13 juin 2007





La messe en place libre
La Semaine du Pays Basque n° 718 du 7 au 13 juin 2007 - Mis en ligne par laportelatine.org
Biriatou. L'évêque refusant l'église au jeune prêtre du village ordonné à Ecône, David dira sa première messe sur la place libre de Biriatou (La Semaine du Pays Basque - Dominique Mariau)
Le 29 juin, David Aldalur sera ordonné prêtre à Ecône au sein de la Fraternité Saint-Pie X, où il aura effectué la fin de ses études de théologie (Bac + 5). Ordonné en Suisse, un basque de Biriatou, dont le père est né à Irun et la mère en Bretagne, a forcément un projet immédiat : dire la messe pour ses amis, devant sa famille, ses copains d'enfance, ses copains de jeux, ses condisciples. De la commune de Biriatou en passant par le Sacré Coeur d'Hendaye, du conservatoire de Xistu au groupe folklorique Luixa où il fut un as du fandango, trustant les récompenses avec sa cavalière, sans oublier les frontons où il se distinguait, David, né en 1983, s'est forgé une solide identité basqye avant d'aller décrocher sàon Bac à Carcassonne : "J'ai introduit la pelote basque dans la citadelle" dit-il non sans humour. Et en plus c'est vrai !
N'empêche que ce gamin ouvert et sportif a été touché par la vocation dès l'âge de huit ans. Il sait ce qu'il veut : il sera prêtre, c'est le but naturel, le sens de sa vie. Après Carcassonne, une année à Dijon et il part à Ecône, près de Sion, rejoindre la Fraternité Saint-Pie X, pour ses cinq ans de doctorat: " deux ans de philo, trois ans de théologie, avec les sciences morales, le droit canon, la vie pastorale".
Cinq années d'étude basées à priori sur le programme antérieur au concile Vatican II. "De fait on travaille sur ce qui existait avant les changements, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'adaptation. moi, ce qui m'a choqué, c'est de voir que l'on jetait les fondamentaux aux orties. c'est comme si l'Eglise n'avait pas existé avant 1960 ! En outre, ça s'est passé très brutalement en France, d'où les polémiques qui ont surgi. En Espagne et en Italie, par exemple, il y a eu des évolutions, mais cela s'est passé en douceur".
Oui à Quimper. Non à Bayonne.
Ces considérations étant posées, le jeune homme, nous l'avons dit, entend bien donner la primeur des ses offices à ceux qui l'ont encouragé et aidé. Il a donc programmé une messe à Biriatou, et une autre en Bretagne. Et c'est là que le problème est arrivé. Si les ecclésiastiques locaux étaient d'accord pour prêter l'église de Biriatou, l'évêque de Mayonne, Mgr Pierre Molères, a dit non. Et il a donné trois raisons à David et à sa famille :
1 - Iil s'agit d'une requête sentimentale.
2 - Il aurait été conditionné par [son] milieu social.
3 - Il refuse que l'évêque concélèbre cette messe.
Ce refus mis à part, ce n'est pas la guerre, Mgr Molères a accordé une audience à David, et un peu plus tard à ses parents. Mais il n'a pas pour autant ouvert les portes de l'église. Par contre, l'évêque de Quimper saisi de la même demande par David a dit qu'il pouvait dire une messe où il le souhaitait dans son diocèse. En résumé, les recommandations du Vatican sont assez souples pour que chaque prélat interprète comme sa conscience le lui dicte.
Cette rebufade n'a pas entamé, bien au contraire, la foi de David et de sa famille. Mais le jeune garçon se pose des questions sur la situation actuelle de l'église catholique dans sa globalité : "tout le monde voit bien que les églises sont de moins en moins fréquentées, que le nombre de baptêmes est en diminution, que des séminaires ferment. Il serait peut-être temps de remettre les vraies priorités à l'ordre du jour. Les tenants d'un catholicismemoderne et ceux d'une version plus traditionnelle ont le droit d'exister, ce sont les croyants qui doivent y trouver leur compte, et il serait téméraire de mettre à l'écart ceux qui ont la fibre traditionnelle."
En place libre
Au Pays Basque, où, pendant des siècles, les curés ont été fustigés, voire traités de sorciers sous les rois de France et d'Espagne, et même sous les républiques, on a pris de la distance avec ce genre de vaine querelle. On préfère manier l'intelligence situationnelle. A Biriatou par exemple , on respectera les consignes de l'évêché. Le 8 juillet, lorsque David viendra célébrer la messe pour ses amis d'enfance, ses profs, ses maîtres de catéchisme et sa famille, les portes de l'église resteront closes. Mais la messe aura bien lieu...sur la place libre, au pied des marches qui mènent au sanctuaire. Le village fait corps derrière son enfant, et le maire a donné son feu vert. Une chapelle sera dressée au fronton, et ce sera pour les Biriatuar, gens de foi et grands pilotari , l'occasion d'unir deux éléments clefs de leur culture. On tendra un toit de toile si le temps est pluvieux, et comme on sera devant l'auberge, on pourra lever son verre à la santé du nouveau prêtre après l'office.
En somme, ce qui aurait pu ressembler à une brimade risque fort de s'achever en un excellent moment, où l'émotion, la joie et la chaleur des retrouvailles s'exprimeront dans un cadre unique et tellement bien adapté à l'événement ! N'empêche que David ne peut s'empêcher de glisser pudiquement : "quelque part, ça me fait mal." Il avait tellement rêvé de célébrer sa première dans l'église où il a été baptisé et où il a ressenti les premiers signes de sa vocation.