15 juillet 2007





Benoît XVI contre Paul VI ?
Juillet-août 2007 - par M. l’abbé Pierre Barrère - Editorial du n°190 du 'Saint-Anne" - laportelatine.org
" L'adoption du nouvel ordo Missae n'est certainement pas laissée à la libre décision des prêtres ou des fidèles…le nouvel ordo a été promulgué pour prendre la place de l'ancien. "
Paul VI discours au consistoire le 24 mai 1976 " Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l'édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé.. "
Motu Proprio 7 juillet 2007 Benoît XVI
1. Une importante victoire.
On peut dire que le combat pour la Messe mené par les traditionalistes est fondamentalement gagné. Gagné non pas seulement pour une Fraternité ou un Institut particulier ou une communauté plus ou moins restreinte de prêtres, de religieux ou de fidèles qu'un privilège papal bienveillant favoriserait subitement - Non. Dans ce motu proprio du 7 juillet 2007, il ne s'agit pas d'une exception sympathique accordée par le Souverain Pontife à quelques uns, mais tout prêtre est concerné et à travers lui tous les fidèles. Tout prêtre de l'Eglise catholique peut, s'il le veut, dire la messe Saint Pie V en toute légitimité, sans être en soi gêné par quiconque, notamment par son évêque malveillant. En fait le pape ne fait que dire sur ce point le droit de l'Eglise. Ce droit éclipsé, occulté ou ignoré depuis les années 70, ce droit est toujours valable réaffirme le Pape : c'est cela qui dans le document Summorum Pontificum est le plus important.
2. Un minimum de justice.
La plus haute autorité dans l'Eglise se devait d'accomplir ce geste de simple justice. Le Pape d'ailleurs explique aux évêques qu'il ne pouvait pas faire autrement : le rite ancien n'a été " jamais aboli " dit-il dans son premier article. Donc la conclusion s'impose d'elle-même : il est toujours utilisable par tous sans exception. Et le Pape le redit dans sa lettre aux évêques. « Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce Missel n'a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé ». L'argument est en lui-même imparable mais il prend plus de poids venant du chef de l'Eglise, car le concert d'opposition des conférences épiscopales semait depuis fort longtemps la confusion et le doute sur ce sujet et le Pape Paul VI luimême était le chef d'orchestre imperturbable. Ce qui veut dire, et nous en prenons note ici pour l'avenir, qu'il y a eu tromperie à prétendre pendant des décennies le contraire et il y a eu aussi manifestement abus d'autorité de la part des évêques quand ils ont interdit à leurs prêtres l'usage de ce bon droit « jamais abrogé ». Inutile de dire que nous sommes satisfaits (même si elle est bien tardive) de cette proclamation simplement juste avant d'être aussi - vue la situation actuelle - courageuse. Car il faut en être persuadé : ce n'est qu'avec un minimum d'honnêteté que l'on peut envisager de remettre les choses en place dans la Sainte Eglise et cela se fera complètement non pas par des combines mais en se résignant à déplaire à ceux qui ont tort, fussent-ils les plus nombreux. Autant dire qu'il faut se perfectionner de plus en plus dans la connaissance de la vérité catholique pour débusquer les sophismes et reconnaître les artisans d'erreur.
