1 octobre 2005

[Yves de Lassus - Présent] Une première en Europe : une paroisse de rit tridentin instaurée à Toulon

SOURCE - Yves de Lassus - Présent - 1er octobre 2005

De nombreux catholiques traditionnels attendent depuis longtemps le jour où ils pourront avoir librement accès à tous les sacrements selon le rit de 1962 sans demander d’autorisation particulière et sans craindre de subir la suspicion du clergé local pour avoir exprimé un tel souhait. Grâce à la droiture et au courage de Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, ce jour est arrivé pour les catholiques de Toulon. En effet, dimanche dernier 25 septembre, Mgr Rey a érigé la paroisse Saint-François-de-Paule en paroisse personnelle de rit tridentin.
L'HISTOIRE de cette nouvelle paroisse a commencé le 2 janvier 1994, jour où, pour répondre aux demandes de certains fidèles d’avoir la messe selon le rit tridentin dans une véritable église, Mgr Madec autorisa une messe tous les dimanches matin dans l’église Saint-François-de-Paule. Située au bas du cours Lafayette, en plein cœur de Toulon, cette église, dotée d’un très bel autel classé, dépendait de la paroisse cathédrale. Premier prêtre désigné pour y être le chapelain de la nouvelle communauté, l’abbé Trauchessec y exerça un an. A son départ, plusieurs prêtres du diocèse assurèrent à tour de rôle la célébration de la messe dominicale, dont le vicaire général qui pendant plusieurs années assura ce rôle deux ou trois fois par trimestre. En 2000, Mgr Rey, nommé évêque de Toulon en remplacement de Mgr Madec, maintint la décision de son prédécesseur et autorisa même deux messes le dimanche matin. Un an plus tard, devant les difficultés que représentait l’établissement chaque trimestre du tour de prêtres chargés de desservir Saint-François-de-Paule et aussi devant les inconvénients pastoraux pour les fidèles d’avoir un prêtre différent chaque dimanche, Mgr Rey demanda à la Fraternité Saint Pierre de desservir l’église toulonnaise. C’est ainsi qu’en septembre 2001 l’abbé Kühlem fut nommé chapelain de Saint- François-de-Paule. Au bout d’un an, devant les excellents rapports que l’abbé Kühlem avait su établir avec les prêtres du doyenné, Mgr Rey autorisa la messe tous les jours. Et la communauté de Saint-François-de-Paule continua ainsi à se développer dans la paix, de mieux en mieux acceptée par les autres communautés paroissiales du centre ville.

Mgr Rey suivait de près la vie de la communauté, confirmant les enfants du catéchisme en juin 2004, célébrant lui-même dans le rit traditionnel lors de l’intronisation au mois de décembre suivant de l’abbé Loiseau, remplaçant de l’abbé Kühlem.

Devant ce développement harmonieux, Mgr Rey décida en juin dernier d’ériger Saint-François-de- Paule en paroisse personnelle pour le rit de 1962. L’expression « paroisse personnelle » est une expression du Code de droit canonique de 1983 qui précise dans le canon 518 : « En règle générale, la paroisse sera territoriale, c’est-à-dire qu’elle comprendra tous les fidèles du territoire donné ; mais là où c’est utile, seront constituées des paroisses personnelles, déterminées par le rite, la langue, la nationalité de fidèles d’un territoire, et encore pour tout autre motif. »

La date pour l’érection officielle de la paroisse fut fixée au 25 septembre.

Pris par d’autres activités ce matin-là, Mgr Rey délégua son vicaire général, Dom Marc Aillet, pour cette cérémonie qui eut lieu juste avant la grand-messe. Après avoir expliqué à l’assemblée des fidèles le sens de la cérémonie, le vicaire général alla chercher à la porte de l’église l’abbé Loiseau qui allait être désigné curé de la nouvelle paroisse et le conduisit au chœur. Puis il lut le décret de Mgr Rey dont voici les principaux passages :
— « Décret d’érection canonique de la paroisse personnelle Saint-François-de- Paule
Nous, Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, érigeons, en vertu du canon 518 du Code de droit canonique, la communauté des fidèles attachés à l’ancienne forme liturgique du rite romain en vigueur en 1962 et fréquentant l’église Saint-François-de-Paule en paroisse personnelle et décrétons ce qui suit :
— Cette paroisse jouit de la même personnalité juridique que les autres paroisses du diocèse de Fréjus-Toulon.
Son administration est régie par les normes du Droit universel et le Directoire diocésain de pastorale, ainsi que par le présent décret.
— Est concédée à cette paroisse personnelle la faculté de célébrer l’Eucharistie, les autres sacrements, la liturgie des heures et toutes les autres actions liturgiques selon les livres en vigueur dans l’Eglise latine en 1962, suivant les dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei Adflicta du 2 juillet 1988.
— La paroisse est confiée à un curé nommé par l’évêque de Fréjus-Toulon.
— Le curé de cette paroisse a les mêmes droits et devoirs fixés par le droit universel que les autres curés du diocèse. Son pouvoir est personnel, c’est-à-dire exercé envers les fidèles qui appartiennent à cette paroisse ; ordinaire, tant au for externe qu’au for interne ; cumulatif avec celui du curé de la Paroisse Cathédrale. »
Ce décret a reçu l’approbation du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du Clergé et président de la Commission Ecclesia Dei, par une lettre datée du 17 septembre dont voici les passages les plus importants :
« Vous demandez l’approbation du Décret d’érection d’une paroisse personnelle pour les fidèles attachés au Missel de 1962.
C’est avec grande joie que je vous donne mon approbation pour cette initiative courageuse. Avec ces fidèles, je vous remercie d’avoir écouté leur voix qui demanda à leur évêque ce geste éminemment pastoral envers eux. J’espère que tout se passera dans la paix et la concorde, et que cette nouvelle paroisse sera bien insérée dans le tissu du diocèse. (…) Enfin, je désire exprimer mon espoir, que quelques évêques français puissent suivre votre bon exemple. »

