1 octobre 2007

[Aletheia n°114] Le Magistère - par Yves chiron

Aletheia n° 114 - 1er octobre 2007
LE MAGISTERE - par Yves Chiron
Une action du Magistère
Le P. Peter C. Phan, d’origine vietnamienne, prêtre du diocèse de Dallas et président de la Catholic Theological Society of America, fait l’objet  de deux procédures ecclésiastiques à propos d’un de ses livres, Being religious interreligiously (« Etre religieux de manière interreligieuse »), livre paru en 2004.
En juillet 2005, la Congrégation pour la Doctrine de la foi lui a adressé une lettre contenant dix-neuf observations sur son livre. La Congrégation estime que ce livre du P. Phan est « ouvertement en désaccord avec presque tous les enseignements de la déclaration Dominus Iesus » qui avait réaffirmé que le Christ est l’unique sauveur de tous les hommes et que l’Eglise est nécessaire pour le salut. La Congrégation a demandé au théologien de corriger ses erreurs dans un article et de ne plus réimprimer son livre.
Les réponses jugées dilatoires de l’intéressé ont amené, en mai 2007, la Commission doctrinale des évêques des Etats-Unis à intervenir (sur la demande du Saint-Siège). Une liste d’objections, qui tient en trois pages, lui a été transmise et on lui a demandé d’y répondre avant le 1er septembre.
Le P. Phan est le quatrième théologien mis en cause pour ses écrits en contradiction avec la déclaration Dominus Iesus, parue en 2000. Avant lui, trois théologiens jésuites ont fait successivement l’objet d’une notification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi  sur le même sujet : Jacques Dupuis, en 2001, Roger Haight en 2004 et Jon Sobrino en 2006.
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Documenta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a succédé en décembre 1965 à la Congrégation du Saint-Office, a pour fonction « de promouvoir et de garantir la doctrine de la foi et des mœurs dans le monde catholique tout entier ».
Depuis sa création, quatre Préfets seulement se sont succédé à sa tête :
- le cardinal Alfredo Ottaviani jusqu’en 1968,
- le cardinal Franjo Seper, de 1968 à 1981,
- le cardinal Joseph Ratzinger, de 1981 à 2005,
- le cardinal William Levada depuis le 13 mai 2005.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi exerce sa mission de service de la foi en publiant des Instructions, des Notifications, des Décrets, des Déclarations, des Réponses, des Lettres et des Normes.
Un recueil  exhaustif de tous les documents publiés par la Congrégation depuis sa création a été publié[1]. Le volume, de 665 pages, rassemble, dans leur texte original (latin, italien, français, anglais ou allemand) et dans l’ordre chronologique, les 105 documents promulgués entre le 18 mars 1966 (« Instruction sur les mariages mixtes ») et le 11 février 2005 (« Note sur le ministre du sacrement de l’onction des malades »).
Un index des noms cités et surtout un très riche index analytique permettent de se reporter utilement aux interventions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Ainsi, pour nous en tenir à quelques exemples, la doctrine de l’Eucharistie a été traitée dans une trentaine de documents ;  les associations maçonniques ont fait, à deux reprises (1981 et 1983), l’objet d’une « Déclaration » ; l’admission des femmes au sacerdoce ministériel a fait l’objet d’une « Déclaration » (en 1976) et d’une « Réponse » (en 1995).
Il serait souhaitable que ce recueil, commode et exhaustif, soit traduit en français.
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• Trois livres sur le Magistère.
« La fonction du Magistère n’est pas quelque chose d’extrinsèque à la vérité chrétienne et à la foi, mais elle est un élément constitutif de la mission prophétique de l’Eglise » dit le cardinal Levada, actuel Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. L’Eglise est Mater et Magistra, selon le titre de l’encyclique de Jean XXIII, « Mère et Maîtresse de vérité ».
Sur la nature du Magistère et sur son mode d’exercice, les opinions les plus diverses non seulement ont cours, mais sont enseignées avec une autorité (toute privée) par des théologiens et des clercs. Depuis les années 1970, on est arrivé à ce paradoxe que les théologiens qui revendiquent la plus grande indépendance et la plus grande liberté dans l’Eglise ont été rejoints dans leur conception minimaliste et réductrice du Magistère par des clercs et théologiens sédévacantistes ou « guérardiens » qui limitent l’assistance divine aux seuls jugements solennels et infaillibles du Magistère.
Trois livres permettent d’éclairer la question. Sans prétendre en proposer une analyse critique, je me contente de les signaler :
- abbé Bernard Lucien, Les degrés d’autorité du Magistère[2].
- sous la direction de l’abbé Bruno Le Pivain, L’Eglise, servante de la vérité. Regards sur le Magistère[3].
- Mgr Gherardini, Contemplando la Chiesa[4].
Mgr Gherardini fut longtemps professeur d’ecclésiologie à l’Université pontificale du Latran. Il est membre émérite de l’Académie pontificale Saint Thomas d’Aquin et directeur de la revue Divinitas. Son essai est un traité sur l’Eglise en cinq approches : Connaître l’Eglise, Ecouter l’Eglise, Prier avec l’Eglise, Aimer l’Eglise, Confesser l’Eglise (« Je crois à l’Eglise » et non « Je crois l’Eglise », souligne l’auteur).
Il aborde la doctrine du Magistère dans la partie « Ecouter l’Eglise », une écoute qui doit être « attentive » et « religieuse » (au sens que donne saint Thomas d’Aquin à ce mot lorsqu’il parle de la vertu de religion comme acte qui réalise sa propre définition).
L’autorité du Magistère, explique aussi Mgr Gherardini, n’est pas une autorité née de l’Eglise, mais « dans l’Eglise » (« nella Chiesa » et non « dalla Chiesa »), par la puissance du Saint-Esprit. Une participation à l’infaillibilité du Christ qui est la Vérité. L’assentiment de la foi n’est pas dû à toutes les paroles et écrits des Souverains Pontifes, mais dans leur Magistère ordinaire il peut y avoir, hormis l’enseignement « ex cathedra «  un enseignement « qui oblige ».
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[1] Congregatio pro Doctrina Fidei, Documenta inde a concilio Vaticano secundo expleto edita (1966-2005), Libreria Editrice Vaticana, 665 pages, 40 euros.
[2] Abbé Bernard Lucien, Les degrés d’autorité du Magistère, La Nef (2 cour des Coulons, 78810 Feucherolles), mars 2007, 232 pages, 22 euros.
[3] L’Eglise, servante de la vérité. Regards sur le Magistère, essais réunis sous la direction de Bruno Le Pivain, Editions Ad Solem (2 rue des Voisins, CH – 1205 Genève), octobre 2006, 413 pages, 37 euros.
[4] Il s’agit d’un numéro spécial de la revue Divinitas (Palazzo dei Canonici, 00120 Vaticano), février 2007, un numéro triple de 339 pages, 20 euros.