3. Un clerc pas très clair : le cardinal Castryon Hoyos
" Jamais abrogé " ce qui veut dire encore qu'ils ont été quelque peu floués ceux qui ont obtenu un indult, un privilège exclusif ou une exemption pour garder l'ancien rite sans faire, disaient-ils, aucune concession doctrinale. Ils ont vu dans ces actes du Saint Siège une bienveillance paternelle du Père commun des fidèles, soucieux de respecter leur sensibilité. Foin que tout cela ! On peut dire maintenant que la Rome conciliaire, avec le très habile Cardinal Castriyon Hoyos, leur a fait une belle farce mais maintenant la trappe se referme et ils sont dans le trou. Certes, comme tous les prêtres, ils ont l'usage de la liturgie 1962 mais le motu proprio leur fait accepter « la valeur et la sainteté du nouveau rite et le caractère contraignant du concile Vatican II ». C’est pour eux une concession doctrinale qui n’est pas petite. Remarquez, chers fidèles, qu'il faut comprendre aussi et replacer dans son contexte tous ces accords précipités et quelque peu étriqués des différents ralliés successifs (1988-2006) et, surtout, ne pas leur jeter la pierre avec mépris. C'est d'ailleurs une résolution que nous devons nous efforcer de tenir car ce ne serait ni charitable, ni parfaitement juste. Pourquoi ? Tout simplement parce que lorsqu'on est en position de faiblesse (et c'est forcément le cas des ralliés contre le Mammouth conciliaire qui dicte les conditions du jeu et distribue les cartes maquillées) on ne peut plus combattre au niveau des principes et de la doctrine : il faut nécessairement se contenter d'une lutte, disons, plus terre à terre et être très pragmatique, c'est-à-dire se contenter du satisfaisant pour soi et ne pas trop ouvrir la bouche sur les causes profondes des problèmes et des désordres. Aussi comprenons leur pénible situation, il ne faut pas croire qu'ils acceptent de grand coeur les mauvais principes mais ils ne peuvent pas les renier publiquement. De fait, ils ne peuvent plus se battre sauf d'une seule main. Si saint Paul dit qu'il faut utiliser les deux mains c'est-à-dire les armes défensives (protéger la foi avec le bouclier) et les offensives (attaquer les erreurs avec l'épée) eux ne peuvent plus dans leur situation donner des coups saillants avec toute l'ardeur de leurs forces. Nous sommes sûrs que certains du moins souffrent de cet handicap et qu'ils voudraient bien eux aussi ne pas être gênés ainsi aux entournures et pouvoir dénoncer avec vigueur les erreurs, dire hautement ce qu'ils croient, du genre :
a) la nouvelle messe est dépourvue de valeur de sainteté
b) le concile Vatican II n'a aucun caractère contraignant.
c) La nouvelle messe et le concile viennent de l'hérésie et aboutissent à l'hérésie même si tout ce qui est dedans n'est pas formellement hérétique.
Ils ne le peuvent pas encore et ils doivent juste se contenter de ne pas célébrer le nouveau rite sans rien dire de tout le mal qu'ils en pensent. Quel dommage de les voir privés du magnifique honneur de s'illustrer pleinement dans cette grande bataille pour la Sainte Eglise où nous trouvons tous dans la FSSPX « plus de joie à donner (des coups) qu'à en recevoir ». Vivement qu'ils soient délivrés de leurs chaînes avant qu'ils ne soient trop cabossés au point qu'on ne les reconnaisse plus ! A nous d'exciter chez eux une sainte jalousie et de leur rendre enfin une saine liberté. Car la crainte des sanctions canoniques n'est aujourd'hui qu'un épouvantail diabolique agité par ceux qui tiennent les manettes dans l’Eglise et destiné à paralyser les vrais défenseurs de la foi en blanchissant les hérétiques.
4. Paul VI s’est-il trompé ?
« numquam abrogatam » art.1, « Jamais abolie » essayons de mieux comprendre ce que cela signifie eu égard aux trente années écoulées. Cela veut dire que tous ceux qui n'ont pas accepté les réformes liturgiques introduites par Paul VI en 1970 ne sont pas condamnables parce qu'ils utilisaient une liturgie antérieure à ces réformes. Les conséquences sont énormes. Certes, Benoît XVI ne dit pas explicitement dans son texte que Mgr Lefebvre avait raison de s'opposer à Paul VI. Ce serait mentir que de vous faire croire cela et ce serait d'ailleurs très maladroit de sa part mais il dit, à ceux qui savent bien lire, que Mgr Lefebvre n'avait pas tort en gardant ce qu'il a gardé malgré les oppositions sévères de l'épiscopat et même de Paul VI, puisque ce qu'il gardait n'était en fait comme on vous le dit présentement « jamais aboli ». Ceci est très important et il faut encore en prendre note, car le Pape démontre par là que la désobéissance de l'ancien archevêque de Dakar et de nombreux prêtres n'était en définitive plus apparente que réelle. Là aussi nous sommes satisfaits mais il faudra un jour aller plus au bout des conclusions.
5. Ecône : séminaire de l’espoir.
Le motu proprio va encore donner des précisions intéressantes. De fait désormais on apprend que tout prêtre a le droit de dire la messe comme nous la disons, de donner les sacrements comme nous les donnons, d'utiliser le rituel comme nous l'utilisons et de réciter le bréviaire comme nous le récitons. Bref, les prêtres conciliaires ne seront ni exclus ni excommuniés s'ils font exactement ce que les prêtres de la Fraternité Saint Pie X font depuis la création du séminaire d'Ecône en 1970.
