2 février 2010

[Christophe Geffroy - La Nef] Je ne suis qu'un simple curé de campagne - Entretien avec l'abbé Francis Michel, curé de Thiberville

SOURCE - Christophe Geffroy - La Nef - Février 2010

La Nef – Comment vivez-vous cette affaire?

Abbé Francis Michel – Je dirai à la fois péniblement et paisiblement : péniblement car elle commence avec des rumeurs peu flatteuses à mon égard en particulier sur mon honnêteté et ma gestion des finances, accusations classées sans suite par le procureur de la République. Cette affaire est vécue péniblement car elle fait inévitablement parler et manquer à la charité. Je ne peux rester insensible aux blessures de certains et cependant je vis paisiblement cette épreuve car, en conscience, je ne me considère pas vivre dans la désobéissance et intérieurement je suis en paix.

Justement, certains vous reprochent de désobéir à votre évêque : que leur répondez-vous ?

Beaucoup ignorent l’origine et l’histoire de cette affaire ! Tout a commencé sur des rumeurs qui sont allées jusqu’à l’évêché. J’ai toujours dit à l’évêque que je ne partirai pas sur des rumeurs, car cela semblerait les accréditer. Ensuite, il a argué de mon âge (58 ans à l’époque) et de mon temps de présence (21 ans) pour m’inviter à changer de poste. J’ai trouvé cela assez curieux car l’évêque sortait de sa visite pastorale à Thiberville et dans ses conclusions (réjouies et enthousiastes en ce temps-là), il ne faisait aucunement allusion à cela. Je semblais même reparti pour longtemps encore et nous nous quittions en bons termes. Mais l’idée n’était pas abandonnée pour autant, j’étais prolongé pour un an afin de fêter mes 60 ans avec mes paroissiens. Mon départ est revenu après à l’ordre du jour avec diverses propositions correspondant à des ministères de prêtres retraités (aumônier de la confrérie des saints Anges) ou bien on m’envoyait dans des lieux aussi peu traditionnels que possible où je n’aurais sans doute même pas pu descendre de voiture.
Je tiens cependant à préciser que je n’ai pas dit non à tout. La perspective de Bernay par exemple. Il faut cependant savoir qu’un de mes confrères avec qui j’aurai dû me retrouver a déclaré que « je n’aurai jamais dû être ordonné » et que l’autre est farouchement opposé à la messe tridentine et à l’esprit du motu proprio en général. Ayant émis la possibilité de célébrer à Bernay dans la forme extraordinaire il s’est écrié : « Moi curé de Notre-Dame de la Charentonne, cela ne se fera jamais ». Cela donne à réfléchir avant d’accepter un tel ministère. J’ai fait tout récemment encore d’autres propositions à l’évêque, elles sont restées sans réponse, si ce n’est la révocation et la dissolution de la paroisse. Pour cette raison, je ne pense pas être dans la désobéissance. Mgr Nourrichard en a appelé à Rome et il m’invite à le faire moi aussi. J’obéis donc en mettant ma cause entre les mains de Rome et bien sûr je suivrai l’avis donné. Il y avait autrefois un adage : « Rome a parlé, l’affaire est réglée ».

Un dernier mot ?

Au-delà de toutes ces considérations, je voudrais ajouter quelques correctifs sur ce qui se dit. Des chiffres d’effectifs ont été exagérés principalement pour les confirmations. Je connais dans le diocèse des prêtres merveilleux qui modestement travaillent à l’annonce de l’Évangile. Il n’y a pas qu’à Thiberville que les églises sont pleines, d’ailleurs la mienne est petite et donc facile à remplir. Je n’ai jamais critiqué un confrère bien au contraire. À un prêtre voisin qui se désolait du peu de confessions à une célébration pénitentielle dans sa paroisse et du nombre important chez moi, je lui rappelais que c’était pareil au début ici et que j’avais mis sur le confessionnal : « on demande des pêcheurs ».
Je voudrais dire à tous ceux qui me pensent orgueilleux ou vaniteux, que je ne suis qu’un simple curé de campagne. Je n’ai pas l’esprit inventif, c’est pourquoi je refais tout simplement ce que j’ai vu faire avant moi : « Je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu ».

Propos recueillis par Christophe Geffroy