29 décembre 2005

[Catholic Family News] Interview de Mgr Richard Williamson, de la FSSPX

Paru en anglais dans Catholic Family News - version française par csi-diffusion.org - 29 décembre 2005

Note : Dans un récent entretien à 30 jours (n°9, 2005), le Cardinal du Vatican Dario Castrillon Hoyos, Président de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, a admis que la Société Saint Pie X n’était pas en situation de schisme formel, et que la Messe Latine Tridentine n’avait jamais été abolie. C’est alors que Una Voce d’Italie a publié le 8 décembre 2005 que Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général de la Société Saint Pie X, avait eu au Vatican un entretien confidentiel de cinq heures avec le Cardinal Castrillon Hoyos au cours de novembre dernier John Vernan, Editeur des Catholic Family News, a contacté Mgr Richard Williamson, Recteur du Séminaire Notre-Dame Corédemptrice en Argentine, pour recueillir ses commentaires.
CFN : Pourriez-vous commenter la récente déclaration du Cardinal Castrillon Hoyos selon laquelle la Société Saint Pie X n’est pas en situation de schisme formel?
Mgr Williamson : Si le Cardinal Castrillon a dit récemment que la SSPX n’est pas en situation de schisme, c’est là une déclaration à laquelle il faudrait donner une large publicité, car les catholiques ne discernent pas tous en aucune façon, clairement que telle est la vérité en la matière. La SSPX ne s’est jamais placée en situation de schisme, car elle n’a jamais dénié aux autorités romaines de l’Eglise le droit de gouverner l’Eglise, elle a seulement déclaré que certains ordres émanant de ces autorités, ne pouvaient être observés en raison du fait qu’ils allaient à l’encontre du bien de l’Eglise. Une telle "désobéissance" sélective n’a jamais culminé en schisme.
CFN : Une autre remarque surprend de la part du Cardinal Hoyos, quand il a déclaré que la Messe Latine Tridentine n’avait jamais été abolie.
Mgr W : Là encore, si le Cardinal Castrillon a déclaré que le rite Tridentin de la Messe n’a jamais été interdit, il s’agit d’une autre déclaration à laquelle il faudrait donner une large publicité, car nombreux sont les prêtres catholiques qui aimeraient célébrer la Messe dans ce rite, alors qu’ils continuent à croire que cela leur est interdit. Bien entendu, la Messe Latine Tridentine n’avait jamais été abolie, mais depuis longtemps, l’impression est venue de Rome, selon laquelle elle avait été abolie.
CFN : Una Voce d’Italie a fait rapport du récent entretien de cinq heures entre le Cardinal Hoyos et l’Evêque Fellay. Il rapporte que l’un des points discutés portait sur l’éventualité que le Vatican "lève" l’excommunication des Evêques de la FSSPX. Cependant depuis les Consécrations de 1988, l’Archevêque Lefebvre et la SSPX ont répété qu’il n’existait nullement d’excommunication légale réelle, et par suite, nulle excommunication à lever. Comment résoudre, selon vous, cette contradiction ?
Mgr W : A propos de la déclaration de Rome de la fin juin 1988 selon laquelle l’Archevêque Lefebvre, ainsi que les quatre évêques qui avaient accepté de se faire sacrer sans permission par celui-ci, s’étaient automatiquement, de par la loi de l’Eglise, excommuniés eux-mêmes, la FSSPX a toujours soutenu la position selon laquelle, de par la loi de l’Eglise, aucune excommunication de ce genre n’était intervenue, car les cinq évêques ont tous agi sous la conviction sincère – même s’ils s’étaient trompés (voir Nouveau Code, Canon 1323, n°4) – que la grave crise de l’Eglise nécessitait ces consécrations. A la recherche d’une mutuelle harmonie, la FSSPX peut à présent rechercher une formule qui sauve la face de Rome pour "lever" "l’excommunica-tion", mais nulle harmonie mutuelle ne saurait justifier toute formule qui trahirait la vérité. "L’Harmonie" basée sur le mensonge n’est pas la véritable harmonie !
Le grave problème ici, sous-jacent à toute recherche de l’harmonie entre Rome et la FSSPX, est que Rome ne croit toujours pas qu’il y ait une crise dans l’Eglise, ni quoique ce soit d’aussi grave que ce que croit la FSSPX. Tant que Rome voit les choses ainsi, toute "résolution" des problèmes entre la FSSPX et Rome devrait, à tout le moins, rester difficile.
CFN : La hiérarchie conciliaire parle au Vatican de la possibilité de stopper les abus. Mais les Catholiques traditionnels définiront le terme "abus" différemment de la hiérarchie du Novus Ordo. Pour les Catholiques traditionnels, c’est la Nouvelle Messe elle-même qui constitue un abus, car (selon les termes du Cardinal Ottaviani), elle "représente un éloignement frappant de la théologie Catholique de la Messe, telle qu’elle a été formulée dans la Session XXII du Concile de Trente".
Mgr W : C’est là un exemple classique de la difficulté. Rome actuellement ne considère toujours pas qu’il y ait un grave problème intrinsèque à la nouvelle Messe (de Paul VI en 1969). L’Archevêque Lefebvre et la FSSPX d’autre part ont toujours soutenu que ce nouveau rite est si intrinsèquement de-catholisé (dépréciant la Présence Réelle, le véritable sacrifice, la prêtrise du sacrifice) qu’elle met à la foi gravement en danger la foi du prêtre qui la célèbre et celle du laïc qui y assiste. Tant que Rome ne commencera pas à réaliser à quel point le problème de la Messe du Novus Ordo est grave, il est difficile de concevoir comment une véritable harmonie pourrait être établie entre Rome et la FSSPX.
