12 avril 2012

[Abbé Régis de Caqueray, fsspx - District de France] «Les auxiliatrices du sacerdoce» - Lettre sur les vocations n° 20

SOURCE - Abbé Régis de Caqueray, fsspx - District de France - Avril 2012

C’est d’abord par reconnaissance et par admiration pour la vocation religieuse de nos sœurs de la Fraternité que je souhaite leur consacrer l’éditorial de cette nouvelle lettre de la croisade pour les vocations.

Leur vie cachée, leurs prières, leurs sacrifices et tout leur apostolat se trouvent à l’origine de beaucoup de bien pour les prêtres et les vocations sacerdotales ; j’en ai l’intime conviction. Leur présence, dans les prieurés de la Fraternité qui ont la grâce d’en compter, est une bénédiction inestimable pour la vie de ces maisons. Il nous faut prier pour que les prieurés puissent, un jour, être tous gratifiés de cette présence religieuse. Mais je pense que leur belle vocation demeure trop méconnue et je présente également cette petite contribution pour qu’elle le soit davantage.

Il n’est pas anodin de commencer par rappeler que les prêtres et les soeurs de la Fraternité Saint Pie X ont le même fondateur. Monseigneur Lefebvre s’est tourné vers l’une de ses sœurs de sang, également religieuse dans la même congrégation que lui, Mère Marie-Gabriel, pour l’aider dans la fondation de la société de nos soeurs, de telle manière qu’elle en est devenue la co-fondatrice. Cette évocation des origines est déjà suffisante pour signifier toute la profondeur des liens de famille qui existent depuis toujours entre les prêtres et les sœurs de la Fraternité saint Pie X.

Mais pour mieux comprendre les raisons qui ont poussé Monseigneur Lefebvre, après l’érection de la fraternité sacerdotale, à approuver la création d’une société de sœurs, il faut se souvenir que notre Fondateur a d’abord voulu que les membres de la Fraternité sacerdotale vivent eux-mêmes en petites communautés. Et c’est dans la Fraternité Saint Pie X qu’il a réalisé son dessein. En promouvant cette vie, il répondait à un vœu très profond de l’Eglise : que les prêtres dits « séculiers », retrouvent la vie de communauté, comme ils la pratiquaient aux périodes les plus ferventes de l’histoire de l’Eglise. C’est ainsi qu’ils peuvent efficacement se soutenir les uns les autres, surtout dans ce monde redevenu hostile au sacerdoce catholique.

Dès lors, la formation de ces petites maisons où habitent des religieuses, à proximité de celles où s’établissent des prêtres menant la vie commune, ne manque pas de se présenter à l’esprit comme étant une solution très avantageuse. Les prêtres assurent aux sœurs la messe quotidienne. Les sœurs mènent leur propre vie de communauté, soutiennent les prêtres de leurs prières, les aident dans leur apostolat et les déchargent des tâches domestiques pour qu’ils puissent se consacrer plus librement à leur ministère. Cette formule ne rappelle-t-elle pas, d’ailleurs, la très ancienne tradition monastique de l’implantation des couvents de moniales non loin de la résidence des moines ?

Cependant, pour se rendre véritablement compte de ce qu’est la vocation des sœurs de la Fraternité saint Pie X, il faut ouvrir l’Evangile. On y trouve cette présence discrète mais efficace des saintes femmes, et surtout de la Sainte Vierge, auprès de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Certes, elles ne le suivent pas habituellement dans ses courses apostoliques mais elles l’accompagnent de leurs prières et on imagine qu’elles lui rendent, à lui et à ses apôtres, de multiples petits services que l’Evangile ne mentionne pas tous.

Les saintes femmes se sont naturellement placées sous l’autorité de la très sainte Vierge Marie qui, par sa prière et son exemple, plus encore que par sa parole, leur est une parfaite maîtresse de vie chrétienne. Elles se sont distinguées spécialement dans les heures les plus cruelles, en particulier au moment de la Passion. Elles se trouvent douloureusement présentes au pied de la croix. Puis, c’est l’une d’entre elles, Marie-Madeleine, qui mérite même d’être appelée « l’apôtre des apôtres » car c’est à elle que fut réservé l’honneur d’être pour eux « l’ange Gabriel » de la nouvelle de la Résurrection de Notre-Seigneur. En réalité, les saintes femmes de l’Evangile se sont consacrées au service de ce sacerdoce nouveau que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Souverain Prêtre, est venu établir sur la terre.

La vie de nos sœurs de la Fraternité saint Pie X se rapproche étroitement de ce modèle laissé par les saintes femmes de l’Evangile. En effet, leur vocation fait d’elles aussi des « auxiliatrices du sacerdoce ». Monseigneur Lefebvre n’a pas hésité à employer cette très belle expression pour désigner l’orientation religieuse de nos sœurs. « Les religieuses seront des auxiliaires des prêtres dans tous les ministères demandés à la Fraternité Sacerdotale. » C’est lorsqu’on se recueille un instant pour creuser le sens de cette formule qu’apparaît toute la grandeur de cette vocation féminine, si proche de la vie de la très sainte Vierge Marie parfaite auxiliatrice de son Fils dans l’œuvre de la Rédemption.