Aussi, à travers ce document on peut voir - avec il est vrai des yeux très bienveillants - non pas une invitation faite aux prêtres de la Fraternité de rejoindre l'Eglise conciliaire (le document ne s'adresse pas directement à la FSSPX) mais plutôt comme le début d'un mouvement inverse.
Expliquons-nous sommairement sur ce sujet. Mgr Lefebvre nous a toujours dit « la spiritualité de la Fraternité c'est la spiritualité de l'Eglise » et d'insister beaucoup par la suite sur ce qui est le coeur de l'Eglise : la Messe, le Saint Sacrifice, le Testament de Notre Seigneur.
Le motu proprio, est en fait comme une porte qui s'ouvre pour les prêtres de l'Eglise conciliaire de retrouver enfin le chemin vers la grande Eglise catholique, l'Eglise tout court et non pas l'Eglise conciliaire. Il est temps en effet, pour certains d'entre eux, de se rendre compte que l'Eglise ne commence pas à Vatican II (1962-1965) pas plus que l'histoire de France ne commence à la révolution de 1789. Il est important que les prêtres et les fidèles se trouvent en parfaite harmonie avec la foi de tous les Papes de l'histoire car c'est cela être catholique. Non seulement la langue latine joue un grand rôle pour unir au Siège de Rome les chrétiens dispersés dans le monde (et éloignés dans le passé) mais aussi la liturgie. La liturgie (missel, bréviaire, rituel, sacrements) est pleine de doctrine ou d'enseignement de la vraie foi. Retrouver cette liturgie, c'est immanquablement se rapprocher de la foi de la grande Eglise, celle de St Léon le Grand, de St Grégoire le Grand, de Saint Pie V, de Saint Pie X, de Pie XII pour ne citer que quelques Papes qui n'ont pas professé d'ambiguïtés, ni de contradictions.
Réjouissons nous donc de ce premier résultat important qui est le fruit de la persévérance des fidèles catholiques dans leur bon droit et des prières inlassables à Notre Dame.
6. Remerciements.
- Notre reconnaissance va d'abord à Saint Pie V qui par sa bulle Quo Primum du 19 juillet 1570 (à lire et à relire pour bien comprendre l'enjeu de toute la querelle liturgique avec les modernistes) a définitivement protégé le culte catholique en donnant un droit précis aux prêtres de célébrer la Sainte Messe contenue dans son missel et cela pour toujours et pour tous. Son texte visait certes à protéger les catholiques d'alors contre les erreurs liturgiques des protestants mais la destinée de cet écrit était vraiment prophétique car la nouvelle messe de Paul VI, concoctée avec l'aide des luthériens et autres sectes (6 pasteurs étaient présents : dûment photographiés), est évidemment infestée de l'esprit des hérétiques. A juste titre la messe romaine de Saint Pie V mérite ce beau nom de « messe de toujours » parce qu'elle vient des apôtres et doit continuer in perpetuum (à perpétuité) en toute légalité quels que soient les semblants d'interdit.
- Notre reconnaissance va aussi à tous ces prêtres qui ont gardé dans les années troubles de l'après concile Vatican II le missel de leur ordination. Les noms de l'abbé Coache, du R.P André avec son Association Noël Pinot sont les plus connus, mais ils sont beaucoup d'autres avec leurs fidèles. Conscients du bon droit que leur donnait les paroles sûres, puissantes et définitives de St Pie V, ils n'ont pas faibli un instant malgré les pressions et les sanctions de toutes sortes de leurs supérieurs et les incompréhensions de leurs amis.
- Mais c'est surtout inévitablement à Mgr Marcel Lefebvre que va notre gratitude principale. Il a été un précurseur clairvoyant en fondant ses séminaires. En effet pour pouvoir dire la messe de toujours, réciter l'ancien bréviaire en latin avec un minimum de piété, utiliser le rituel et distribuer les sacrements avec cohérence, il faut aussi une préparation ou une formation car cela ne s'improvise pas. Où va-t-on la trouver ? Aussi il n'est pas exagéré de dire que le motu proprio de Benoît XVI est une approbation implicite des Maisons dont le prototype est le séminaire d'Ecône : là aussi le Pape l'explique lorsqu'il dit aux évêques « l'usage de l'ancien Missel présuppose un minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ». Rappelons-nous aussi que Mgr Lefebvre a pris sur lui - sans broncher parce que sûr de sa bonne cause - les condamnations les plus lourdes en 1976 et en 1988 pour réaliser l'opération survie de ce qui n'était « jamais aboli » nous dit-on maintenant. La reconnaissance de l'invalidité de ces peines canoniques qui pèsent sur nos évêques ne devrait plus poser de difficulté réelle et il suffit, encore une fois, de les examiner avec un regard simple et objectif, un regard qui n'est pas encombré par une idéologie néfaste, pour aboutir aux conclusions qui s'imposeront de toutes façons tôt ou tard.
