30 janvier 2009

[Christophe Geffroy - La Croix] Ne soyons pas le fils aîné jaloux…

SOURCE - Christophe Geffroy - La Croix - 30 janvier 2009

A l’occasion de la levée des excommunications des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie-X (FSPX), l’attention s’est polarisée sur les propos profondément scandaleux de Mgr Williamson. L’émotion suscitée par son « négationnisme » se comprend et il est juste de le rejeter avec fermeté. Il ne faudrait cependant pas que ce scandale limite la portée du geste de Benoît XVI à cette triste affaire et empêche de réfléchir sur ce qui est en cause.
 
Notons d’ailleurs que Mgr Fellay, le Supérieur de la FSPX, a demandé « pardon au Souverain Pontife et à tous les hommes de bonne volonté ». Quand on connaît un peu la rhétorique habituelle de cette mouvance, c’est un changement de ton plutôt encourageant.
 
La question qui se pose donc est : pourquoi un tel geste de Benoît XVI ? Dans sa lettre aux évêques accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum, il écrivait que souvent les divisions sont nées parce que « les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ». Le jeu en vaut la peine et répond à l’appel du Christ à l’unité : faut-il se satisfaire de voir la FSPX s’enfoncer dans une dissidence qui ne peut que finir en schisme avéré ? Comment être crédible en matière œcuménique si l’on ne commence pas par tout faire pour résorber les divisions internes dans l’Eglise ?
 
La levée des excommunications ne règle pas la situation de la FSPX. Ses membres n’ont toujours pas retrouvé la pleine communion avec le pape et les évêques. Des discussions vont maintenant s’engager entre Rome et Ecône qui porteront vraisemblablement sur les divergences doctrinales et sur la place canonique à donner à la FSPX (administration apostolique, prélature personnelle,… ?).
 
Craindre que le pape puisse brader le Concile ou la réforme liturgique est vraiment absurde. Ceux qui le craignent ne sont-ils pas les mêmes qui, loin d’être fidèles au Concile, sont allés, au nom de son « esprit », bien au-delà au point de voir dans celui-ci une rupture avec le passé ? Les mêmes sont maintenant bien obligés de déchanter quand Benoît XVI place son pontificat dans l’optique de « l’herméneutique de la continuité » !
 
Cet accord avec la FSPX, je l’espère ardemment et il ne peut y avoir que joie à l’idée du retour du « fils prodigue », comme dans la parabole de l’Evangile. Cette parabole est d’ailleurs tout particulièrement adaptée ici.
 
Certes, on serait en droit d’attendre un certain repentir de Mgr Fellay, car ce retour, s’il se produit, ne signifierait en aucune façon une « réhabilitation » de l’attitude passée des membres de la FSPX, ni une légitimation a posteriori de leur grave désobéissance qui a conduit Mgr Lefebvre en 1988 à poser, selon l’expression du pape Jean-Paul II, « un acte schismatique » (Ecclesia Dei, n. 3). Alors que s’esquisse enfin un accord, ce n’est pas le moment d’y insister, il ne faut toutefois pas l’oublier. Mais la parabole nous met aussi en garde contre la mauvaise humeur du fils aîné, jaloux de la générosité de son père à l’égard du cadet…
 
Christophe Geffroy