23 novembre 2006

Saint Eugène-Sainte Cécile à l'heure du bi-ritualisme
23 novembre 2006 - Sophie de Ravinel - lefigaro.fr
Dans cette paroisse parisienne, les deux communautés cohabitent difficilement.

CE DIMANCHE, l'assemblée entonne en choeur le chant d'entrée pour la messe de 9 h 30, célébrée en français par le curé de cette paroisse parisienne, qui préside face aux fidèles, vêtu d'une ample chasuble.
Deux heures plus tard, changement de décor : l'autel portatif a été retiré et ce même prêtre, vêtu d'or et de velours pourpre, célèbre en latin, dos aux fidèles silencieux qui prient au rythme du chant grégorien. Toute la matinée, l'encens s'est élevé dans l'église chatoyante à l'architecture exceptionnelle, inspirée du XIIIe siècle. Saint Eugène-Sainte Cécile, dans le IXe arrondissement, est la plus ancienne des deux paroisses parisiennes dans lesquelles sont célébrées les deux formes, ancienne et nouvelle, du même rite catholique romain. Un laboratoire ecclésial dont l'expérience pourrait servir si Benoît XVI devait libéraliser le rite tridentin. Depuis huit ans, un seul curé - le père François Potez - tente vaillamment d'unir les deux communautés, malgré « les coups reçus » d'une minorité de fidèles traditionalistes, les pétitions lancées ou les tracs sauvages.
Ancien officier de marine
Ce prêtre d'une cinquantaine d'années, ancien officier de marine doté d'une forte personnalité, estime que « le travail a été éprouvant mais passionnant ». « Les fidèles, explique-t-il, ont appris à se connaître et à s'apprécier, à ne plus avoir peur les uns des autres. » Pour favoriser encore l'unité, il suggère, à la suite de l'archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois, « que les deux communautés puissent bénéficier du même calendrier liturgique et du même lectionnaire ». Au détour d'un stand de la « journée d'amitié » paroissiale, Thierry, père de famille, note qu'avant le père Potez, « les deux communautés étaient totalement étrangères ». « Il a incité les fidèles à regarder la fin et non plus les moyens, note-t-il. Mais sur les questions contingentes, c'est encore bien fragile. » Une paroissienne ne mâche d'ailleurs pas ses mots au sujet des « tradis » qui « semblent parfois plus attachés à leur liturgie qu'au Christ et vivent dans leur microsociété, loin du monde qu'ils rejettent ». Et d'ajouter avec un geste expressif de la main : « Les tradis, j'en ai jusque-là ! »
Peu d'entre eux se sont d'ail­leurs déplacés pour ces journées. Président de l'Association des amis de Sainte-Cécile, « pour la promotion de la liturgie tridentine par le chant », Philippe Guy est remonté contre le père Potez. En cause ? L'autel majeur au fond de l'église, « l'un des seuls à Paris à ne pas avoir été retiré lors de la vague des années 1970 », explique cet ingénieur. Or, le curé a provoqué une levée de boucliers il y a quelques mois en voulant le déplacer pour réaménager le choeur et « disposer d'un autel unique sur lequel on pourrait célébrer des deux côtés ». « Énervé » par cette « tentative de toucher à (leur) rite », Philippe Guy menace d'envoyer « une supplique » à l'archevêque de Paris. Il rêve d'une église qui leur soit « entièrement dédiée » avec un curé « issu du monde traditionaliste ». Ces exigences commencent à lasser le père Potez, qui fustige « ces batailles d'opinion trop humaines destinées à faire triompher une vision de l'Église et du monde ».