7. Le vrai problème : le modernisme.
Pour finir, nous savons que Benoît XVI est intimement touché par les erreurs modernistes : ses écrits, ses attitudes et beaucoup de faits ne permettent pas de se tromper en portant ce jugement que certains qualifieront de méchant et de négatif, surtout dans un tel moment. Nous n'y pouvons rien. C'est sur leurs paroles et leurs actes que l'on juge les personnages publics. Lorsqu'il dit dans sa lettre jointe au motu proprio pour justifier aux yeux des évêques la réhabilitation de la liturgie : « Je parle d'expérience. J'ai constaté combien les déformations arbitraires de la liturgie (à la limite du supportable) ont profondément blessé des personnes qui étaient totalement enracinées dans la foi de l'Eglise », il dit une chose profondément vraie mais en partie seulement. Quant à nous on est immédiatement tenté de rétorquer « medice cura te ipsum ! », « médecin guéris-toi toi-même ! » car beaucoup de choses venant du Cardinal Ratzinger et maintenant Benoît XVI ont blessé et continuent de blesser des personnes intégralement enracinées dans la foi de l'Eglise. Recevoir la bénédiction d'un rabbin, (1) prier dans une mosquée, avoir cautionné les actes de son prédécesseurs, surtout les réunions scandaleuses comme Assise (1986): ce sont là (et la liste n'est pas exhaustive) des actes graves qui dépassent de loin, pour reprendre l'expression du S. Pontife « la limite du supportable ». Or ces actes sont le résultat logique, on ne le sait que trop, des principes de Vatican II. Voilà pourquoi tout est loin d'être fini et de fait il y a quelques phrases malheureuses et certainement pas innocentes dans la lettre aux évêques, qui semblent marchander à une catégorie précise de traditionalistes - ceux qui n'ont pas encore brûlé un petit grain d'encens à l'idole du Concile - l'usage paisible du droit à l'ancien rite « jamais aboli ».
Donc notre cible est désormais là, le Concile : Il faut dégommer le Mammouth et gare à ceux qui s'abritent paisiblement sous son ombre parce que dans cet Hypermarché des religions, ils trouvent au rayonnage Jean XXIII de quoi satisfaire leur appétit liturgique.
8. La Vierge Marie victorieuse des hérésies.
Mais ne boudons pas notre bonheur, croyons à la puissance de la grâce par le Saint Sacrifice de la messe. Un grand pas a été fait dans la justification du bon combat de la foi de toujours. De nouvelles armes, tombées des mains des vaincus de cette mémorable bataille, vont être utilisées pour préparer de nouveaux triomphes. Les contradictions flagrantes des Papes conciliaires entre eux à trente ans d'intervalle ne sont possibles que parce que leur infaillibilité n'est pas engagée, même si leur détermination dans les orientations nouvelles, inconnues d'avant les années 1960 est redoutable. Le message de Fatima nous avait déjà averti qu'une crise de la Foi surviendrait à ce moment là. Tout se tient.
Un peu de bon sens et de lucidité ont réussi à pénétrer dans l'enceinte du Vatican. Ne nous étonnons pas outre mesure, malgré les erreurs qui foisonnent encore partout nous savons que Dieu n'abandonne pas son Eglise ( Elle n’a pas disparu comme le laissent entendre certains sédévacantistes) : les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre Elle.
Que la Mère de Dieu écrase de son pied virginal la tête du serpent moderniste ! Amen. (2)

(1) Cet acte ( 10 mai 2007) est souverainement grave car St Paul est formel : " Or c'est sans contredit l'inférieur qui est béni par le supérieur " Hébreux ch. 7, 7. Le Pape et, en sa personne, l'Eglise se fait l'inférieur de la Synagogue : c'est à nouveau l'humiliation du Christ par Caïphe.
(2) L'Eglise nous fait chanter dans sa liturgie: " Réjouissezvous, Vierge Marie, seule vous avez détruit toutes les hérésies dans le monde entier".