI
Prot. 80/2006

Du Vatican, le 5 novembre 2012

Révérend Père,

Votre lettre datée du 22 octobre, dans laquelle vous communiquiez vos préoccupations concernant votre situation à l’intérieur de l’Institut Bon Pasteur, est parvenue à cette Commission.

À ce propos, j’ai l’honneur de vous communiquer que, le 8 mai 2012, le secrétaire de la Commission de l’époque, Mgr Guido Pozzo, a fait savoir à votre supérieur, le Révérend Philippe Laguérie, que, bien que la discussion à l’intérieur de l’Institut concernant les questions posées après la visite canonique ait été légitime, il était inopportun que de tels débats apparaissent sur des sites Internet ou dans des revues accessibles au public. Cette Commission a demandé que la vigilance soit renouvelée à ce sujet, mais sans recommander aucune mesure disciplinaire déterminée.

Je profite de cette communication pour vous confirmer mes sentiments de respect distingué

J. Augustin Di Noia, o. p.
Vice-président
Copie au Révérend Philippe Laguérie
--
Don Stefano Carusi
18, Place Rillié
28 290 Courtalain France
Nous remarquons que la Commission semble ne pas exclure que l’on puisse avoir un autre point de vue au sujet de certaines invitations exprimées à la suite de la visite canonique, ces invitations n’étant pas un point de vue péremptoire. Il émerge surtout que des injonctions de censure si absolues du débat autour du “rite exclusif” et de la “critique constructive”, ainsi que d’une certaine gestion peu claire du dialogue Ecône-Rome, plus que d’être un ordre direct de la Commission, provenaient en bonne partie de la courtisanerie complexée et/ou intéressée de certains représentants de notre milieu.

Nous pensons que quelques aspects de la réponse de la Commission peuvent être discutés: par exemple, bien que ne dédaignant pas la valeur d’une modération prudente en la matière, nous n’estimons pas que le débat public soit inopportun sur des pareilles questions doctrinales, liturgiques et ecclésiales, car il évite les ambiguïtés et les équivoques. Il s’agit en effet de questions de nature éminemment publique (entre autres déjà antérieurement parues sur Internet).

Il n’en reste pas moins qu’un point de vue de la Commission de l’ordre du conseil a été arbitrairement amplifié pour en arriver à une véritable injonction, susceptible de sanctions. Dans un tel procédé, en soi misérable, il y a toutefois quelque chose de providentiel car il est mis en lumière un aspect, qui reste souvent délaissé entre un opportunisme craintif et un sectarisme factieux : le servilisme intéressé qui, dans le « complexe du rallié », va au-delà de ce qui est demandé. Cette flagornerie pour laquelle, malgré les circonstances actuelles, on ne distingue pas entre une loi et un point de vue, entre une obligation et un conseil. Un servilisme de façade, souvent volontiers utilisé pour « compenser » un certain extrémisme en privé, qui est parfois même inquiétant.

Dans ce sens, l’épreuve que l’Institut du Bon Pasteur est en train de traverser sera, en tout cas, précieuse pour dévoiler les cœurs ; et non seulement (comme malheureusement cela arrive souvent dans notre milieu) les cœurs de ceux qui – cibles trop faciles – sont loin de nous…

Ayons confiance en la Providence, qui sait ce qu’Elle fait, comme l’ont eu les séminaristes qui, dans la situation actuelle sont entrés au Séminaire de l’IBP ! Laissons faire la Providence (comme Mgr Lefèvre aimait répéter sereinement dans les circonstances les plus difficiles) ; quant à nous, essayons de coopérer avec notre contribution petite et humble de la fidélité à la ligne de la franchise respectueuse et de la critique constructive, comme nous nous le sommes proposé dès les débuts.

P.S. Le servilisme dont nous avons parlé ci-dessus a souvent, dans les milieux de sentiment traditionnel, un appendice contradictoire ou plutôt complémentaire. Il consiste en une attitude acritiquement favorable envers la Fraternité Saint-Pie X (spécialement dans le privé, et surtout quand on la connaît peu) ; FSSPX qui a certes ses raisons, mais qui devient souvent une référence idéalisée, un raccourci « virtuel » commode, une sorte de « compensation » pour ceux qui n’osent pas s’engager.

C’est aussi sur ce point que portait la censure que certains supérieurs émérites de l’Institut du Bon Pasteur voulaient nous imposer (une censure qui nous a été même formulée à partir de septembre 2011) ; « pour ne pas contrarier la Commission… », nous ont-ils dit. Plus grande est la mauvaise conscience de ses omissions et plus on est inhibé lorsque l’on parle constructivement de ces problèmes aussi. Notre revue, qui est fermement convaincue que le primat de la vérité (même quand elle est gênante) est un bien nécessaire et préliminaire pour tous (Fraternité Saint-Pie X incluse), repousse avec dédain la voie de l’opportunisme, qui défère à d’autres son devoir de témoigner.

En effet, Disputationes a parlé publiquement et sans complexes de vérités gênantes, dont quelques-unes très douloureuses. Si bien que nous nous sommes demandé, à l’époque, et nous nous demandons publiquement aujourd’hui : dans la FSSPX, où on fait toujours mine de parler publiquement, aura-t-on la capacité d’agir de façon conséquente en publiant la lettre par laquelle Mgr Fellay a obtenu le retrait du décret d’excommunication, lettre dans laquelle les deux parties ont donné deux versions différentes ? De rendre public dans les détails les résultats des discussions doctrinales, comme promis? De publier le texte « de compromis » du préambule que Mgr Fellay a signé et envoyé en avril au Saint Père? D’éclaircir le mystère de la lettre de septembre par laquelle Mgr Fellay aurait demandé un temps supplémentaire à la Commission Pontificale pour donner une réponse définitive sur le préambule – une demande publiée officiellement par la Commission elle-même – qui est en contraste criant avec la version contraire des faits donnée par Mgr Fellay à ses fidèles dans les homélies du 1er et du 11 novembre dernier, rapportées elles aussi – publiquement – sur Internet? N’est-il pas vrai que nous aimons tous la vérité et la justice? Nous attendons une réponse.

La Rédaction de Disputationes Theologicae