CFN : La déclaration de 1974 de l’Archevêque Lefebvre (voir ci-dessous) résume la mission de la Société Saint Pie X. Pense-vous que la FSSPX puisse remplir cette mission dans le cadre d’une approbation du Vatican actuel ?
Mgr W : La question de savoir si la FSSPX pourrait remplir sa mission telle que présentée par l’Archevêque Lefebvre en novembre 1974, si la FSSPX recevait l’approbation du Vatican actuel, dépendrait des conditions requises par le Vatican pour cette approbation. Par exemple, selon toute vraisemblance, le Vatican exigerait une sorte de reconnaissance du Second Concile du Vatican. Mais ce Concile et la Nouvelle Messe se situent respectivement au cœur de la théorie et de la pratique de ce changement de la religion Catholique que la FSSPX a pour mission de refuser. Aussi est-il difficile d’imaginer que cette Rome puisse offrir quelque sorte d’approbation que la FSSPX, fidèle à cette fameuse déclaration de l’Archevêque Lefebvre, puisse accepter.
CFN : Après la rencontre du 29 août de l’Evêque Fellay avec le Pape Benoît XVI, le Cardinal Francesco Pompedda, l’ancien Préfet de la Signature Apostolique, a déclaré au quotidien italien La Stampa que la Société Saint Pie X ne pourrait être réconciliée avec le Saint Siège, qu’à la condition de reconnaître les décrets de Vatican II. Or l’Archevêque Lefebvre a souligné, à juste titre, que les décrets de Vatican II constituent un "mélange" - mélangeant des documents libéraux avec des documents traditionnels. Comment, dès lors, la FSSPX pourrait-elle "accepter" Vatican II ?
Mgr W : Assurément. Il n’est pas étonnant qu’aussitôt après la rencontre de l’Evêque Fellay avec le Pape Benoît XVI en août dernier, un Cardinal Romain ait soulevé l’exigence de la Rome Conciliaire selon laquelle une réconciliation entre Rome et la FSSPX requièrerait la reconnaissance des décrets de Vatican II de la par de la FSSPX. Mais ces décrets sont en fait un “patchwork”, mélangeant l’(ancienne) religion catholique avec la (nouvelle) religion conciliaire. Pour les accepter, la FSSPX devrait trahir sa véritable raison d’être, laquelle est de refuser cette nouvelle religion.
CFN : En février 2004, la Société Saint pie X a publié "De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse", adressé à tous les Cardinaux dans le Monde. Il s’agissait d’une critique théologique, basée sur le Magistère pérenne de l’Eglise, contre l’œcuménisme conciliaire et post-conciliaire. Le Cardinal Hoyos a publiquement critiqué ce document de la FSSPX, déclarant que "personne n’a le droit de juger le Saint Siège", même si ce document qui mettait en cause l’œcuménisme, ne portait pas de jugement sur la personne du Pape.
Mgr W : Ce document de février 2004 de la FSSPX, "De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse", constituait un exposé classique de la véritable doctrine catholique, laquelle ne peut changer, sur les relations entre la véritable Eglise Catholique et toutes les autres religions, lesquelles doivent nier plus ou moins la doctrine de cette Eglise pour s’en différencier. Cette question est une question de vérité, il ne s’agit pas du droit ou du défaut de droit "de juger le Saint Siège". Le Saint Siège est soumis à la vérité. Néanmoins, il est typique du Vatican actuel d’éluder les questions primordiales de vérité, et de les détourner sur des questions secondaires de discipline, d’obéissance, de "défaut de droit de juger", etc, etc…En fait, dans l’Eglise Catholique, les questions primordiales de doctrine et de vérité conditionnent ces questions secondaires. Dans l’Eglise Conciliaire la vérité n’est plus le critère suprême.
CFN : Merci pour vos commentaire, Votre Excellence. Avez-vous des remarques pour conclure ?
Mgr W : Ce que réalisent peu à peu les Catholiques sincères, mais non pas les autorités actuelles de l’Eglise à Rome, c’est que Vatican II et la Nouvelle Messe représentent un mélange du Catholicisme avec une nouvelle religion centrée sur l’homme, avec une inclination pour la nouvelle religion. Entre le Catholicisme et cette nouvelle religion il existe une guerre à mort, qui ne peut que se terminer par le dévoilement et la destruction de cette nouvelle religion, car Notre Seigneur a promis que Sa religion, le vrai Catholicisme, durerait jusqu’à la fin du monde.
Dès lors, s’il doit être trouvé une harmonie entre la Rome de Vatican II et la FSSPX de la déclaration authentiquement catholique de novembre 1974 de l’Archevêque Lefebvre, il n’existe que trois possibilités : soit Rome abandonne la religion Conciliaire, soit la FSSPX trahit la Religion Catholique, soit Rome abandonne a moitié et la FSSPX trahit à moitié en sorte de trouver quelque part entre ces positions un lieu de rencontre.
Ce ne sont pas là des mots durs, mais tout simplement la réalité de la question, que beaucoup d’âmes ne comprennent pas encore, mais qu’elles comprendront si elles cherchent la vérité.