Ainsi, pour le cardinal Hoyos, c’est une joie de donner son approbation à la création de cette paroisse, création qu’il qualifie lui-même « d’initiative courageuse ». Il considère le geste de Mgr Rey comme « éminemment pastoral ». Et surtout, il souhaite que « quelques évêques français puissent suivre ce bon exemple ». Dès lors qui pourra encore croire que la messe tridentine est interdite par Rome. Son autorisation reste encore soumise à la décision des évêques, mais le cardinal encourage ces initiatives.

Après avoir lu le décret de Mgr Rey et la lettre du cardinal Hoyos, le vicaire général intronisa officiellement l’abbé Loiseau curé de la nouvelle paroisse par une cérémonie brève mais très émouvante.

Il le conduisit d’abord devant le maître-autel. Après avoir ouvert la porte du tabernacle, tous deux, ainsi que toute l’assemblée, adorèrent quelques instants Notre Seigneur présent. Puis au son du quatrième concerto pour orgue de Haendel, le vicaire général conduisit l’abbé Loiseau aux fonds baptismaux, puis le fit asseoir dans l’un des deux confessionnaux installés au fond de l’église, enfin le fit monter en chaire, montrant par ces signes qu’au nom de l’évêque il lui donnait pouvoir d’administrer les sacrements et d’enseigner les fidèles de cette nouvelle paroisse.

Suivit une grand-messe avec diacre et sous-diacre, célébrée par le nouveau curé, le vicaire général tenant lui-même le rôle de cérémoniaire.

Après la messe, un déjeuner réunit les fidèles présents ainsi que plusieurs curés ou religieux du voisinage et Mgr Rey nous fit l’honneur et le plaisir de se joindre à nous pour le début du repas.

Au cours de celui-ci, l’abbé Loiseau lut le message qu’il avait reçu le matin-même de Dom Louis-Marie, père abbé du Barroux.

Dom Louis-Marie apportait son soutien à Mgr Rey et s’associait à la joie des fidèles de Saint-François-de-Paule.

Voici quelques extraits de son message :
« C’est sans réserve aucune que je m’associe à votre joie et à celle de vos frères. L’érection en paroisse personnelle de l’église Saint-François-de-Paule et votre installation comme curé est une première en France. C’est pourquoi je félicite vivement Mgr Rey de cette courageuse initiative et j’espère que cet exemple fera école dans de nombreux diocèses. Les fidèles, en effet, aspirent à vivre la spiritualité du rite antique, non pas dans des réserves mais bien plutôt dans des structures parfaitement intégrées dans les diocèses et dans un rapport filial avec les évêques. C’est une grande source d’espérance de voir enfin le rite de Saint Pie V pouvoir avancer au large. (…) C’est aussi une très grande joie de voir les relations filiales que vous entretenez avec votre évêque. Aujourd’hui, vous chanterez avec plus de force et de joie que de coutume votre foi en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. L’Eglise « espère que cet exemple fera école dans de nombreux diocèses ». En outre, il fait une remarque importante qui servit toujours de ligne de conduite pour les fidèles de Saint-François-de-Paule : « Rien ne s’est jamais fait de bien durablement sans nos évêques ». Et la reconnaissance de la paroisse Saint François de Paule est une preuve concrète que la Providence ne reste pas sourde à l’appel de ses enfants qui, tout en demandant la messe traditionnelle à temps et à contre-temps, ont voulu malgré tout rester dans l’Eglise, fidèles à leur diocèse et respectueux de leur évêque. Car, dans le domaine spirituel, aucun bien durable ne peut être fait en dehors de l’Eglise ; aucun bien durable ne peut être fait en dehors du cadre défini par un évêque ou un supérieur ecclésiastique.

Il nous reste maintenant à prier pour remercier le Ciel de cette nouvelle grâce. Remercions aussi Benoît XVI, dont l’érection au suprême pontificat n’est probablement pas étrangère à cette décision.

Et surtout continuons à prier pour que le souhait du cardinal Hoyos et de Dom Louis-Marie soit entendu par les autres évêques français. Certains n’attendaient peut-être que le geste courageux de Mgr Rey pour se décider.

Alors prions pour eux, pour que le Saint-Esprit leur accorde la force de suivre l’exemple de l’évêque de Toulon. Enfin prions pour que tout ceci se fasse dans la paix comme le souhaite le Cardinal.

Yves de Lassus

PRESENT n°5930 daté du samedi 1er octobre 2005, p.8