17 octobre 2010

[Angelus - DICI] Entretien avec l’abbé Niklaus Pfluger : « Le retour à la Tradition est inéluctable »

SOURCE - The Angelus - version française: DICI - octobre 2010

Entretien avec l’abbé Niklaus Pfluger, 1er assistant général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, paru dans la revue du district des Etats-Unis, The Angelus (octobre 2010)


The Angelus : En tant que premier assistant du Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, vous avez l’occasion de voyager beaucoup. Comment se répartit votre emploi du temps entre vos déplacements et vos séjours à la Maison générale en Suisse ?

Abbé Niklaus Pfluger : En réalité, les deux assistants du Supérieur général se trouvent le plus souvent sur la route. Depuis le Chapitre général de 2006, il nous a fallu faire connaissance avec les prêtres, leurs prieurés et les différentes communautés dans le monde entier. Ces dernières années, nous nous sommes absentés de la Maison générale environ les deux tiers du temps. Par exemple, en 2008, l’abbé Alain-Marc Nély et moi, nous avons séjourné à Menzingen durant respectivement 111 et 112 jours.

Combien de retraites prêchez-vous par an ?

Entre six et huit retraites chaque année. En 2010, il y en aura même neuf. Quatre retraites ont eu lieu en Angleterre, au Canada, aux Etats-Unis et au Mexique. J’en prêcherai une autre en France pour une communauté de prêtres amie de la Fraternité. Les quatre restantes sont pour les religieuses : carmélites, bénédictines et oblates de la Fraternité.

Avez-vous le sentiment que la Fraternité Saint-Pie X se développe ?

En nombre, c’est certain. L’apostolat dans les écoles ainsi que les missions sont en croissance mondiale, et il faut y ajouter l’apostolat par les publications et par la catéchèse sur Internet. Dans certaines régions, le nombre de fidèles augmente : aux Etats-Unis, en France, en Italie, en Pologne, en Asie et en Afrique. Dans ces deux dernières, le nombre d’ordinations a même été au-dessus de la moyenne. En fin de compte, de nouvelles maisons sont ouvertes tous les ans, ce qui implique bien une augmentation de l’activité pastorale.

Une grande part de cet accroissement provient des familles, c’est-à-dire des enfants et des jeunes qui en sont issus. Egalement, depuis le Motu proprio Summorum Pontificum en 2007, de nombreux catholiques ont quitté le Novus Ordo pour la Tradition et la messe tridentine. Cette particularité m’a frappé aux Etats-Unis où j’ai pu visiter plusieurs chapelles, en août. Il y a aussi des prêtres isolés qui ont abandonné la célébration de la nouvelle messe pour travailler avec nous.

La désaffection qui résulte de la crise au sein de l’Eglise et de la société augmente chaque année. Il y a ainsi un plus grand champ d’action dans lequel la Fraternité peut œuvrer et, par conséquent, nous avons besoin d’un plus grand nombre de vocations sacerdotales et religieuses, surtout dans les pays de mission.

Et pensez-vous que le rayonnement de la Fraternité Saint-Pie X augmente de la même façon ?

C’est un aspect de notre développement tout à fait différent mais il est certain que l’influence de la Fraternité sur l’Eglise universelle augmente régulièrement. Et ce n’est pas seulement le cas de beaucoup de ces jeunes prêtres conservateurs qui ont commencé à célébrer la messe tridentine dans le monde entier. Pour eux, la Fraternité représente un espoir réel et une référence stable au sein du chaos théologique et pastoral actuel.

Les discussions théologiques avec Rome indiquent que, quelle qu’en soit la raison, nous sommes pris au sérieux par le pape. Il y a cinq ans, il aurait été impensable de mettre en question le Concile. Aujourd’hui, Rome fait marche arrière et tente de fournir une nouvelle interprétation dans le but de le sauver. Ce qui était incontesté dans le passé doit désormais être justifié : le Concile et ses prétendus fruits. C’est nouveau. Sans la Fraternité Saint-Pie X, c’était impensable jusqu’à récemment. La Fraternité a toujours été une pierre d’achoppement, mais désormais nous devons être pris au sérieux et il n’est plus possible de nous ignorer.

Les événements des derniers mois, et surtout de l’année passée en Europe, nous le démontrent. De temps en temps, certains évêques modernistes donnent l’impression qu’ils nous haïssent, nous et la Tradition. Cela veut dire que l’on doit leur faire peur. Que parfois les médias nous attaquent violemment – je pense à l’émission télévisée « Les Infiltrés » en France ou à la campagne de presse de 2009 – montre qu’ils ne peuvent plus ignorer la Tradition, qu’ils sont plutôt obligés de nous prendre au sérieux.

