12 mars 2009

Dos à dos
12 mars 2009 - Nicolas Senèze - vatican-integristes.blogs.la-croix.com
D’un côté les intégristes, un groupe « à la dérive loin de l’Église », comprenant « différents éléments déformés et malades », dont Benoît XVI relève la « suffisance », la « présomption », la « fixation sur des unilatéralismes » et dont il rappelle à deux reprises que prêtres et évêques « n’exercent de façon légitime aucun ministère dans l’Église »…

De l’autre, un certain nombre de catholiques aux propos pleins d’« amertume », « d’une véhémence telle qu’on n’en avait plus connue depuis très longtemps », qui « accusaient ouvertement le pape de vouloir revenir en arrière, au temps d’avant le Concile » et ont cherché à l’« offenser avec une hostilité prête à se manifester », usant « d’une liberté mal interprétée ».

Vraiment, ce pape qui a choisi comme devise « Coopérateurs de la Vérité » n’y va pas par quatre chemins quand il s’agit de dire clairement les choses. Et pour renvoyer dos à dos les deux extrêmes dont il craint, depuis le début, que le combat ne déchire définitivement l’Église.

C’est déjà ce qu’il disait dans son discours du 22 décembre 2005 à la Curie romaine. Sur un ton plus théologique et moins blessé que dans sa lettre aux évêques, il se refusait à envisager le concile Vatican II comme une « rupture » dans l’Église.

« A certains de ceux qui se proclament comme les grands défenseurs du Concile », celui qui y fut un jeune et brillant expert souligne que l’Église n’a pas commencé en 1962. « Vatican II renferme l’entière histoire doctrinale de l’Église, insiste-t-il. Celui qui veut obéir au Concile doit accepter la foi professée au cours des siècles et il ne peut couper les racines dont l’arbre vit. »

Aux intégristes de la Fraternité Saint-Pie-X, il rappelle qu’« on ne peut geler l’autorité magistérielle de l’Église à l’année 1962 ». Surtout, pour Benoît XVI, il est « clair » que le problème qui persiste avec les intégristes demeure « l’acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des pape ». « Tant que ces questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a aucun statut dans l’Église », prévient Benoît XVI.

Tel va donc être l’enjeu des discussions doctrinales qui auront lieu sous l’égide de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à qui est désormais rattachée la Commission Ecclesia Dei (manière d’écarter le cardinal Castrillon Hoyos, discrètement sanctionné pour son attitude jugée complaisante envers les intégristes, au point d’avoir mis imprudemment le pape dans l’embarras).

Il ne faut pas oublier que, par le passé, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a déjà été responsable du « Dossier Lefebvre », avec le cardinal Seper, puis son successeur le cardinal Ratzinger. La première fois, Mgr Lefebvre avait très mal vécu la procédure (la même que pour tous ceux dont les écrits sont examinés par l’ex Saint-Office), qu’il avait comparé à « un véritable procès ». La deuxième fois avait abouti à l’accord du 5 mai 1988, dénoncé dès le lendemain par Mgr Lefebvre, qui refusait justement les « innovations du Concile ».

Cette fois encore les discussions seront difficiles. « L’Eglise traverse, en effet, une crise majeure qui ne pourra être résolue que par un retour intégral à la pureté de la foi », affirme Mgr Fellay dans le communiqué qui a suivi la publication de la lettre de Benoît XVI. On ne peut dire plus clairement que Fraternité Saint-Pie-X n’entend toujours pas accepter pleinement l’enseignement du Concile.

Il se trouve qu’au moment d’envoyer ce billet, l’auteur reçoit le livre L’Église, une communauté toujours en chemin (Bayard), traduction d’un livre publié en 1991 par le cardinal Joseph Ratzinger. Le futur pape s’y interroge sur la façon de « transformer » l’Église et de « la rendre meilleure », sans « tout briser ». C’est donc sur ce chemin, étroite et difficile ligne de crête entre les extrêmes, que Benoît XVI tâche aujourd’hui d’entraîner l’Église.
Nicolas Senèze