10 octobre 2009

[FSSPX] Entretien avec Mgr Bernard Fellay, Roodepoort (Afrique du Sud)

SOURCE - FSSPX, Afrique - Mis en ligne par DICI le 10 octobre 2009 - Septembre 2009


Revue Tradition – n°3 (2009), bulletin du district d’Afrique de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X

Avec la levée du décret d’excommunication, les discussions doctrinales vont s’engager entre Rome et la Fraternité St Pie X. Quel est le but de ces discussions?

Le but que l’on cherche à atteindre avec ces discussions doctrinales est une importante clarification dans l’enseignement de l’Église ces dernières années. En effet, la Fraternité St Pie X, à la suite de son fondateur, Mgr Lefebvre, a de sérieuses objections au sujet du Concile Vatican II. Et nous espérons que les discussions vont permettre de dissiper les erreurs ou les graves ambiguïtés qui depuis lors ont été répandues à pleines mains dans l’Église catholique, comme l’a reconnu Jean-Paul II lui-même.

Combien de temps ces discussions vont-elles durer? Quels seront les points principaux qui vont être traités et comment vont-ils l’être?

Je n’ai pas la moindre idée du temps que vont prendre ces discussions. Cela va certainement aussi dépendre des attentes de Rome. Elles peuvent prendre un temps assez long.
Et ce, parce que les sujets sont vastes. Nos principales objections sur le Concile, comme la liberté religieuse, l’œcuménisme, la collégialité sont bien connues. Mais d’autres objections pourraient être posées, comme l’influence de la philosophie moderne, les nouveautés liturgiques, l’esprit du monde et son influence sur la pensée moderne qui sévit dans l’Église.

Les deux croisades du rosaire ont porté leur fruit. En référence au Motu Proprio de juillet 2007, quelle devrait être notre attitude envers les prêtres qui célèbrent maintenant la messe traditionnelle, même si cela n’est pas de façon exclusive puisqu’ils disent toujours la nouvelle messe?

Fondamentalement, à chaque fois qu’un prêtre veut revenir à la messe de toujours, nous avons pour devoir de l’approcher avec une attitude positive ; nous devrions nous en réjouir et espérer que par elle-même la messe produise ses fruits. On voit déjà aujourd’hui que cela se passe ainsi la plupart du temps. Il y a aussi, bien sûr, des prêtres qui resteront indifférents à l’ancien rite. Le temps nous montrera qui est sérieux dans ce domaine ou ne l’est pas.

Quel conseil pouvez-vous donner aux fidèles concernant ces prêtres ? Quelle devrait être l’approche des laïcs vis-à-vis d’eux?

Les fidèles doivent rester très prudents et ne pas se mettre dans des situations trop gênantes. Ils doivent consulter nos prêtres avant d’approcher ces prêtres. Les circonstances sont tellement diverses: chaque prêtre est différent, et jusqu’à ce qu’il soit clair que le rapprochement du prêtre vers la messe est authentique, les fidèles doivent rester bienveillants tout en conservant une attitude prudente.

À votre connaissance, y a-t-il maintenant un plus grand nombre de prêtres qui célèbrent seulement la messe de toujours?

Il est difficile de donner une réponse exacte parce qu’il n’y a pas de rapport officiel là dessus et parce que beaucoup de ceux qui voudraient célébrer l’ancienne messe n’osent pas. Il y a dans de nombreux pays une forte pression venant de la hiérarchie pour empêcher ce retour. Beaucoup de prêtres doivent la dire en secret à cause de cette peur. Je pense cependant que ce nombre croissant reste tout de même modeste.

La crise de l’Église est une crise de la foi. Il va falloir du temps pour que tous les prêtres disent exclusivement “l’ancienne” messe. Est-il correct de dire que, même si, à travers les discussions doctrinales, Rome revenait à la plénitude de la vérité, il y aurait toujours une grande opposition sur la messe et Vatican II ?

Il faut rester réaliste. Le retour, la restauration de l’Église va prendre du temps. La crise qui frappe l’Église a touché tous les aspects de la vie chrétienne. Sortir de cette situation prendra plus d’une génération d’efforts constants dans la bonne direction. Peut-être un siècle. Et ceci veut dire qu’on doit s’attendre à de l’opposition. Mais espérons que le pire soit passé et que les signes de guérison qu’on aperçoit aujourd’hui soient des germes de la réalité et pas seulement un rêve…

La collégialité est un désastre pour l’Église. Ne peut-on pas voir malgré tout une légère “fissure dans le mur de la collégialité” avec le Motu Proprio du pape Benoît XVI et plus récemment avec le retrait du décret d’excommunication ?