En conséquence, l’essentiel de la vocation de ces auxiliatrices du sacerdoce se réalise par leur assistance quotidienne à la sainte messe, à l’instar de la très sainte Vierge Marie dont tout la vie fut orientée vers sa sublime oblation au pied de la croix, en union avec son divin Fils. La première dévotion des soeurs, sous l’égide de Notre Dame de Compassion, leur sainte patronne, consiste dans leur participation au saint sacrifice de la Croix renouvelé sur les autels.

Voilà le cœur de leur existence et de chacune de leurs journées. Leur vie ne consiste en rien d’autre que d’aller de messe en messe. Comme les vagues inlassables de la mer, elles s’élancent chaque matin vers le banc de la communion d’où elles ne refluent doucement qu’après avoir recueilli en leur coeur le fruit eucharistique. Elles y puisent toute leur force et toute leur joie et lui consacrent tout l’amour dont leurs âmes sont rendues capables.

Si les religieuses sont donc de précieuses aides pour la vie domestique des maisons de la Fraternité et si elles se dévouent en de multiples œuvres apostoliques, elles ne méritent cependant leur nom d’auxiliaires du sacerdoce que par leur esprit tout imbibé de l’esprit de la sainte messe. Leur vie est une permanente oblation qu’elles font d’elles-mêmes, en union avec la divine victime de l’autel. Comme le Christ s’offre en holocauste à son Père, elles s’immolent chaque jour par amour dans les mille circonstances de leur quotidien.

C’est pourquoi toute leur existence, tissue de leurs exercices de piété et de leurs différentes activités placées au service du sacerdoce, se passe à vivre toujours plus intensément de l’esprit de la sainte messe. Les sœurs de la Fraternité ne ressortent jamais de la chapelle comme elles y sont entrées. C’est la faim eucharistique qui les y a poussées; elles en ressortent rassasiées, comblées du mets divin qui leur a été servi. Et pour le restant de la journée, elles se trouvent tellement reconnaissantes du témoignage d’amour qu’elles ont reçu de l’époux de leur âme et dont elles demeurent pénétrées, qu’elles n’ont d’autre vouloir que de lui manifester toute la réciprocité de leur charité à travers les labeurs si variés de leur quotidien dévoué au sacerdoce.

Elles comprennent alors en profondeur les paroles si humbles et si profondes de leur Fondateur : « Quand on me demande quelle est la spiritualité de la Fraternité, je réponds que ce n’est pas une spiritualité spéciale, c’est la spiritualité de l’Eglise, c’est le saint sacrifice de la messe. » Mais, en réalité, quelle plus belle spiritualité rechercher que celle de la messe, renouvellement non sanglant du Sacrifice du Golgotha et chef-d’œuvre parfait de la vie chrétienne?

Telle est la clef de leur existence. Lorsqu’on l’a donnée, on a presque envie d’en rester là car, d’une certaine manière, tout est dit! Le reste de leur vie s’unifie autour de leur messe quotidienne. Leurs constitutions qui entremêlent, dans leurs journées, leurs exercices de piété avec les autres travaux dont elles s’occupent favorisent une union de l’âme toujours plus étroite avec le Bon Dieu. Que l’on fasse le catéchisme aux enfants, que l’on prépare les repas, que l’on confectionne des ornements liturgiques ou que l’on répète les pièces grégoriennes de la prochaine messe chantée, il faut apprendre à toujours tout faire pour l’amour de Notre-Seigneur, pour la fructification de l’apostolat des prêtres et pour la conversion des âmes.

Il n’est pas difficile de voir - ou plutôt d’entendre- que leur existence leur apporte ce fruit du Saint-Esprit qui s’appelle la joie chrétienne tant leurs récréations sont ponctuées d’éclats de rire qui n’ont rien à envier à la gaieté légendaire des fils et filles de saint François ! Ne nous méprenons pas ! Cette constante bonne humeur est l’aboutissement de beaucoup de renoncements quotidiens où l’on apprend à cesser de trop s’occuper de soi-même et de ses petites tribulations personnelles pour toujours donner aux autres cette charité qui consiste à rendre la vie commune agréable aux autres et à ne jamais leur être à charge.

En vous demandant, chers croisés, de prier avec ferveur pour que le Bon Dieu envoie à nos sœurs de nombreuses et de saintes vocations, vous comprenez que c’est pour le sacerdoce catholique lui-même que vous oeuvrez en réalité.

Abbé Régis de Cacqueray +, Supérieur du District de France