5 novembre 2006




Le cardinal Ricard rassure les évêques
05 novembre 2006 - Nicolas Senèze - La Croix - la-croix.com
Ouvrant samedi 4 novembre l'Assemblée d’automne des évêques, le cardinal Ricard a assuré à ses collègues qu’il n'était pas question de revenir sur le Concile «Non, l’Église ne change pas de cap » : dès son discours d’ouverture de l’Assemblée d’automne de l’épiscopat samedi 4 novembre à Lourdes, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France, a voulu rassurer des catholiques français troublés par l’éventualité d’un retour de la messe tridentine.
« La décision de libéraliser pour les prêtres la possibilité de dire la messe selon le missel de 1962 n’a pas encore été prise. Le motu proprio annoncé n’a pas été signé », a annoncé le cardinal qui a rencontré Benoît XVI il y a une dizaine de jours. Selon le président de la Conférence épiscopale, l’heure est encore à la consultation : « Nous pouvons faire part, dès maintenant, de nos craintes et de nos souhaits », a-t-il signalé à ses collègues.
Le cardinal Ricard a surtout voulu mettre en garde contre une fausse lecture de ce projet qui, a-t-il assuré, « ne s’inscrit pas dans une volonté de critiquer le missel dit “de Paul VI” ni de procéder à une réforme de la réforme liturgique ». Ce qui guide le pape, explique l’archevêque de Bordeaux, c’est d’abord « de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin au schisme lefebvriste ». Pas question donc de « revenir sur le cap que le concile Vatican II a donné à l’Église » ! Et le cardinal Ricard de rappeler les paroles de Benoît XVI, au lendemain de son élection affirmant sa « très ferme volonté de poursuivre la tâche de la mise en œuvre du Concile ».
Un "déficit de fraternité"
Dans ce discours où il a fait part de sa conviction « qu’il ne faut pas être habité aujourd’hui par la crainte et la peur », le cardinal Ricard s’est donc voulu rassurant. Rassurant pour l’Église comme pour la société, aux inquiétudes de laquelle il a également consacré un très long développement en cette période préélectorale.
« Nous constatons une défiance vis-à-vis de l’avenir, a-t-il regretté. Pourquoi s’engager si on est marqué par le fatalisme, si on croit que rien ne changera vraiment, si on pense que le divorce, le chômage et la pauvreté sont des réalités contre lesquelles il est inutile de lutter ? » Dans la lignée de « Qu’as-tu fait de ton frère ? », le message du Conseil permanent de l’épiscopat publié il y a quelques semaines, l’archevêque de Bordeaux a mis en cause le « déficit de fraternité » de notre société et rappelé les chantiers retenus par l’épiscopat en la matière : famille, travail et emploi, mondialisation et immigration.
En insistant particulièrement sur le premier point, le cardinal Ricard a voulu souligner que « la famille est un des lieux majeurs où peut grandir la confiance ». Le président de la Conférence épiscopale s’est surtout défendu de vouloir promouvoir « une image passéiste de la famille ». « Nous tirons la sonnette d’alarme à partir de notre expérience de pasteur », a-t-il relevé.
Mais le discours de l’Église catholique en la matière est-il audible ? Rien n’est moins sûr, comme l’a démontré la matinée de travail de samedi consacrée aux «Trois différences de la vie sociale : homme/femme, père/mère, frère/sœur» – un des trois groupes de travail lancés l’année dernière par les évêques.
"Une crise de la masculinité"
Ce premier temps de travail de l’Assemblée sur le sujet a été marqué par la très dense intervention du psychanalyste Jacques Arènes (lire ci-dessus) sur les théories du genre, un mouvement de pensée anglo-saxon qui explique notamment que la différence sexuelle ne serait que d’ordre culturelle. Très soutenues par les milieux homosexuels, ces théories, qui s’opposent frontalement à l’anthropologie judéo-chrétienne, refusent « l’hétéro centrisme », c’est-à-dire l’hétérosexualité comme fondement de la sexualité, et usent fréquemment d’un discours victimaire. « Je suis frappé par le refus de certains d’accepter ce qui est un donné biologique, parental ou culturel, par ces sujets qui ne se pensent qu’en terme d’autoconstruction et pour qui tout ce qui vient du passé n’a aucune valeur », a relevé Mgr Bruguès après cet exposé, soulignant toute la difficulté de l’Église catholique à avoir un discours positif en la matière. « Comment dire aujourd’hui que l’homosexualité est un drame ? », s’est interrogé le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. « Donnez-nous du “biscuit” là-dessus », a-t-il demandé à Jacques Arènes.
« Si les questions homosexuelles sont si présentes, eu égard à l’importance numérique des personnes homosexuelles, c’est à mon avis à cause d’une crise de la masculinité et de la transmission à laquelle il faut répondre », a répondu le psychanalyste, invitant les évêques à s’engager dans cette voie tandis que Mgr Bruguès a incité ses collègues à ce que la réflexion se poursuive non seulement avec le monde de la psychologie mais aussi avec les politiques.
Nicolas SENÈZE, à Lourdes