5 octobre 2009

[Paix Liturgique] Avec ou contre le Pape ? Plus qu’un an pour traduire ses paroles en actes

SOURCE - Lettre de Paix Liturgique n°198 - 5 octobre 2009
On se souvient que dans sa lettre aux évêques qui accompagne le Motu Proprio, le Saint Père a invité les évêques à bien vouloir écrire au Saint-Siège un compte-rendu de leurs expériences, trois ans après l’entrée en vigueur du Motu Proprio Summorum Pontificum, soit le 14 septembre prochain.

Que n’a-t-on pas entendu au sujet de cette fameuse période de trois ans dans la bouche des ennemis de la paix : « le Motu Proprio est une mesure provisoire pour faciliter le retour des intégristes », « rien n’est définitif », « on verra dans trois ans, si ça n’intéresse pas les gens, le Motu Proprio sera jeté aux oubliettes et la messe en latin avec », « le Motu proprio est à l’essai pour trois ans, s’il apporte trop de problèmes dans les paroisses, il sera abandonné »… Il suffit d’ailleurs de bien lire le passage de la lettre du Pape concernant ce délai de trois ans : il n’institue nullement une « période d’essai » au terme de laquelle le Motu Proprio pourrait être abrogé, ce qui serait absurde s’agissant d’un texte qui affirme l’existence d’un droit jamais aboli. Il dit seulement, sous forme concessive, qu’au bout de trois ans « si de sérieuses difficultés étaient vraiment apparues, on pourrait chercher des voies pour y porter remède ».

Ainsi, de nombreux évêques soucieux de barrer la route à Benoît XVI et à ceux qui le soutiennent tentent de nier l’évidence et de faire croire qu’il n’y a pas de demande d’application du Motu Proprio dans les paroisses. Ainsi, pensent-ils, il sera possible de faire un bilan négatif au Saint Père à l’issue des trois ans, en expliquant que non seulement le Motu Proprio n’a suscité aucun enthousiasme ni comblé aucune attente des fidèles mais surtout n’a fait qu’apporter divisions et complications inutiles dans les paroisses françaises dans lesquelles comme chacun le sait, « il n’y a pas de problème liturgique »…

C’est à ces évêques « conservateurs », soucieux que rien ne change dans les diocèses et qui se satisfont parfaitement de la situation que nous nous adressons dans la présente lettre.
A titre liminaire, nous souhaitons leur rappeler les mots du Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le Cardinal Antonio Cañizares Llovera : « la volonté du Pape n'a pas été uniquement de satisfaire les fidèles de Mgr Lefebvre, ni de se limiter à répondre aux justes désirs des fidèles qui se sentent liés, pour des motifs divers, à l'héritage liturgique représenté par le rite romain, mais bel et bien d'offrir à tous les fidèles la richesse de la liturgie de l'Église, en permettant la découverte des trésors de son patrimoine liturgique aux personnes qui les ignoraient encore. Combien de fois en effet le mépris affiché pour ces trésors n'est-il dû qu'à leur méconnaissance ? A ce titre, et considéré sous ce dernier aspect, le Motu Proprio doit être compris au-delà de l'existence ou non de conflits. Même s'il n'existait aucun « traditionaliste » à satisfaire, la seule découverte de ces trésors justifierait amplement les dispositions du Pape ».

Nous n’épiloguerons pas ici sur la manipulation grossière visant à faire croire qu’il n’y a pas de demande d’application du Motu Proprio ou que la demande est satisfaite voire même avait été anticipée bien avant le Motu Proprio… De simples discussions avec les fidèles de base, les sondages scientifiques réalisés ici et là (nous y reviendrons dans la prochaine lettre) et la proportion remarquable de vocations sacerdotales « extraordinaires » permettent d’affirmer avec certitude qu’il s’agit d’une lamentable manipulation ou au mieux d’une erreur d’appréciation.

Ceci étant rappelé, nous prenons au mot ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de demande, ceux qui clament haut et fort qu’ils aiment le Pape et qu’ils lui obéissent mais que si le Motu Proprio n’est pas appliqué dans leur diocèse c’est uniquement parce qu’il n’y a pas de demande.