Enfin, bien qu’on n’en parle pas d’habitude, il y a beaucoup de membres de la Fraternité autour du monde, des religieux et des laïcs, qui avancent avec la grâce de Dieu dans la voie de la sainteté. C’est là un présent particulier de Dieu à notre époque.

Quelles sont les tâches les plus difficiles pour la Fraternité Saint-Pie X ?

La persévérance. Maintenir l’esprit de force et de persévérance. Les menaces principales ne proviennent pas de l’extérieur mais de nous-mêmes. La crise continue et elle devient plus violente. Il y a un effet d’usure. Il en résulte un double risque : vous perdez du courage et de l’espoir, la résignation et le défaitisme s’installent, les gens perdent leur élan et leur motivation et aussi peut-être la ferveur des premiers temps. En conséquence, vous entendez parfois s’exprimer des sentiments tels que : « Vous ne pouvez rien faire ».

Ou, ce qui est encore pire, vous essayez d’ajuster la vérité et de l’aligner ; vous voulez faire la paix à tout prix et vous vous contentez de compromis. Il est donc important de prendre conscience de notre devoir – aussi bien les laïcs que les prêtres –, et il est nécessaire que nous redécouvrions l’enthousiasme et l’esprit de foi des débuts de la Fraternité et de son fondateur. Nous sommes une œuvre d’Eglise ! Nous ne sommes pas seulement en train de sauver la messe et la foi pour nous-mêmes, nous avons une tâche dans l’Eglise et pour l’Eglise. Nous sommes missionnaires ; la situation critique de l’Eglise et des âmes ne peut pas nous laisser indifférents.

Certains soupçonnent la Fraternité Saint-Pie X d’aller vers un compromis avec Rome. Savez- vous ce qui a pu entretenir une telle crainte ?

Ce sont des craintes sans aucun fondement. Ce sont surtout des plaintes provenant de personnes de l’extérieur qui pensent pouvoir juger des questions internes à la Fraternité.

Ces craintes ne proviennent pas d’un esprit de foi. Les auteurs de telles allégations – surtout des personnes proches des idées sédévacantistes – ne veulent pas admettre que quelque chose a changé. Ou bien alors, ils ont simplement une mauvaise vision de la solution à cette terrible crise de la foi. Ils pensent que l’Eglise moderne redeviendra catholique du jour au lendemain ; c’est l’illusion selon laquelle on s’endort moderniste et que l’on se réveille catholique. Comme si c’était si facile ! Le retour vers l’orthodoxie, une vraie réforme, est un chemin long et ardu. Il a fallu des décennies avant que les décrets du Concile de Trente soient appliqués dans une certaine mesure. Les régions qui se sont tournées vers l’arianisme, aussi bien en Orient qu’en Occident, ont mis un temps certain à redevenir catholiques.

Nous ne faisons pas de compromis. Mgr Fellay n’a ni plan, ni stratégie, ni politique secrète concernant les vérités de foi lorsqu’il traite avec Rome. Nous devons répondre à une nouvelle situation. Nous devons dire à cette « église conciliaire » : « Arrêtez ! Vous ne pouvez pas continuer ainsi. Il y a un grand problème au sein de l’Eglise. Le Concile est la raison de cette apostasie et non la solution à la crise ». Certains veulent se retirer dans une sorte de ghetto en attendant que la crise passe. C’est un signe de faiblesse de la foi, ce n’est pas la position catholique. Comme nous le dit Notre Seigneur dans son Sermon sur la montagne, la lumière doit être placée sur le chandelier et non cachée sous un boisseau.

En réalité, seule une petite minorité de prêtres et de fidèles a peur. La grande majorité a confiance dans les autorités de la Fraternité et du Supérieur général. Au début du mois de juillet, tous les supérieurs de la Fraternité se sont réunis à Ecône, pendant quelques jours. Grâce à Dieu, nous avons eu la joie de constater notre unité profonde sur les questions essentielles, ce qui n’est pas si facile dans les moments troubles que nous vivons.

On accuse souvent la Fraternité Saint-Pie X d’être « fondamentaliste ». Que répondez-vous à cela ?

