12 mars 2009

Benoît XVI à la peine face aux temps modernes
Les contempteurs de Benoît XVI se frottent les mains. Ils l'avaient annoncé dès son élection en 2005, ce Panzer Pape, comme ils aiment l'appeler, serait un réactionnaire. Son passé et ses écrits, selon eux, ne disaient rien de bon. Oubliant que son passage dans les Jeunesses hitlériennes était loin d'être spontané et que l'exégèse de sa réflexion ne pouvait se réduire au survol de quelques extraits de ses livres publiés dans la presse. Deux événements permettent de continuer dans le dénigrement, d'enfoncer le clou. L'affaire Williamson, du nom de cet évêque intégriste dont Benoït XVI a levé l'excommunication au moment même où celui-ci tenait des propos négationnistes. Et le drame vécu par cette petite brésilienne, violé par son beau-père, qui a avorté de jumeaux alors qu'elle était enceinte de quinze semaines. L'évêque de Récife a prononcé l'excommunication de la mère de la fillette et de l'équipe médicale. Aucun blâme, en revanche, contre le violeur. Le Vatican a justifié cette accablante décision. Ajoutant : " Il faut toujours protéger la vie ".
Déjà, il y avait eu l'épisode de Ratisbonne en 2005. Le discours du Pape, de très haute tenue, y avait été honteusement déformé. En affirmant que la foi ne doit pas s'imposer par la force, en s'inquiétant du dévoiement de l'islam par quelques dévots d'Allah, le Souverain Pontife faisait oeuvre de sagesse. L'analyse était pertinente, elle était celle d'un docte théologien. Il avait néanmoins dû préciser sa pensée face aux critiques.
Pour ce qui est de Williamson, le Pape a tardé à réagir. A trouver les mots justes pour expliquer qu'il condamne fermement le négationnisme, mais que son but est de rassembler l'Eglise, notamment en Europe. Noble cause à défendre. Difficile aussi à faire comprendre. Il le sait, il l'a écrit aujourd'hui dans un lettre adressée aux évêques du monde entier. "On a parfois l'impression que notre société a besoin d'un groupe (...) contre lequel on peut tranquillement se lancer avec haine", souligne-t-il à propos des intégristes. "Et si quelqu'un ose s'en approcher - dans le cas présent le pape - (...) il peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve", affirme-t-il. Bref, la théorie du bouc émissaire.
Il a cette phrase, étonnante de naïveté quand il se reproche de n'avoir pas "suivi avec attention les informations auxquelles on peut accéder sur Internet". Elle résume tout. La différence entre le temporel et le spirituel. Le Pape en butte aux temps modernes, à la civilisation de la communication. Sa personnalité, à mille lieues de celle de son prédécesseur, acteur engagé de l'actualité. Mais jusqu'à un certain point : Jean-Paul II fut autant embarrassé par le préservatif et la lutte contre le sida que Benoît XVI l'est aujourd'hui avec la tragédie de cette gamine brésilienne.
De l'avis de tous, Jean-Paul II fut un grand pape à défaut d'être un théologien de haut vol. Benoît XVI, c'est sans doute le contraire. A moins que le travail intense qu'il effectue en coulisses pour restaurer le dialogue entre les religions porte ses fruits. Il est allé en Turquie, il doit faire le voyage de Jérusalem dans quelques semaines...