26 juin 2009

[Le Figaro] France : La crise des vocations s'accentue en Europe

SOURCE - Jean-Marie Guénois - 26 juin 2009

Le phénomène touche l'Église de façon spectaculaire en Allemagne et en Espagne, et commence à se faire sentir en Pologne.

Ce week-end, dans le monde, des milliers de séminaristes vont être ordonnés prêtres. Près de 90 au total pour la France. Petite année, même si globalement la Fille aînée de l'Église se maintient autour d'une centaine d'ordinations par an.

Une idée reçue circule toutefois : le Concile Vatican II aurait vidé les séminaires. Pas si simple. En France, la comparaison de la courbe des vocations avec celle de la pratique religieuse montre qu'elles sont corrélées sur cinquante ans. Cette courbe montre aussi que la guerre d'Algérie (1954-1962) et le boom de croissance des Trente Glorieuses a marqué une rupture en amont (999 vocations en 1951 - 575 en 1960) plus importante en termes de pratique religieuse et de vocations que celle du Concile Vatican II (1962-1965).

Donc pas de vocations sans communautés vivantes. L'effet est encore plus cinglant dans les zones rurales, jadis fertiles en vocations. Ce qui explique - à l'exception des diocèses Fréjus-Toulon, Belley-Ars et Vannes - le maintien d'un catholicisme urbain et la lente extinction d'un catholicisme rural.

Cela dit, la relative stabilité du chiffre annuel des ordinations en France - une fourchette de 80 à 120 par an - s'explique par les résultats de quelques-unes : 30 diocèses fournissent la moitié des séminaristes, les communautés nouvelles apportent du sang neuf, sans oublier les mouvances plus traditionnelles.


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Il y a, en France, 741 séminaristes en 2009. Ce chiffre officiel intègre 12 % de séminaristes issus des communautés nouvelles (l'Emmanuel compte 36 séminaristes, le Chemin néocatéchuménal, 19 séminaristes). Mais ce chiffre ne compte pas les 165 novices de la communauté Saint-Jean, dont 65 Français, ni les prêtres de la communauté Saint-Martin (47 séminaristes).

«Effet Jean-Paul II»

Ne sont pas comptabilisés non plus les séminaristes «Ecclesia Dei», traditionalistes ou lefebvristes. Ainsi la fraternité Saint-Pierre compte 60 séminaristes. La fraternité Saint Pie X (lefebvriste) dénombre 40 séminaristes en France avec 14 entrées annuelles, l'Institut du Christ Roi (diocèse de Florence en Italie) 50 séminaristes dont 40 Français. Soit un total, avec d'autres instituts dont le Bon Pasteur, de 160 séminaristes formés selon une ecclésiologie qui a mis en cause le Concile Vatican II et l'abandon de la messe en latin.

En Europe, près d'un tiers (29 %) des ordinations sacerdotales sont polonaises. En 2007, cette Église a fourni 524 des 1 827 prêtres ordonnés sur le Vieux Continent. Soit près de 8 % des prêtres ordonnés dans le monde. Puissante, l'Église polonaise commence toutefois à s'inquiéter car elle connaît un fléchissement constant des vocations.

Le phénomène n'est pas récent puisqu'il remonte au début des années 1990. Certains y voient l'effet de l'ouverture à l'Occident de ce pays catholique. Mais l'observation de la courbe des entrées au séminaire (voir schéma) prouve un «effet Jean-Paul II». Comment expliquer autrement l'explosion fulgurante de la courbe à partir de 1978 puis sa chute constante depuis 2000 ? Le pic a été atteint en 1991 avec 838 ordinations annuelles…

Avec une moyenne de 500 ordinations par an depuis dix ans, la Pologne reste le pays du monde qui donne le plus de prêtres. En 2007, il y a eu autant d'entrées dans les séminaires polonais (2 226 diocésains et religieux) que dans les séminaires des États-Unis et du Canada réunis (2 238) !

L'Église italienne, quant à elle, deuxième en Europe, ne se porte pas si mal même si en dix ans elle passe d'une moyenne de 500 à 400 ordinations par an actuellement. Une baisse que la situation démographique de ce pays ne pourra enrayer. Enfin, les chutes les plus spectaculaires - désormais connues - sont pour l'Espagne et l'Allemagne.

À l'échelle mondiale, le nombre de prêtres continue pourtant de progresser (407 262 en 2006, 405 067 en 2001) grâce à deux continents, l'Afrique et l'Amérique latine et centrale. Ces pays sont toutefois «pauvres» en prêtres comme l'indique une statistique tenue régulièrement à jour par le Vatican : le nombre de prêtres par catholique. En 2006, il y avait un prêtre pour 7 155 catholiques en Amérique du Sud et un prêtre pour 1 536 catholiques en Amérique du Nord. Il y avait un prêtre pour 4 729 catholiques en Afrique et un prêtre pour 1 435 catholiques en Europe.

Mais pour l'Europe, c'est la pyramide des âges des prêtres qui pose problème. En France, ils étaient 14 816 en activité en 2007, mais seulement 3 278 étaient âgés de moins de 60 ans.