En effet, ces décisions sont vraiment les siennes. Il y a une manière vraie de comprendre la collégialité; Paul VI a ajouté une “note préalable” au document sur l’Église, Lumen Gentium, afin que la collégialité soit comprise correctement. Le problème est que cette note est comme oubliée. L’idée générale qui s’est répandue et qui prétend limiter considérablement les pouvoirs du souverain pontife est un vrai danger pour l’Église et rendrait le gouvernement impossible. Donc, les différents actes du pape pris “motu proprio” sont de bons signes d’une volonté de gouverner personnellement et non collégialement l’Église.

Il y a eu beaucoup de réactions – pour ou contre – les décisions du pape, à tel point qu’il a été obligé d’écrire une lettre d’explication aux évêques. Est-ce une bonne chose que le pape se soit retrouvé comme cela “au pied du mur”, pour ainsi dire?

Cela dépend en fait du point de vue. L’autorité du pape a vraiment été ébranlée par le tumulte du début d’année. On ne peut le considérer comme une bonne chose qu’à cause de l’effet opposé que cela devrait engendrer à Rome, et qui permet de comprendre qui aime l’Église et travaille à son édification ou pas.

Pour la première fois depuis 40 ans nous voyons l’autorité suprême de l’Église se rendre compte qu’il y a des problèmes d’ordre théologique, doctrinaux. Le pape ne réalise-t-il pas que “l’Église conciliaire” (pour citer le cardinal Benelli), et ses réformes sont condamnées et qu’un retour à la Tradition est nécessaire?

Je ne suis pas encore sûr que tout le monde considère les discussions doctrinales d’une telle façon. Je dirais que pour la majorité de la hiérarchie, ces discussions sont nécessaires, non pas pour l’Église, mais pour nous et notre “retour à la pleine communion”, pour qu’on adopte les nouveautés. En effet, j’ai l’impression que nous sommes devant une situation bien délicate. La réalité de la crise est admise, mais pas les remèdes. Nous disons, et on le prouve par les faits, que la solution à la crise est un retour au passé. Benoît XVI dit la même chose: il insiste sur l’importance de ne pas couper avec le passé, (l’herméneutique de la continuité), mais il entend maintenir les nouveautés du concile, considérant qu’elles ne sont pas une rupture avec ce passé. Selon lui ne sont dans l’erreur et la rupture avec le passé que ceux qui vont plus loin que le concile. C’est un problème des plus sensibles.

La position du pape sur l’œcuménisme n’a pas l’air d’être si enthousiaste que celle de son prédécesseur. Cela est-il dû au fait qu’il voit l’œcuménisme d’un aspect plus théologique, opposé au “ut unum sint” aux conséquences si désastreuses pour l’Église?

Je ne pense pas que le pape considère l’œcuménisme comme une mauvaise chose. Il chérit le fait que l’Église continue en ce sens et il a même dit que c’était irréversible… mais il semble vouloir bien faire la différence entre les différentes confessions et favoriser celles qui sont plus proches comme les orthodoxes plutôt que les protestants.

Cette année nous célébrons les 25 ans de la présence de la Fraternité en Afrique, et plus précisément au prieuré Notre-Dame des Douleurs à Johannesbourg. Quels conseils ou encouragements pouvez-vous donner à nos paroissiens ainsi qu’à tous les fidèles du district d’Afrique?

Remercions Dieu pour ce merveilleux jubilé. De nos jours en cette crise, 25 ans c’est une grande performance pour laquelle il faut rendre grâces. Cela démontre aussi une grande fidélité de la part des fidèles. La fidélité est une véritable gloire. Elle implique à la fois la préservation de la foi et la fermeté, la persévérance dans le combat. Alors, le meilleur souhait que je puisse leur adresser – et à nous tous aussi – serait qu’ils soient plus que jamais fidèles.

Pour connaître la Tradition en Afrique :
M. l’abbé Marc Vernoy
Priory Our Lady of Sorrows
P.O. Box 878
ZA – 1725 Roodepoort
Afrique du Sud

Pour verser un don (préciser : pour l’Afrique) :
Priorat Mariae Verkündigung
Schwandegg
CH – 6313 Menzingen, ZG