Le problème n’est pas le fondamentalisme en lui-même, mais plutôt de quelle source il tire ses principes et dans quelle direction il va. Un musulman fondamentaliste est, bien entendu, un problème puisque nous devons craindre des actes terroristes. Un chrétien fondamentaliste n’est pas, en lui-même, un problème car notre religion est une religion d’amour.

Alors, si nous sommes traités de « fondamentalistes », cela veut dire que le monde moderne, c’est-à-dire le libéralisme, s’est détourné de Dieu et qu’il trouve ses principes et ses valeurs en lui-même. C’est principalement pour cette raison que le monde se détourne de la chrétienté, qu’il la combat ou – au mieux – ne la comprend pas. Il appelle « fondamentaliste » ce qui est simplement fondamental et radical.

Lorsqu’un chrétien quitte son fondement radical, qui est le Christ, il ne devient pas comme un fondamentaliste musulman, mais plutôt comme le sel qui a perdu sa saveur. Nombre de catholiques modernes sont le meilleur exemple de cette « chrétienté qui a perdu ses principes ». Le monde d’aujourd’hui n’a nul besoin de les combattre et ils ne seront pas persécutés. Ils se détachent de leur foi comme les feuilles mortes tombent de l’arbre. C’est tout le contraire de ces chrétiens missionnaires et convaincus qui font la fierté de l’Eglise. Nous les appelons martyrs, car ils ont témoigné de leur foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Quelle est la meilleure façon pour la Fraternité de réagir dans un monde hostile à la foi catholique?

Le Christ lui-même nous l’enseigne : « Vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde ». Il y a une tension, mais cette tension est aussi la solution. Les Apôtres l’ont compris. Parce que leur foi était encore faible, ils n’ont pas été capables de supporter la haine du monde contre leur Maître, sa Passion et sa Croix. Par peur des Juifs, ils se sont enfermés à double tour. Mais après Pâques et la Pentecôte, leur foi en Notre Seigneur était inébranlable ; ils sont allés vers le monde et Pierre, le premier pape, a converti 3.000 Juifs et païens lors d’un seul sermon. Saint Jean résume cette expérience de la foi capable de déplacer des montagnes par cette sentence : « Tout ce qui est né de Dieu surmonte le monde. Et ce qui nous fait remporter la victoire sur le monde, c’est notre foi ».

La Fraternité Saint-Pie X doit faire ce que l’Eglise a toujours fait jusqu’au Concile Vatican II : aller dans le monde entier, prêcher et baptiser. De surcroît, nous ne devons craindre ni le monde, ni les juifs, ni les médias. Sodome et Gomorrhe ne sont pas une invention du lobby homosexuel du XXe siècle, nous les retrouvons dans l’Ancien Testament. Vous croyez réellement que les temps étaient plus faciles il y a 2000 ans ? Dieu n’a pas sauvé le monde avec les ressources du monde, mais avec une mangeoire et une croix. Saint Benoît n’a pas incendié Rome, mais il a renouvelé le monde chrétien avec sa devise Ora et labora. C’est une sottise que de vouloir convertir le monde avec l’intelligence humaine, ses astuces et ses arguments rusés. Nous devons enfin comprendre – et croire ! – qu’il n’existe pas d’autres moyens pour sauver ce monde maléfique, rempli de vices et de mensonges, que la foi en Jésus-Christ. C’est là notre force ! Et si nous ne sommes pas assez forts, c’est que notre foi ne l’est pas assez !

Voyez-vous des signes qui indiqueraient que Rome cherche une sorte de restauration ?

Que voulez-vous dire par « Rome » ? Le pape, la curie, les cardinaux, certains prélats ? C’est difficile à dire. Déjà, une distinction s’impose. Nous pouvons avoir un jugement de l’extérieur et nous voyons des signes évidents : la libéralisation de la messe tridentine, le retrait de ce décret d’excommunication de 1988 qui était ridicule, la volonté du pape de discuter des questions théologiques avec nous. Tout ceci n’est pas parfait, mais c’est là et c’est réel.

Même si vous essayez – et il ne faudrait jamais le faire – de présumer certaines intentions du pape, c’est ce qu’il a fait qui est évident. Les attaques contre Benoît XVI de la part des évêques, des médias et même de parlements, a révélé que le monde n’appréciait guère ces mesures. Même le document imparfait Dominus Jesus concernant l’unique Eglise a provoqué la colère des évêques œcuménistes d’Allemagne et de Suisse.

