1 février 2010

[Paix Liturgique] Dialogue virtuel avec le Cardinal Vingt-Trois

SOURCE - lettre 215 bis de Paix Liturgique - 1 février 2010
Le diocèse de Paris, qui aurait pu jouer le rôle d’aiguillon dans l’application du Motu Proprio de Benoît XVI, est un cas d’école d’absence de réception des souhaits du Saint Père sous forme d’obstruction latente, inacceptation tout à fait conforme aux déclarations de principe claires et réitérées qu’avaient faites l’archevêque de Paris avant la publication du Motu Proprio.


Son refus d’un élargissement de la célébration traditionnelle a toujours été fondé sur deux analyses (largement contestables, mais dont il n’a jamais démordu) :
1°/ la célébration de la messe traditionnelle est suffisante, notamment à Paris, pour répondre aux besoins ;
2°/ Les demandeurs sont des catholiques qu’il convient de tenir sous haute surveillance :
a/ parce qu’ils refusent en fait l’ecclésiologie de Vatican II,
b/ parce qu’ils sont souvent « maurrassiens »,
c/ et parce ce qu’ils ont constamment employé, spécialement à Paris, des moyens subversifs.

En vertu de cette analyse vingt-troisième, à ce jour, seules deux célébrations dominicales dans la forme extraordinaire du rite romain ont été mises en place à Paris et encore à des horaires non familiaux, marginaux et marginalisants (12 h 15 pour l’une, 18 h 30 trois dimanches seulement par mois pour l’autre).

Ces deux célébrations dominicales uniques ayant été mises en place juste après l’entrée en vigueur du Motu Proprio, voilà donc plus de deux ans qu’aucune demande d’application du Motu Proprio n’a été reçue à Paris.

Comme chacun sait qu’il y a de nombreuses demandes, nous avons souhaité comprendre les raisons de la persistance de ce blocage, surtout après la « bavure » survenue dans l’église de l’Immaculée Conception : le pasteur du principal diocèse de France ayant traité des ouailles catholiques en préférant la force policière (voir lettre 215) au dialogue chrétien, nous sommes allés chercher dans ses propres écrits ou propos les raisons qui pouvaient bien expliquer sa pastorale de fait anti-Benoît XVI. Nous nous sommes aperçus que, depuis la parution du Motu Proprio, ces déclarations, souvent embarrassées, n’expliquaient pas le refus de dialogue du cardinal. Il y a un hiatus entre les dires et le faire (le refus de faire). Mais au total, sa ligne de défense contre les inconvénients que lui procure le Motu Proprio s’est ainsi précisée : il y a les « bons » demandeurs, qui sont déjà satisfaits et les « mauvais » qui ne sont que des perturbateurs méprisables.

PL : Maintenant que le Motu Proprio a été publié, qu’allez vous faire concrètement à Paris ?
Cardinal Vingt-Trois : « Je n’ouvrirai pas de paroisses personnelles dans le diocèse de Paris car j’estime que des fidèles qui demandent la célébration selon le Missel de 1962, ne sont pas des paroissiens « à part ». Mais cette volonté de ne pas les marginaliser suppose que nous soyons capables de répondre raisonnablement aux demandes qui seront faites. J’ai toute confiance dans votre jugement pastoral et votre capacité pour gérer cette situation avec justice et charité. »
Lettre de Mgr Vingt-Trois à ses prêtres, le 6 juillet 2007


Le Figaro : On « reproche aux évêques de France de traîner les pieds pour appliquer le motu proprio » ?
Cardinal Vingt-Trois : « Je ne crois pas… ».
"talk" du Figaro - 10 sep. 2008

Le Figaro : « Une réforme de la réforme liturgique est-elle nécessaire à vos yeux ? »
Cardinal Vingt-Trois : « Je crois que ce qui est surtout nécessaire c'est la réforme des cœurs, c'est-à-dire qu'on ne va pas à la messe comme on va au spectacle. On va à la messe pour participer au sacrifice du Christ et pour s'unir au sacrifice du Christ. Si je vais à la messe pour voir représenter ce que je pense, je ne crois pas que je sois dans les bonnes dispositions. J'essaie, quand je célèbre l'eucharistie, de me mettre dans une disposition d'accueil et de disponibilité ».
"talk" du Figaro - 10 sep. 2008

PL : Quel sens donnez vous aux propos du Saint Père à Lourdes relatifs à son Motu Proprio de juillet 2007 ?
Cardinal Vingt-Trois : Il s'agit « d'accueillir ceux qui honnêtement cherchent à exprimer leur sensibilité liturgique différente non pour accentuer la séparation, et les différences », mais avec « une capacité à vivre ensemble nos différences sous la responsabilité des évêques ». « Il nous confie cette tâche ».
Discours à Lourdes et réflexions du cardinal Vingt-Trois – septembre 2008

PL : Comment réagissez vous si des demandes d’application du motu proprio se font jour dans votre diocèse ?
Cardinal Vingt-Trois : « S’il ne s’agit que de petits groupes isolés à ramener au bercail, il faut les traiter avec respect, (...). Mais s’ils cherchent à faire du prosélytisme au détriment du rite de Paul VI, c’est différent. »…  « L’attitude de ces groupes relève d’un relativisme moderne : ils choisissent l’autorité à laquelle ils se soumettent, se réclamant du pape, qui est loin, au détriment des évêques, qui sont proches ».
La Croix, le 20 janvier 2010

PL : Le Pape à Lourdes, le 14 septembre 2008, vous avait dit: « J'ai été amené à préciser, dans le Motu proprio Summorum Pontificum, les conditions d'exercice de cette charge [d’unité], en ce qui concerne la possibilité d'utiliser aussi bien le missel du bienheureux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). […] Nul n'est de trop dans l'Église. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui, et jamais rejeté ».

