18 juillet 2007





La revanche intégriste
18 juillet 2007 - Renaud Guiliani - clicanoo.com
À partir du 14 septembre prochain, les catholiques attachés au rite tridentin pourront légitimement réclamer des célébrations telles qu’elles étaient pratiquées avant le concile Vatican II. Ce décret du pape Benoît XVI pourrait conduire la centaine de traditionalistes de La Réunion à sortir de l’ombre. Ou à se taire définitivement.
Par son motu proprio summorum pontificum, le pape Benoît XVI rétablit dans ses droits la messe tridentine. Le décret pontifical affirme clairement que n’a jamais été abrogé le missel romain qu’avait porté son prédécesseur Saint Pie V, en 1570. Promulguée la semaine dernière et applicable partout dans le monde dans un peu moins de deux mois, soit à partir du 14 septembre prochain, cette décision a commencé - et n’a sans doute pas fini - de bousculer bon nombre de croyants.
LE SPECTRE DE MGR LEFEBVRE
Le décret est accueilli favorablement par la plupart des catholiques traditionalistes mais embarrasse l’épiscopat français. Les premiers se satisfont du retour du latin qu’ils croyaient définitivement perdu pour la liturgie. À l’inverse, les évêques et bon nombre de curés, même s’ils ne peuvent évidemment pas s’opposer à leur hiérarchie, semblent gênés à l’idée de devoir répondre aux demandes des tenants de ceux qui se sont toujours opposés au concile Vatican II. D’abord parce qu’il n’y a pas dans tous les diocèses des prêtres latinistes, la plupart des séminaires ont cessé d’en former, et ensuite, parce qu’il va falloir imposer la réconciliation entre la majorité des fidèles et la minorité stigmatisée pour son intégrisme. Sans compter que des années durant, la conférence épiscopale française a mis l’accent sur le caractère schismatique des choix de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, fondée par Mgr Marcel Lefebvre, fer de lance des adeptes du rite tridentin. Ces derniers sont une grosse centaine à La Réunion et jusqu’à maintenant, ils se cachaient pour participer à des offices célébrés à leur convenance. En pratique, les catholiques traditionalistes réunionnais, comme leurs homologues des pays de la région, ont coutume de convier des prêtres formés à l’ancienne liturgie et ce sont eux qui célèbrent la messe tridentine dans des lieux de culte mis à la disposition de cette communauté qui se veut très discrète. L’un de ses membres, Jehan de Villèle, 75 ans, refuse de cacher son attachement à la tradition. Après avoir été le représentant du mouvement Credo et l’animateur d’une chorale qui, une fois par mois, redonnait vie à des chants grégoriens dans une église de Saint-Denis, il se réjouit aujourd’hui du geste de réconciliation effectué par le souverain pontife. “Benoît XVI reconnaît enfin ce que nous sommes nombreux à regretter depuis l’entrée en vigueur du concile Vatican II, à savoir que certains prêtres s’en sont saisi pour transformer les églises en salles de bal, en y faisant entrer toutes sortes de folklores, avec tambours et accordéons. Le rite tridentin à l’inverse ne se limite pas à l’usage de la langue latine. Cette liturgie, plus respectueuse du sacré, exprime une solennité qui n’existe quasiment plus ailleurs. Avant l’adoption du latin qui a unifié les différents rituels, la messe était célébrée en grec. Le frein de la langue est un mauvais prétexte ayant conduit à des dérives démagogiques comme par exemple, l’usage du créole par certains prêtres à La Réunion alors qu’ici tout le monde comprend et parle le français”, affirme celui qui continue de s’opposer à la promotion de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux, telle que l’affirme la conférence épiscopale de France depuis plus de trente ans.
“DE LA PLACE POUR TOUT LE MONDE”
Monseigneur Gilbert Aubry, évêque de La Réunion, se veut évidemment beaucoup plus mesuré que les intégristes. “Contrairement à l’opinion répandue, indique-t-il, on ne doit pas parler d’un retour du latin à l’encontre du français ou d’une autre langue. Avant la promulgation du motu proprio de Benoît XVI il y avait déjà la possibilité pour l’Église catholique de célébrer la messe en latin... à certaines conditions. C’est le missel de Paul VI qui reste la référence pour l’expression ordinaire, habituelle, du missel romain de l’Église catholique. Ce missel de Paul VI reste la base pour la traduction en français du missel romain, traduction approuvée par Rome pour tous les pays francophones.” “Je partage la démarche de Benoît XVI qui, en promulguant son motu proprio, veut œuvrer à l’unité au sein de l’Église catholique. Il essaie de rapprocher les “traditionalistes” de l’ensemble de l’Église qui célèbre la messe dans toutes les langues du monde. Le motu proprio précise que c’est “là où il existe de façon stable un groupe de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure” qu’il devient possible pour ce “groupe de fidèles” de participer à une messe en latin selon le missel romain de 1962. “À La Réunion, à ma connaissance, il n’y a pas de groupe constitué de façon stable pour la messe en latin selon le missel romain de 1962. Ces dernières années, quelques familles et leurs amis m’ont demandé de célébrer selon cette expression liturgique. Je leur ai déjà donné la permission en relation avec quelques prêtres de passage. À condition de citer les noms du pape et de l’évêque du lieu. Je suis toujours ouvert à l’accueil, mais je ne pense pas que, à La Réunion, il soit opportun de constituer une paroisse ou de réserver une église où on ne célébrerait qu’en latin selon le missel de 1962”, déclare l’évêque de La Réunion. Ce qui revient à demander aux traditionalistes de sortir de l’ombre ou de se taire définitivement. Et de conclure : “ Dans l’Église, il y a place pour tout le monde et tous, selon nos sensibilités différentes, nous devons être attachés à tout l’enseignement du concile Vatican II.”
Renaud Guiliani