Disons plus encore, le pape a lancé un débat qui ne va plus s’arrêter. Même si les discussions théologiques devaient s’interrompre demain, même si une nouvelle excommunication contre la Tradition était prononcée, même si aucun résultat tangible n’émergeait, le retour à la Tradition est inéluctable au sein de l’Eglise. Les dégâts provoqués par ce Concile sont trop importants. C’est comme « le crépuscule des dieux » : prêtres et fidèles de bonne volonté qui veulent rester catholiques se rapprochent de plus en plus de la Tradition. Lentement, sans doute, et en petit nombre, mais sûrement. Les modernistes le savent et le monde aussi. C’est ce qui explique de telles attaques contre le pape et l’Eglise.

Comme vous avez pu l’apprendre par la presse, il y a beaucoup d’églises et de monastères en cours de démolition ou bien mis en vente. Est-ce une évolution positive du point de vue de la Fraternité Saint-Pie X ?

Non, certainement pas ! Tout affaiblissement ou déclin de la vie catholique est une mauvaise nouvelle et nous peine. Mais « si le grain de blé ne tombe en terre et ne meure… », nous vivons une telle époque. C’est la promesse d’un avenir nouveau et meilleur. A un moment l’Antéchrist achèvera son œuvre. Mais avant que cela ne se produise, le Cœur Immaculé de Marie triomphera.

Notre bonheur est plutôt de voir s’épanouir la chrétienté et se développer la vie catholique dans le monde d’aujourd’hui. Chaque prêtre qui découvre la messe traditionnelle, chaque retour à la vraie foi est un signe d’espoir. Un prêtre conciliaire aura peut-être de la peine en constatant que d’autres prêtres ont plus de succès, sont plus convaincants et apostoliques. Cela devrait être un encouragement, plutôt que de voir s’éteindre la mèche qui se consume au sein de la hiérarchie officielle de l’Eglise. Dans la parabole des ouvriers de la vigne, le Seigneur a condamné l’envie des ouvriers de la première heure qui n’ont pas su reconnaître le moment de la grâce. C’est un sérieux avertissement pour nous tous.

Les fidèles de la Fraternité aux Etats-Unis sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 10 ou 20 ans. Comment l’expliquez-vous ?

Non seulement leur nombre est plus élevé, mais il se développe plus vite. Le Supérieur du district des Etats-Unis, l’abbé Arnaud Rostand, qui est Européen, m’a dit il y a un certain temps qu’en Amérique, on trouve le même zèle et le même enthousiasme dans les milieux traditionalistes qu’en Europe dans les années 70 et au début des années 80. Et j’espère que nous allons pouvoir faire fructifier cet enthousiasme, cette générosité et cette loyauté des catholiques américains. Je pense à l’éveil de vocations de frères et de sœurs, à la formation de véritables paroisses et de prieurés, ainsi qu’à la consolidation des écoles. Il y a un grand potentiel sur le plan quantitatif et qualitatif. Globalement, c’est un accroissement très encourageant.

Pensez-vous que les gouvernements adopteront une attitude antireligieuse dans l’avenir ?

Une attitude antireligieuse et la persécution par l’Etat sont déjà d’actualité, c’est le pain quotidien du chrétien. Le cardinal de Cologne a déclaré récemment qu’aucune autre communauté religieuse n’est autant persécutée que les chrétiens dans le monde aujourd’hui. Les papes du Concile ont fait preuve d’une illusion naïve lorsqu’ils ont cru que le monde deviendrait plus doux et plus gentil, si l’Eglise s’y adaptait par l’aggiornamento. Comme dit le proverbe : « Donne un pouce au diable, il prendra un pied ». C’est exactement ce qui s’est passé.

Peut-être la haine croissante et le combat contre Dieu sont-ils les derniers sursauts de l’athéisme ? Mais dans tous les cas, l’Etat est dans l’incapacité de faire quoi que ce soit contre « la revanche de Dieu ». Depuis le 11 septembre 2001, Dieu est de nouveau à la mode aux Etats-Unis et la religion doit être prise au sérieux. En Europe, c’est également de plus en plus évident. Il y a quelques mois, un des journaux les plus libéraux d’Allemagne a écrit un article sur le sujet « Mon Dieu ! La religion revient ». Je cite le début du texte qui reflète bien cette incapacité de l’athéisme :

« De Karl Marx jusqu’à John Lennon, les prophètes de la Modernité étaient unanimes : la religion était condamnée. Alan Posener se demande pourquoi cela ne s’est pas produit. Quand John Lennon a dit en 1966 que les Beatles étaient plus populaires que Jésus, le public britannique a réagi par un haussement d’épaule. Cela semblait si évident que cela se passait de commentaire. Après tout, tous les prophètes des temps modernes considéraient que la religion était essentiellement de la superstition, ‘l’esprit d’une condition sans esprit’, selon Karl Marx. Sigmund Freud réfléchissait à ‘l’avenir d’une illusion’ et pensait qu’elle disparaîtrait en même temps que la répression sexuelle qu’elle engendrait. Bref, plus de modernité signifiait moins de religion.