A ceux là nous pourrions oppposer sans concéder : « D’accord, supposons qu’il n’y a pas de demande. Et après ? »

Arrêtez de vous couper les cheveux en quatre pour refuser d’appliquer le Motu proprio aux motifs que vous ne savez pas si la demande est réelle, ancrée, sérieuse, stable, légitime, bien ou mal formulée, bénéfique, source d’unité ou de division, bien ou mal accueillie, précipitée, tardive, bruyante, opportune, réaliste…

A tous les évêques dans les diocèses de qui les dispositions du Motu Proprio de Benoît XVI (nous ne parlons pas de celui de Jean Paul II qui pourtant ancien de plus de 20 ans commence seulement à arriver à dos d’âne dans les diocèses de France) n’ont pas été utilisées par un seul prêtre, nous demandons : créez donc les conditions pour que vos prêtres ne craignent pas de se prévaloir des mesures du Saint Père, et pour que les fidèles soient enclins à les leur demander. D’autant que de nombreux fidèles ne peuvent pas demander une forme qu’ils ne connaissent pas, alors que – l’expérience le prouve – ils seront très nombreux à la demander si elle leur est proposée. En d’autres termes : si vous aimez le Pape, appliquez vous-mêmes le Motu Proprio de Benoît XVI en étant à l’initiative de sa mise en œuvre.

Qui plus est, l’article 10 du Motu Proprio vous permet de vous-même, sans que soit nécessaire aucune demande formelle de fidèles, soit d’ériger une paroisse personnelle pour la forme extraordinaire, soit de nommer un recteur ou un chapelain pour célébrer selon cette forme.

Le Saint Père a voulu le Motu Proprio, l’a longuement réfléchi et préparé et en a fait un acte majeur de son pontificat.

Le Saint Père a définitivement réaffirmé toute la légitimité et l’opportunité de la forme extraordinaire du rit romain.

Le Saint Père souhaite que cette forme extraordinaire du rit romain – aux côtés de la forme ordinaire et sans opposition – soit proposée aux fidèles et va jusqu’à en faire un outil pastoral de première importance.

Pour toutes ces raisons, nous disons aux évêques : puisque vous vous dîtes amis du Pape et fidèles au Pape, faites en sorte que soit appliqué le Motu Proprio pour exprimer visiblement votre attachement au saint Père !

Faites le non pas parce qu’il y a une demande formelle mais parce que vous faîtes confiance au Pape, parce que vous aimez le Pape.

Autrement dit, appliquez le Motu Proprio de vous même pour manifester publiquement le fait que vous partagez la pensée du Pape qui vous disait à Lourdes il y un an « Je mesure les difficultés qui sont les vôtres, mais je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul n'est de trop dans l'Église. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui, et jamais rejeté. Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mission de Pasteurs , en faisant de nous les Bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que Lui rendre grâce de l'honneur et de la confiance qu'Il nous fait. Efforçons-nous donc toujours d'être des serviteurs de l'unité ! »

Appliquez le Motu Proprio pour montrer que vous aimez le Pape.

Courage, plus qu’un an pour aller de l’avant et laisser en arrrière les querelles intestines et fratricides.

Si vous aimez le Pape, chers évêques, irez vous lui dire dans un an : « Très Saint Père vous vous êtes complètement trompé, le Motu Proprio dont vous avez souhaité faire un acte majeur de votre pontificat est un non évènement, le Motu Proprio de 1988 de votre prédécesseur était largement suffisant, j’en veux pour preuve que dans mon diocèse il n’y a pas un seul cas de mise en œuvre des mesure que vous avez cru devoir prendre ».

Peut-on se dire ami du Pape et agir dans les faits comme si son Motu Proprio était le caprice d’un vieil homme en décalage avec « l’Eglise d’aujourd’hui » ?

Peut-on se dire ami du Pape et avoir un bilan nul quant à la mise en œuvre du Motu Proprio Summorum Pontificum ?

Peut-on se dire ami du Pape et avoir à lui présenter au mieux une application bien tardive du Motu Proprio de 1988 avec la mise en place de réserves indiennes comme à Versailles ou Paris ?

Enfin, peut-on dire qu’on aime le pape et qu’on le soutient quand son propre bilan ne remplit pas les objectifs et les orientations papales ?

« Soyez attentifs, disait le Pape en citant saint Paul dans les Actes des Apôtres, à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit-Saint vous a établis gardiens, pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre Fils » (Ac 20, 28). Que ces gardiens du troupeau sachent pouvoir compter fidèlement sur nous pour continuer de rendre publiques leurs décisions.
Quelles que soient ces décisions.