 « Les rapports du pape avec les évêques ne sont pas des rapports de patron à employés. Il n'est pas un PDG d'une multinationale qui vient visiter une succursale » : entre les évêques de France et le Pape il n’y a pas de « rapports de subordination servile ».
Conférence de presse du 14 septembre 2008


PL : Vous avez rencontré le Saint Père avec deux autres membres de la Conférence épiscopale de France, que lui avez-vous dit ?
Cardinal Vingt-Trois : « On lui a parlé de beaucoup de choses un peu à bâtons rompus parce qu'on est très libres dans nos relations, on a évidemment évoqué aussi la pratique du Motu proprio sur l’application de la forme extraordinaire du rite liturgique et les manœuvres diverses qui essayent d’utiliser internet pour développer une campagne de délation à l’égard des évêques. Il a été très touché et nous a redit avec beaucoup de force sa confiance. »
Interview du Cardinal Vingt Trois en date du 25 janvier 2010

LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE
 
1/ « pastorale active en direction de ces catholiques attachés au latin », « répondre raisonnablement aux demandes qui seront faites », « accueillir ceux qui honnêtement cherchent à exprimer leur sensibilité liturgique différente ».
Pourquoi alors le Motu Proprio n’est-il pas appliqué à Paris, et pourquoi l’évêché envoie-t-il trois véhicules de police expulser des fidèles… qui récitent le chapelet dans une église sans perturber qui que ce soit et quelque célébration que ce soit ?

2/ A écouter le Cardinal, on a donc l’impression qu’il y aurait une « bonne » demande et une « mauvaise » demande. Une demande à laquelle on répond et une autre qu’on est obligé d’ignorer eu égard aux circonstances inacceptables qui l’accompagneraient.
Ainsi, l’apartheid de Monseigneur Vingt Trois serait-il seulement la conséquence de l’agressivité des gros méchants qui font des demandes rien que pour l’embêter. Le tout prenant la forme d’une plainte implicite auprès du Pape : « Voyez donc tous les ennuis que vous nous procurez, Très Saint Père, avec votre fichu Motu Proprio ! ».
Mais cette distinction elle-même, entre « bons » et « méchants » demandeurs n’est guère crédible quand on voit le sort identique réservé à Paris à tous ceux et celles qui – dans leur diversité - lui demandent de respecter leur attachement à la forme extraordinaire du rite romain :

3/ Et concrètement, à Paris, c’est le degré zéro du dialogue.         

Avec Paix liturgique  ?
Pas question ! Le cardinal Vingt Trois ne dialogue pas avec ces gens qui utilisent « internet pour développer une campagne de délation à l’égard des évêques »

Avec les demandeurs de Versailles qui font une demande discrète, non publique et diplomatique à Notre Dame de Versailles ?
Le cardinal Vingt Trois ne dialogue pas avec ces « groupes de militants utilisant le Motu proprio » et pratiquant « la surenchère systématique ».

Avec trente-deux paroissiens du 12ème arrondissement manipulés depuis deux ans par le Père Géniteau (curé de l’Immaculée Conception) récitant un chapelet pacifiquement dans l’église après la messe du samedi soir ?
Le cardinal Vingt Trois ne dialogue pas avec ces gens qui « cherchent à faire du prosélytisme au détriment du rite de Paul VI » et leur envoie les forces de police…

Avec plusieurs dizaines de demandes ancrées, respectueuses et solides d’application du Motu Proprio dans les paroisses parisiennes ?
Le cardinal Vingt Trois ne dialogue pas car ces demandes ne sont pas sérieuses.

Avec les auteurs d’une lettre ouverte adressée le 29 novembre dernier à Monseigneur Vingt-Trois pour lui demander de réagir en tant que Président de la Conférence Épiscopale de France à la suite des horribles propos de Monseigneur Gueneley (lettre 202) à l’endroit d’autres évêques qui eux, appliquent le Motu Proprio ?
Le cardinal Vingt Trois, n’est pas concerné, et ne dialogue pas

Et avec Denis Crouan, Président de l'Association Pro liturgia, qui le 30 décembre 2009, écrit au Cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris, une lettre non pas sur la forme extraordinaire mais ... sur la forme ordinaire (oui, ordinaire !) du rite romain et sa célébration classique que l'on ne trouve - à l’en croire - quasiment nulle part en France (Voir article « Le Grand Silence » http://pagesperso-orange.fr/proliturgia/)? Denis Crouan n’est-il pas un « bon » demandeur à l’état chimiquement pur ?
Soyons sérieux ! Qui est donc ce Denis Crouan pour l’administration épiscopale haut de gamme de la capitale ? Le Cardinal de Paris ne dialogue pas avec ce – comment l’appelez-vous ? – Denis Crouan.

En fait, il faut bien comprendre qu’à Paris, on dialogue beaucoup, mais avec soi-même. Les diocèses de France dans bien des cas et le diocèse de Paris de manière particulièrement frappante fonctionnent en circuit fermé : les instances de dialogues, les conseils de toutes sortes, les savantes conférences aux Bernardins, ne manquent pas. Mais les interlocuteurs sont toujours des prêtres et laïcs, triés sur le volet, qui reflètent la pensée des autorités qui les ont suscités. Le « dialogue » y est sans risque, notamment sur la liturgie et l’application du Motu Proprio : c’est un jeu de miroir. Malheur à ceux qui risqueraient de le briser ! Avec ceux-là, on ne dialogue pas.

Pour l’instant.