« La chrétienté ne devait pas durer au delà du culte des Beatles, disait Lennon, elle allait bientôt ‘dépérir’. Et ce qui était vrai pour les chrétiens relativement éclairés, était encore plus valable, aux yeux de l’homme moderne, pour les musulmans passéistes et psychorigides. Puis, deux avions ont frappé le cœur de Manhattan et du fond de cette boule de feu, Oussama Ben Laden a proclamé la victoire d’Allah. La religion était de retour. Brusquement, les intellectuels devaient composer avec des concepts qu’ils avaient bannis dans les coins les plus obscurs des plus petites facultés : sunnisme et shiisme, charia, fatwa et jihad.

« L’Islam n’était pas le seul à revenir avec le 11 septembre. L’ennemi mortel d’Oussama à la Maison Blanche, le président George W. Bush était un chrétien born again. Il ouvrait chaque réunion du cercle de ses proches collaborateurs avec une prière… Au début du millénaire, il aurait été presque indécent qu’un intellectuel allemand confesse sa foi catholique. Cinq ans plus tard, tous s’accordaient pour dire que l’athéisme est ‘intellectuellement pauvre’, comme le soulignait l’écrivain catholique, Martin Mosebach, lançant ainsi une attaque contre le siècle des Lumières et traçant un fil rouge depuis la Révolution Français jusqu’à Himmler et l’Holocauste… »

Est-ce une coïncidence ou est-ce la conséquence de l’évolution de l’Eglise, si les évêques catholiques dans de nombreux pays ne se prononcent pas clairement sur des questions de loi naturelle tels que l’avortement, l’enseignement catholique sur la sexualité ?

Parfois ce manquement pourrait être, en effet, la conséquence d’une attitude moderniste : une nouvelle foi engendre une nouvelle moralité. Evidemment, nous le déplorons. Leur foi « éclairée et moderne » est si banale, fragile et ridicule. Ils suivent un Messie dont ils ne croient même pas qu’il est ressuscité des morts, que son tombeau est réellement vide et qu’il est le vrai Dieu ! Une vieille blague me revient à l’esprit : un jésuite appelle son Supérieur général et lui dit : « Ecoutez, nous avons trouvé le tombeau de Jésus et il n’est pas vide ». Un long silence s’ensuit. Finalement, le Supérieur général dit : « Vous voulez dire qu’il a vraiment existé ? » La foi moderne adaptée au monde est sans conviction et sans force. Mais il peut y avoir beaucoup d’autres évêques qui n’ont simplement pas le courage de proclamer la vérité. Le pouvoir des médias ainsi que la peur de l’opinion publique sont alors plus grands que la loyauté envers le Christ et l’amour de la vérité. Un critique connu de la période postconciliaire en Allemagne, le Professeur George May, a dit un jour que « l’épine dorsale de la plupart des évêques est comme la chambre à air d’une roue de vélo ». Il est vraiment urgent de prier pour le pape et l’Eglise !

Quel serait le moyen le plus efficace pour renforcer la crédibilité de l’Eglise catholique?

La foi vivante. L’Eglise ne regagnera sa crédibilité que si ses membres vivent de la foi. La foi n’est pas simplement un passe-temps ou un jeu intellectuel. C’est la vie, l’engagement, l’action. « Le Seigneur veut voir des œuvres », dit la grande sainte Thérèse d’Avila. L’arbre doit donner des fruits, sinon il est maudit. Une chrétienté sans œuvres, sans fruits et sans vertus n’est pas digne de ce nom. Saint Thomas d’Aquin explique très justement que le chrétien doit être la lumière du monde et que, pour y parvenir, il doit d’abord être le sel de la terre, ce qui veut dire qu’il doit acquérir des vertus et ensuite les appliquer concrètement. C’est une foi profonde et vivante ; une foi qui n’est pas seulement un patrimoine, un héritage, mais qui est couronnée par « l’amour missionnaire », comme l’a écrit Mgr Lefebvre.

(Source : The Angelus – Traduction française : DICI n°223 du 16/10/10)