15 décembre 2006

Les Pontonniers de la Nouvelle Religion
Décembre 2006 - Abbé Philippe François, FSSPX
Bulletin du prieuré Marie-Reine, décembre 2006


LES PONTONNIERS DE LA NOUVELLE RELIGION

ou la mission des ralliés vis-à-vis de la Tradition

ON SAIT QUE les sacres de 1988 sont à l’origine des communautés ralliées, appelées aussi communautés « Ecclesia Dei » : «Une commission [commission « Ecclesia Dei »] est instituée (...) dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes, des communautés religieuses et des individus, religieux ou religieuses, ayant eu jusqu’à présent des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre et qui désireraient rester unis au successeur de Pierre dans l’Eglise catholique en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques » (extrait du Motu proprio « Ecclesia Dei » de Jean-Paul II, 2 juillet 1988, qui annonce par ailleurs l’excommunication de Mgr Lefebvre, de Mgr de Castro-Mayer et des quatre évêques sacrés le 30juin 1988 à Ecône).

L’abbé Vincent Ribeton, nouveau supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pierre (FSSP), déclarait le 13 novembre 2006 sur le Forum Catholique dans la ligne du Motu proprio : il y a « le rôle de pont que doit jouer la FSSP vis-à-vis des prêtres et fidèles de la Fraternité Saint- Pie X ».

II ajoutait par ailleurs:

— « Je n’ai aucune hostilité envers la Fraternité Saint-Pie X. J’y compte des amis prêtres et j’y connais des familles édifiantes. De plus, je n’oublie pas que nous devons être pour eux un pont, nous devons leur montrer par notre attitude, par la liberté qui nous est donnée, qu’ils peuvent avoir confiance et faire le pas de la réconciliation avec Rome. (..) Heureusement, le pontificat de Benoît XVI nous donne de grandes espérances. » LE PONT DE LA BEREZINA

Quant à « la liberté qui est don née à la FSSP » par Rome et les évêques, le pont de M. l’abbé Ribeton fait penser, en cet automne 2006, à celui de la Bérézina pour les troupes napoléoniennes lors de la retraite de Russie: retrait par le cardinal Barbarin de la paroisse Saint-Georges à Lyon, fermeture, toujours à Lyon Francheville, de la Maison Saint Padre-Pio (année préparatoire au séminaire de Wigratzbad), passage au clergé diocésain de trois de ses prêtres lyonnais. A Versailles, N.-D. des Armées sera aussi retirée à la FSSP fin décembre par le maire, en accord avec l’évêque du lieu. Faute de place, nous ne pouvons énumérer ici tout ce que d’autres évêques viennent d’entreprendre contre les ralliés de leurs diocèses. Si nous élargissons au Barroux, Mgr Perl, secrétaire de la commission Ecclesia Dei, a fait récemment tout exprès le voyage depuis Rome pour venir réprimander les pères de la communauté hostiles à la célébration de la nouvelle messe, célébration souhaitée par une bonne partie des prêtres du monastère.
LE PONT D’AVIGNON

Quant à l’attitude de la FSSP qui doit nous inspirer confiance pour nous rapprocher des autorités romaines, nous nous limiterons à deux faits:

— sur l’oecuménisme : lorsque la Fraternité Saint-Pie X a publié en 2004 une étude de 45 p. intitulée « De l’oecuménisme à l’apostasie silencieuse », cosignée par nos quatre évêques, le district de France de la FSSP y a répondu par une critique de 100 p. dans sa revue « Tu es Petrus » ( n°96 - 97), justifiant les 25 ans d’oecuménisme de Jean-Paul II, y compris Assise.

— sur la nouvelle messe: dans ce même entretien du Forum Catholique (13.II.2006), M. l’abbé Ribeton déclare: « Je ne crois pas que célébrer la messe selon le nouvel ordo puisse en soi constituer un désordre moral objectif. (...) Compte tenu également du rôle de pont que doit jouer la FSSP vis-à-vis des prêtres et fidèles de la Fraternité Saint-Pie X, il me semble que les prêtres de la FSSP sont fondés à ne célébrer que le rite tridentin (…) Ceci étant dit, c’est à chaque prêtre de se déterminer de façon prudente » (pour célébrer ou non la nouvelle messe).

Ici, le pontonnier nous invite à le suivre sur le pont d’Avignon pour y danser le menuet du bi-ritualisme (situation des prêtres qui célèbrent la messe de toujours mais aussi la nouvelle messe) ou le quadrille de l’oecuménisme. Compte tenu de l’architecture particulière du célèbre pont, il est à craindre que ses efforts, si touchants au demeurant, ne tombent à l’eau.
LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ

M. l’abbé Ribeton veut finalement persuader prêtres et fidèles de la Tradition « qu’ils peuvent avoir confiance et faire le pas de la réconciliation avec Rome (...). Heureusement, précise-t-il, le pontificat de Benoît XVI nous donne de grandes espérances.

Le 8 septembre dernier, Mgr Fellay nous disait à Ecône: « Tant que la nouvelle messe et Vatican II restent la norme, un accord est un suicide ». En fait de confiance, on peut dire qu’elle n’a jamais été aussi mince de notre côté vis-à-vis des autorités romaines, notamment à cause de la volonté arrêtée de Benoît XVI de continuer à appliquer le Concile quant à la liberté religieuse, l’oecuménisme et la collégialité. Ses dix-huit mois de pontificat le montrent clairement, à moins de nier l’évidence.

Finalement, les choses étant ce qu’elles sont au Vatican, « le pas de la réconciliation avec Rome » évoquerait plutôt une apothéose façon film amé ricain à grand spectacle comme « Le Pont de la Rivière Kwaï », pour ne pas quitter la charitable image du pont que les ralliés nous construisent depuis seize ans à la sueur de leur front dans la jungle conciliaire - et ça n’est pas drôle tous les jours, croyez- moi.

Jeunes ou moins jeunes, nous avons tous regarde cela : le jour de l’inauguration, richement pavoisé et sifflant à travers la forêt tropicale, le train du ralliement approche, s’engage sur le pont stratégique et ... boum !...en un instant, tout sombre au fond de la rivière Kwaï !
Que Saint Pie X et Monseigneur Lefebvre, continuent à veiller sur leur Fraternité, fondée pour la véritable restauration du sacerdoce catholique, sans lequel il ne pourra y avoir de renouveau dans la Sainte Eglise Romaine!

Abbé Philippe François