8 septembre 2009

[Le Barroux] La soif de Dieu

SOURCE - Fr. Louis-Marie, osb, prieur - Monastère du Barroux - Lettre aux Amis du Monastère n°131 - 8 septembre 2009
8 septembre 2009
Nativité de la Sainte Vierge

LA SOIF DE DIEU

Au cours d’un de ses sermons, saint Augustin pose la question : « Qui a soif de Dieu ? » Ils ne devaient pas être très nombreux à pouvoir répondre « Moi ! » sans hésitation. Et pourtant, cette soif est universelle. Elle est comme une semence que Dieu lui-même a cachée dans notre coeur et qui se devine dans certains de nos comportements. La curiosité, par exemple : voyez les enfants et leurs « pourquoi ? » incessants. Si nous avions le courage de répondre à ces enfilades de « pourquoi ? », nous verrions bien que la réponse ultime est Dieu en personne. Car Dieu est la Lumière. Les « pourquoi ? » des adultes se posent surtout devant les grandes épreuves et la mort. La seule réponse qui puisse satisfaire cette soif de comprendre tient en un nom : Jésus crucifié et ressuscité.

Notre soif de Dieu se cache aussi et peut-être plus profondément dans notre crainte de la solitude. Dieu a dit en voyant Adam, bien avant le péché originel, qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul. Et Dieu a tout prévu pour que nous puissions combler cette solitude. Par le travail des mains et de l’intelligence, l’homme était déjà beaucoup moins seul. Mais cela n’a pas suffi à étancher la soif de son coeur. Dieu créa alors Ève. Et Adam chanta le premier chant de joie de toute la création, un chant qui exprimait une réelle plénitude humaine. Adam et Ève ont dû se dire, quand ils se sont découverts en ce matin du sixième jour : « Voilà enfin une créature à qui je puisse consacrer ma vie tout entière. »

Mais le coeur de l’homme a une soif encore plus profonde. La véritable solitude du coeur ne peut être comblée que par Dieu, le Bien suprême. Nous avons été créés pour ce Bien. Dans notre coeur, il se trouve une demeure où Dieu seul peut entrer. Cette plénitude surnaturelle fut rendue difficile par le péché et les suites que nous connaissons.

Comment faire alors pour cultiver notre soif de Dieu ? Nous pouvons nous référer à l’image du cerf du psaume 41 qui commence ainsi : « Comme le cerf assoiffé aspire aux sources d’eaux fraîches, ainsi mon âme a soif de vous, Seigneur. »

Le cerf est un animal qui a des bois sur la tête, comme si son intelligence essayait d’atteindre le ciel : on ne peut avoir soif de Dieu sans d’abord le connaître. « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ » disait Saint Jérôme. Ayons donc soif de connaître Dieu. Le cerf est un animal qui brame, qui lance des appels amoureux dans la forêt profonde. C’est le symbole de la prière et de la contemplation du coeur humain qui prend conscience que la terre est un vaste désert sans eau ni chemin, et à qui il ne reste que la voix pour atteindre celui qu’il désire. Apprenons à prier à l’école de la sainte liturgie de l’Église et des saints.

Le cerf est un animal qui, d’après la mythologie, écrase les serpents. On ne peut pas avoir soif de Dieu si l’on se laisse mordre par les serpents, c’est-à-dire par les vices. Par contre, celui qui écrase ses serpents, modèle de la vie ascétique, est pris d’une soif encore plus ardente pour le Seigneur.

Le cerf est un animal qui se déplace en troupeau et qui, pour traverser les rivières, a coutume de reposer sa tête lourde de bois sur le dos d’un congénère, à tour de rôle. On ne va pas à Dieu tout seul. On ne peut avoir une vraie soif de Dieu si l’on n’a pas la charité fraternelle. On n’a pas vraiment soif de Dieu sans l’esprit missionnaire, qui est la plus grande des charités.

Et enfin, le cerf est un animal rapide que rien n’arrête sur son chemin pour atteindre la source d’eau. Donc, nous non plus, ne perdons pas de temps. C’est d’ailleurs ce que se proposent les moines, qui retrouvent tout à fait leur idéal de vie dans le cerf. Ils fuient le monde pour prier, ils lisent et travaillent, ils font pénitence avec l’aide de nombreux frères. Parce qu’ils ont soif de Dieu, tout simplement, et qu’ils désirent que tous les hommes partagent cette soif, grâce au mérite de leur vie.

† F. Louis-Marie, o. s. b.
abbé