2 juin 2009

[Le Monde] Décomplexés, les intégristes catholiques font une démonstration de force à Paris - 02.06.2009

SOURCE

Premier mystère glorieux : la Résurrection". La voix féminine poursuit sa lecture, et ses paroles accompagnent l'entrée du "chapitre" d'Anjou dans les rues de Paris. Sous les étendards de leur région et des drapeaux bleu-blanc-rouge frappés du Sacré-Coeur, plusieurs milliers de fidèles catholiques de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) achèvent, lundi 1er juin, leur traditionnel pèlerinage de Pentecôte Chartres-Paris. Alternant chants et prières en français ou en latin, les pèlerins traversent, sous les regards incrédules et les coups de Klaxon agacés, les beaux quartiers, avant d'assister devant les Invalides à une messe en plein air.

Mis en avant par Benoît XVI en janvier avec la levée de l'excommunication des quatre évêques de la FSSPX, dont le négationniste Richard Williamson, le mouvement schismatique fondé par Mgr Lefebvre se livre à sa démonstration de force annuelle de manière décomplexée. Le geste du pape, qui à l'issue de "discussions doctrinales" espère ramener la Fraternité dans l'Eglise, semble l'avoir confortée dans son choix d'une tradition intransigeante. En dépit de "l'affaire Williamson", que les fidèles s'emploient à minimiser, son image "s'est améliorée", affirment les fidèles. "Nous sommes un peu moins insultés par les autres catholiques", assure Perrine, une mère de quatre enfants, venue des Yvelines.

PROVOCATION

"L'évidente volonté du Saint-Père à composer avec nous rend les évêques et les prêtres plus conciliants", reconnaît aussi l'abbé François de Champeaux. Mais, comme nombre de ses ouailles, ce prieur de la Fraternité à Bergerac reste convaincu qu'entre Rome et eux "les divergences sont irréconciliables" et qu'au fond seule "la prière" y pourra quelque chose.

De fait, dans le cortège, les critiques sur les orientations du concile Vatican II, à l'origine de ce courant, ne faiblissent pas. "Des sacrements dévalorisés", "une liturgie au rabais", "un catéchisme de récréation", "un syncrétisme déplacé", "des églises vides" : telle est la vision qu'ont ces fidèles de "l'Eglise moderne". "Mettre toutes les religions sur le même plan, célébrer des messes n'importe comment, tout cela m'est apparu insupportable, et j'ai rejoint la tradition il y a dix ans", témoigne Didier Deltenre, un fidèle belge de 54 ans. "Même des théologiens conciliaires commencent à reconnaître ces difficultés", assure l'abbé parisien Alain Lorans, qui partage avec les fidèles la conviction que "c'est à l'Eglise conciliaire de revenir à la tradition et non l'inverse".

"Français et catholiques toujours", entonnent avec force les pèlerins à intervalle régulier. L'espérance des intégristes catholiques est de voir l'avènement "d'un pape et de gouvernants vraiment catholiques", comme l'explique l'abbé de Champeaux.

Pourfendeurs des "droits de l'homme", beaucoup assurent que le respect du Décalogue devrait suffire. "Les Etats doivent suivre la loi de Dieu, or ils ne le font pas lorsqu'ils autorisent l'avortement", regrette le frère Jean-Benoit, chef d'un groupe de scouts marins à Saint-Malo. "Sans regret" pour la monarchie française, le religieux de 30 ans, estime néanmoins que " ce régime voulu et permis par Dieu correspondait à cette conception". Le retour à la morale et à la loi naturelle leur apparaît d'autant plus nécessaire qu'un "autre Dieu a de plus en plus droit de cité en France", souligne aussi Jean-Marc Delabrière, un Normand de 40 ans, dans une allusion à l'islam jugé "oppressant".

Le 29 juin, le petit monde lefebvriste, estimé à 150 000 personnes, donnera à nouveau de la voix. Dans un geste qui pourrait apparaître comme une provocation à nombre de catholiques conciliaires, le supérieur Mgr Bernard Fellay ordonnera huit prêtres à Ecône (Suisse), alors même que le Vatican n'a toujours pas donné de statut canonique aux évêques.

Stéphanie Le Bars