21 juillet 2007





La messe, désormais
21 juillet 2007 - Jean Madiran - Présent - leforumcatholique.org
La messe, désormais Grâce aux insolences (inconscientes ?) du P. Gouzes-Vidal, qu’il en soit remercié, et contre la tromperie dénonçant les fidèles de la messe traditionnelle comme dissimulant d’autres requêtes derrière leur réclamation de la messe, nous avons été incité à rappeler jeudi et vendredi que la messe n’est pas pour nous une monade isolée, sans portes ni fenêtres, sans rapport vital avec l’ensemble du comportement religieux. C’est très explicitement, très visiblement, très concrètement que notre réclamation ininterrompue depuis le 27 octobre 1972 rassemble en une seule formule trois réalités conjointes : – Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe.
Bien sûr cette formule n’est qu’un résumé, il se situe au niveau du petit catéchisme, qui est notre niveau naturel et préféré. Dans les diocèses, depuis quarante ans au moins, faute d’instruction religieuse des enfants baptisés, ceux-ci n’ont pu, comme disait l’abbé Berto, déployer les ailes de leur baptême, ce qui ne les a pas toujours empêchés de devenir curé, recteur ou évêque. L’actuelle crise néo-moderniste est au-dessous du niveau mental du petit catéchisme.
« Néo-moderniste » n’est peut-être pas la meilleure qualification de la crise post-conciliaire. Je ne l’emploie que par référence à Maritain déclarant dès le lendemain du concile que l’Eglise (c’est-à-dire ce qu’il appelait son « personnel », disons : clercs et laïcs) entrait dans un néo-modernisme auprès duquel le modernisme du temps de saint Pie X paraîtrait un modeste rhume des foins. Cette appréciation se comprend peut-être mieux si elle concerne non pas l’identité ni la profondeur de la dérive doctrinale, mais son extension. Le modernisme classique n’atteignait qu’une élite intellectuelle, le peuple chrétien n’en était même pas effleuré ; il ne mordait qu’un peu, et marginalement, sur la hiérarchie ecclésiastique. L’apostasie immanente ravage aujourd’hui l’ensemble de la population chrétienne, et souvent les membres de la hiérarchie demeurent incertains, hésitants ou hébétés devant la distinction sournoise entre le Christ historique et le Christ de la foi, et devant la tentation d’accorder une valeur plus symbolique que réelle à la Présence eucharistique, à la virginité perpétuelle de Marie, à Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme, deux natures et une seule personne, et à la damnation éternelle des non-repentis (etc.). C’est pourquoi d’ailleurs ils parlent plus volontiers de valeurs (supposées) que de réalités (naturelles et surnaturelles).
Le « courant » auquel « appartient » le P. Gouzes-Vidal est tourné vers la « prédication évangélique à l’homme d’aujourd’hui ». Courant dominant dans l’Eglise, c’est vrai, pour qui le souci de la prédication « évangélique » à l’homme « d’aujourd’hui » a remplacé le petit catéchisme, qui n‘était pas assez missionnaire à leur goût. Mais sans le petit catéchisme des enfants baptisés, les vocations religieuses, et notamment missionnaires, se tarissent dans les diocèses.
On aura compris, je l’espère, qu’en tout cela je ne veux aucun mal à la personne du P. Gouzes-Vidal. Tout le mal que je lui souhaite est de (ré)apprendre le petit catéchisme.
La messe traditionnelle, désormais, est en voie de retrouver sa place dans une Eglise profondément tourmentée. Elle l’aura reprise vraiment quand nos évêques, successeurs légitimes des apôtres, la célébreront non point parce qu’elle leur aura été imposée, mais de bon cœur, parce qu’ils se seront mis à l’aimer et qu’ils lui rendront spontanément sa primauté d’honneur.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6383 de Présent, du Samedi 21 juillet 2007