12 septembre 2008

Accents rétro à la messe de samedi aux Invalides
12.09.08 - lemonde.fr
Accents rétro à la messe de samedi aux Invalides Quelque 250 000 fidèles sont attendus, samedi matin 13 septembre, sur l'esplanade des Invalides à Paris. Long de 80 mètres, le podium sur lequel aura lieu la messe du pape a été conçu par l'architecte Jean-Marie Dutilleul. L'esplanade va devenir, dit Jean-Yves Nahmias, évêque organisateur, "comme un espace liturgique comparable à une église, les allées convergeant vers l'autel". Un millier de prêtres, évêques et cardinaux célébreront la messe avec le pape.
Benoît XVI n'a jamais fait mystère de son goût pour la liturgie à l'ancienne et de son souhait de se réconcilier avec les catholiques traditionalistes. Aussi les spécialistes scruteront-ils tous les moindres détails de la cérémonie des Invalides. La messe sera célébrée, insiste la conférence épiscopale, selon le rite "ordinaire" : le rite moderne, dit de Paul VI (missel de 1969), de loin le plus courant.
Ce rite "ordinaire" est à distinguer du rite ancien dit "extraordinaire", dont Benoît XVI a facilité l'exercice dans un motu proprio (décret) de juillet 2007, qui a créé des polémiques dans une Eglise de France divisée par le schisme. Ce rite "extraordinaire" est le rite "tridentin" (du concile de Trente au XVIe siècle), avec messe en latin et dos de l'unique célébrant tourné au "peuple". En France, seuls 180 lieux de culte célèbrent dans ce rite ancien. Sa libéralisation par Benoît XVI n'a donc pas suscité l'engouement espéré par les "tradis", redouté par les modernistes.

CHANTS GRÉGORIENS

La messe pontificale des Invalides n'en aura pas moins des accents rétro. On y entendra des prières en latin et des chants grégoriens. Les fidèles auront surtout la surprise de voir le pape distribuer la communion par la bouche à des fidèles agenouillés sur un prie-Dieu, et non pas debout, et avec la main, comme cela se fait depuis quarante ans dans toutes les églises. Cette pratique ancienne de la communion est redevenue la norme à Rome pour ce pontife qui restaure des usages qui font frémir les catholiques modernistes.
Les ornements du pape aux Invalides seront richement décorés et brodés, le plus souvent dorés. La croix et les candélabres réglementaires seront placés au centre de l'autel, alors que, sous Jean Paul II, ils étaient de côté pour permettre la visibilité et faciliter la communication entre le pape célébrant et la foule. L'hebdomadaire La Vie révèle que Benoît XVI et ses principaux concélébrants porteront des chasubles venues de l'abbaye traditionaliste du Barroux (Vaucluse).
Le pape a rétabli à Rome le "trône" pontifical, renoncé au "bâton pastoral", ressorti les surplis en dentelles, des ornements et objets liturgiques (calices) datant du XIXe siècle. Il a remplacé le maître des cérémonies de Jean Paul II par Mgr Guido Marini, très orthodoxe en matière liturgique. Ces initiatives - à rebours de toute l'évolution enregistrée depuis Vatican II (1965) - contribuent au procès en régression et en archaïsme intenté à ce pape, qui aime les liturgies d'antan - celles de sa Bavière d'origine - et a toujours fait obstacle, en Allemagne et à Rome, aux "lubies" modernistes.
Les traditionalistes seront nombreux aux Invalides. La frange la plus dure du schisme, celle de la Fraternité Saint Pie X, a publié le 8 septembre un communiqué souhaitant la bienvenue au pape, "la lucidité et la force pour qu'il dénonce et extirpe les erreurs du concile qui sont à l'origine de la crise de l'Eglise".
Ces mots soulignent le fossé qui demeure entre Benoît XVI et ces intégristes. Si le pape est proche d'eux sur le plan liturgique, il n'ignore plus - après les camouflets qu'il a reçus de leur part - que le désaccord touche à des réformes du concile autrement plus cruciales : la reconnaissance de la liberté de religion, le dialogue oecuménique avec les autres Eglises, avec l'islam et le judaïsme, enfin l'ouverture au monde moderne.
Henri Tincq